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Billet de blog 17 janvier 2016

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Face à la crise de légitimité, on réchauffe la menace extrémiste

Le droit de manifester accordé à Ali Benhadj et au MAK n’est qu’un leurre et ne constitue en aucun cas une application de ce droit tant vanté par la nouvelle Constitution, encore moins cette transition vers un état civil porté à bras le corps par Amar Saidani, ni le retour à un véritable régime démocratique.

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Il y a très peu de temps encore, Ali Benhadj faisait l’objet de toutes sortes d’interdictions, recouvrant aussi bien les prises de parole publiques, l’accomplissement des prières du vendredi dans les mosquées, jusqu’aux empêchements de ses déplacements les plus ordinaires. Le voilà tout d’un coup, libre de toute entrave, prêchant sur une place publique à Oued Rhiou près de Relizane des slogans politiques vieux de vingt-cinq ans et tout cela assorti d’une protection policière discrète ! Que dire de la marche du MAK à Béjaia et Tizi Ouzou à l’occasion de la célébration de Yennayer 2966, qui se sont déroulées sous l’indifférence totale des autorités locales, alors que peu avant ce genre de manifestations finissaient systématiquement sous les coups des matraques, suivis de nombreuses arrestations arbitraires. En agissant de la sorte, les décideurs, on les appellera ainsi car personne n’est en mesure de dire qui gouverne avec précision, ont-ils voulu faire croire à une véritable mise en application du droit de manifester consacré par le projet de la nouvelle Constitution ? Est-ce bien l’amorce de la transition vers l’état civil tant vanté par Amar Saidani et le retour à une véritable vie démocratique ? On est tenté d'y croire, si ce n’est le revers qu’ils ont subi, par le rejet global de leur Constitution et de leur Loi de finance 2016, de la part de l’ensemble de la société civile. Un revers qui leur fait craindre une flambée d’actions de rue à venir pouvant entraîner toute la population dans leur sillage. Ces actions en perspective ne sont plus au conditionnel au jour d’aujourd’hui, ce samedi des habitants d’Annaba ont déjà manifesté contre les dernières décisions prises, par le slogan générique : « l’Algérie n’est pas à vendre ». Cette semaine également le SNAPAP se prépare à manifester contre la Loi de finance 2016 et la dégradation du pouvoir d’achat. En tout cas, une chose est sûre, s’ils laisseront faire sans leur riposte habituelle en pareille circonstance, c’est-à-dire sévir par une répression brutale, toutes les frustrations de la société civile ne manqueront pas de venir se déverser chaotiquement dans la rue par effet de contamination dans une réaction en chaîne. C’est pour cette raison que le droit de manifester accordé à Ali Benhadj et au MAK n’est qu’un leurre et ne constitue en aucun cas une application de ce droit tant vanté par la nouvelle Constitution, encore moins cette transition vers un état civil portée à bras le corps par Amar Saidani, ni le retour à un véritable régime démocratique. L’autorisation des marches du MAK et la tenue d’un meeting par Ali Belhadj dans ces circonstances semblent en toute logique répondre à un besoin de grandes manœuvres à venir, en s'en servant comme garde-fous pour parer à la tempête de contestations qui s’annoncent. Confrontés à une grave crise de légitimité, depuis que les partis politiques d’opposition et la société civile ont rejeté massivement le projet de la nouvelle constitution et la Loi de finance 2016, leur faisant craindre le basculement de la société vers la radicalisation, ils auraient opté pour cette sournoise autorisation de manifester, dans la perspective de réchauffer la menace extrémiste des deux bords, islamiste et séparatiste, afin de justifier en temps voulu l’interdiction de toute action de rue. Car les idéologies respectives de ces deux forces extrémistes sont aussi totalitaires et antinomiques avec un régime politique démocratique. L’idéologie islamiste exclut du champ de la représentation politique toute expression laïque et en face, le mouvement identitaire amazigh et son excroissance séparatiste exclut à son tour toute expression politique qui ne s’inscrit pas dans le champ culturel de son identité ethnique. C’est en misant sur le pourrissement de leurs actions de rue respectives, qui les amèneraient en conséquence vers des comportements violents, que les décideurs auront à faire valoir cette autre disposition de la Constitution, celle de rétablir l’interdiction temporaire de manifester en attendant que la tempête ne soit passée. Même s’il faut provoquer cette violence. A cet effet, une rumeur semble déjà avoir été activée dans ce sens, qui attribue aux islamistes constantinois la préparation d’une marche pour le 20 avril prochain, pour réclamer le bannissement de la langue tamazight de la Constitution. Pour rappel, le 20 avril correspond à la date anniversaire du printemps Berbère. En tout cas, pour survivre à cette crise, les décideurs auront par ailleurs tout intérêt à réactiver ces extrémismes pour l’émiettement de l’espace politique et des forces qui leur résistent, d’une part, et pour que ces forces extrémistes puissent continuer à s’opposer en se neutralisant pour lui garantir l’équilibre du statu quo. 

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