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Billet de blog 5 mai 2014

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André Breton pour aujourd'hui

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je rouvre ces jours-ci et à l'occasion d'un cadeau l'œuvre d'André Breton. Sa prose et sa vision de l'existence enflammèrent mes vingt ans mais le réalisme, le sous-réalisme, d'un Sautet me ramène au surréalisme et à sa volonté d'un art et d'une littérature au service de la révolution à la fois collective et individuelle. Et comme disait son disciple Julien Gracq, fidèle et rebelle tout à la fois, "les poètes qu'on rouvre" ne sont pas si fréquents.

Finalement, malgré quelques images ou métaphores un peu vieillies, le surréalisme et singulièrement André Breton ont quelque chose à nous dire de notre époque. On a raison de se révolter, disait le groupe d'Aragon et de Breton bien avant Mai 68. L'au-delà est ici bas. Le capital morne est notre ennemi mortel.

Et la révolte seule, comme disait Breton, est "créatrice de lumière". 

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Toujours pour la première fois

C’est à peine si je te connais de vue

Tu rentres à telle heure de la nuit dans une maison oblique à ma fenêtre

Maison tout imaginaire

C’est là que d’une seconde à l’autre

Dans le noir intact

Je m’attends à ce que se produise une fois de plus la déchirure fascinante

La déchirure unique

De la façade et de mon cœur

Plus je m’approche de toi

En réalité

Plus la clé chante à la porte de la chambre inconnue

Où tu m’apparais seule

Tu es d’abord tout entière fondue dans le brillant

L’angle fugitif d’un rideau

C’est un champ de jasmin que j’ai contemplé à l’aube sur une route des environs de Grasse

Avec ses cueilleuses en diagonale

Derrière elles l’aile sombre tombante des plants dégarnis

Devant elles l’équerre de l’éblouissant

Le rideau invisiblement soulevé

Rentrent en tumulte toutes les fleurs

C’est toi aux prises avec cette heure trop longue jamais assez trouble jusqu’au sommeil

Toi comme si tu pouvais être

La même à cela près que je ne te rencontrerai peut-être jamais

Tu fais semblant de ne pas savoir que je t’observe

Merveilleusement je ne suis plus sûr que tu le sais

Ton désœuvrement m’emplit les yeux de larmes

Une nuée d’interprétations entoure chacun de tes gestes

C’est une chasse à la miellée

Il y a des rocking-chairs sur un pont il y a des branchages qui risquent de t’égratigner dans la forét

Il y a dans une vitrine rue Notre-Dame-de-Lorette

Deux belles jambes croisées prises dans de hauts bas

Qui s'évasent au centre d’un grand trèfle blanc

Il y a une échelle de soie déroulée sur le lierre

Il y a

Qu’à me pencher sue le précipice

De la fusion sans espoir de ta présence et de ton absence

J’ai trouvé le secret

De t’aimer

Toujours pour la première fois

André Breton, in "L'Air de l'eau", 1934.

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