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Je suis le tranchant du verbe qui cisaille les moeurs

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Billet de blog 1 décembre 2021

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L'extrême droite a un boulevard : à nous d'ériger des barricades

Un spectre hante la France… celui d’un pays fantasmé, réifié par une vision rance, une France qui n’a sûrement existé, justement, que dans les films ou dans les rêves. Une France muséale avec son glorieux patrimoine, et moi je me souviens d’un ami américain visitant Versailles : « je comprends mieux la Révolution française ! »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un spectre hante la France…celui d’un pays fantasmé, réifié par une vision rance, une France qui n’a sûrement existé, justement, que dans les films ou dans les rêves. Une France muséale avec son glorieux patrimoine, et moi je me souviens d’un ami américain visitant Versailles : « je comprends mieux la Révolution française ! »

Vieilles pierres et idées archaïques, pays qui devrait être figé dans le marbre – et moi, je me demande : jusqu’à quand va-t-on me parler de De Gaulle ?!

Vulgaire esthétisation de la politique sur quelques élans de la 7e symphonie de Beethoven pour nous tirer quelques larmes et sonner soi-disant l’alarme, recherche d’un vernis intellectuel devant une bibliothèque d’apparat, mise en scène d’une voix off cherchant à raviver la flamme de la « passion France », inoculant des expressions comme « islamogauchisme » et « théorie du genre » – le mal est déjà fait, et par d’autres ;  Z agite de vieux chiffons en utilisant d'anciennes et d'autres plus originales ficelles médiatiques, peut-être grossières, mais indéniablement séduisantes pour une partie de la population désemparée.

Comme Trump, il a compris qu'être un homme médiatique était son plus grand atout en politique – n'a-t-il pas eu une scène quotidienne dans nombre de foyers pour répandre ses idées et rendre familière sa faconde ? Et comme Trump, il faut le prendre au sérieux plutôt que de se complaire, en refusant de voir nos propres défaites et manquements, en le balayant d'une main hasardeuse, en le traitant de pantin "fébrile".

L’équipe de Z n’aurait pas demandé les droits des images ? Va-t-on se contenter de ce coup de canif dans le vide pour contre-attaquer ? On peut légitimement se dire que certains ne veulent pas être associés à ce pastiche patriote. Mais en rester là démontre, encore une fois, le manque de vigueur d’une véritable opposition à même de promouvoir une vision qui, elle aussi, puisse créer un désir suffisamment fort et rassembleur, sans nous servir la soupe à l’oignon réac’.

S’il faut vraiment aller sur ce terrain-là, pour moi, la France, c’est aussi et surtout le Front Populaire, les services publiques, l’université gratuite (pour tous et toutes, y compris en dehors des frontières de l’Union Européenne), un hôpital qui soignerait sans discrimination, la Commune, Vallès, Rimbaud, Paris capitale cosmopolite, de grandes ambitions pour une culture élitaire pour toutes et tous, l’égalité réelle et la solidarité véritable…Bref, une France à gauche. Autant de choses dont nous avons cruellement besoin pour faire face aux défis d’un monde qui n’est plus du tout celui des images d’archives qu’on voudrait (vainement) ressusciter. Nostalgie, nostalgie quand tu nous tiens : le propre de cette dernière consiste d’ailleurs dans l’impossibilité du retour…

Il faudrait montrer les images qui se cachent, le contre-champ aux vidéos de l'« ensauvagement » d’une France qui a peur, mais aussi au récit national défendu par Z dans sa vidéo de campagne, presque point par point – des tirailleurs sénégalais aux milliers de morts des campagnes napoléoniennes, pour une gloire viriliste qui continue de faire bander *soupir*, aux Algériens dans la Seine, à Zineb assassinée par police à sa fenêtre – autant de choses que l’on doit prendre à bras le corps, même si c’est une tâche ardue, pour affronter d’autres spectres.

Castoriadis, philosophe grec devenu français (mais qui est resté Cornelius et non Jean-Paul), venu en France à bord du Mataroa (paquebot affrété pour acheminer des artistes et intellectuels grecs fuyant la guerre civile, accueillis comme boursiers à Paris, et dont on me parle encore avec émotion à Athènes) affirmait que l’Occident se caractérisait par sa capacité d’autocritique. Une telle exclusivité serait peut-être contestable ; toujours est-il que c’est sûrement, surtout, aussi, cet héritage qu’il faut défendre, plutôt que de se conforter, avec les œillères d’un nationalisme toujours inquiétant, dans une image ‘flatteuse’ pourtant pleine de poussière.

Hauts les coeurs ! L'extrême-droite a un boulevard ; à nous, tout de même, d’ériger des barricades, pour nous élever contre le c'était-mieux-avant* et vers d'autres horizons.

*(à savoir quand les femmes étaient des femmes, ne l'ouvraient pas trop, ne portaient ni voile ni crop-top, et que les étrangers étaient 'chez eux' – un chez-eux pris souvent pour un 'chez-nous', mais après tout c'était pour les "éclairer" de nos Lumières –, et qu'on lisait plutôt Voltaire que le dernier Goncourt, Mohamed Mbougar Sarr... Un nom qui provoque des sueurs froides alors qu'il est érigé comme étendard de la littérature francophone !) 

Illustration 1
© Photomontage : Philippe Quesne.

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