Agrandissement : Illustration 1
Il se passe quelque chose en ce moment à la Ménagerie de verre : on peut y voir les derniers films de Jean-Luc Godard – Éloge de l’amour, Notre Musique, Film Socialisme, Adieu au langage, Le Livre d’image – comme, peut-être, ils devraient être toujours vus, en déambulant à son rythme, comme on ouvrirait un livre pour n’en lire que quelques phrases, puis on en piocherait un autre avant de lever la tête, le regard dans le vague.
Oui, il faut contempler ces vifs éclats comme on saisirait au vol quelques vers, alors que l'on traverse ces studios qui accueillent habituellement les danseurs. Les murs de béton peints en blanc sont un écrin brut, les mots s’y affichent comme d’éphémères graffitis stroboscopiques. On arpente les salles comme des stations pour traverser le monde des images, des images N&B, des images saturées, des images d’amour et de violence, des images de la vie donc, et la poésie est partout.
Les portes s’ouvrent et les séquences se répondent en jeux de miroir, ajoutant au montage ce beau souci de nouvelles perspectives. Le parquet craque et devient le pont d’un paquebot, tandis que les barres de danse sont transformées en bastingage par les projections de l’océan sillonné par le Costa Concordia. Un piano sommeille, et pourtant notre musique est bien là, la voix sépulcrale aussi, chuchotant à nos oreilles dans le couloir, passage du Styx en stéréo augmentée.
Éloge de l’image, fenêtre sur (pourrait-on dire), dévoilant en voilant que derrière les images, il y a toujours d’autres images, dense chorégraphie des signes. Dans le garage, les silhouettes en chair et en os se mêlent aux fantômes de pixel, et l’on fixe des vertiges quand ce sont des actrices (comme Héloïse Godet) qui ressurgissent hors de l'écran. JLG & sa malice aurait sûrement adoré, lui qui s’amusait de la fiction et de la réalité (Hamlet/Elsener, etc) et ses frontières toujours poreuses. Et, une fois de l’autre côté du miroir, on se dit que Godard, c’est toujours l’avant-garde.
Agrandissement : Illustration 2
_
Éloge de l'image, parcours visuel et sonore autour des cinq films réalisés par Jean-Luc Godard entre 1999 et 2018 (Eloge de l'amour – Film Socialisme – Adieu au langage – Le Livre d'image). une proposition de Fabrice Aragno et Jean-Paum Battagia.
Ceci n’est pas une installation ou une exposition.
C’est l’opportunité de redonner à ces cinq films de la liberté.
De la liberté dans l’espace de projection en leur permettant d’exister sur des supports
autres que traditionnels et dans un lieu dédié à un autre art majeur que le Cinéma.
De la liberté dans leur lecture respective
en brisant la structure chronologique du montage
et en invitant les visiteurs à réaliser leurs propres
associations de pensée parmi toutes
les images et les sons proposés.
De la liberté enfin en présentant ensemble des fragments de ces films réalisés au cours
des vingt premières années du XXIe siècle et qui, en les faisant résonner l’un l’autre,
soulignent une fois de plus la cohérence et la force du langage de Jean-Luc Godard.
Cette projection que l’on pourrait qualifier de « vivante » nous rappelle que, comme
disait Éric Rohmer à l’époque des Cahiers du Cinéma, « le Cinéma est un art de l’espace ».
Fabrice Aragno et Jean-Paul Battaggia
Initié dès le printemps 2021 par Marie-Thérèse Allier (fondatrice et directrice de la Ménagerie de Verre jusqu’à son décès en mars 2022) le projet ÉLOGE DE L’IMAGE, en plus d’une invitation faite à l’oeuvre de Jean-Luc Godard, a été envisagé comme une nouvelle appropriation des espaces de la Ménagerie de Verre par ses visiteurs. Des lieux jusqu’alors inaccessibles au public (les salles de répétition Duncan, Wigman, Balanchine, Diaghilev et Cocteau) sont ouverts à la déambulation. Le souhait d’un moment de partage, comme le préambule aux 40 ans d’existence de la Ménagerie de verre en 2023.
Ménagerie de verre, 12/14 rue Léchevin,
75011 Paris
Du mercredi au dimanche de 18h à 22h
Tarif unique : 5 euros
Pas de réservation possible à l’avance.