Ici et là, en une clameur consensuelle qui court de Gérard Filoche à Marine Le Pen, est saluée la mémoire de Pierre Mauroy. Après tout, malgré le désastreux bilan de ce que fut le mitterrandisme, l'ancien Premier ministre de Mitterrand ne fut pas un dictateur et il n'est pas anormal que ses amis politiques, au moins, lui rendent hommage - cela permet, en outre, de requinquer autour de souvenirs une gauche bien mal en point, pour ne pas dire en phase de crash final.
Ce qui est dit de M. Mauroy laisse néanmoins songeur. L'ancien maire de Lille est présenté comme une incarnation de la vraie gauche - tendre avec les opprimés, les humbles et/ou les ouvriers... - et ce refrain donne au parlementarisme, qu'il sert, une petite larme émue sur l'air de "Ah, si l'on pouvait ; ah, si l'on avait pu", sachant que l'on ne peut rien et que les jours couleur d'orange ne sortiront pas du poème.
Les faits, pourtant, sont têtus. Car Pierre Mauroy ne fut pas exactement ce que le PS veut aujourd'hui nous faire croire. Il fut chef d'un gouvernement à un moment où il y avait des grèves dans l'automobile (pour une étude détaillée, voir ici). Parmi ces ouvriers, il y avait beaucoup de gens venus d'ailleurs, notamment des anciennes colonies françaises comme par exemple l'Algérie.
Ces grèves furent violentes et marquées par un racisme absolument débridé de la part de la maîtrise et des chefs dans les usines en grève. Ainsi, à Talbot, y avait-il un syndicat fasciste - la CSL - qui criait "les bougnoules au four !" aux ouvriers en lutte. Face à cela, nul soutien aux ouvriers de la part du pouvoir socialiste. Juste l'idée, via Auroux et Aubry, de la politique du retour qui opèrerait d'abord subrepticement l'effacement du nom ouvrier derrière celui d'immigré.
C'est cette substitution politique d'un nom par un autre, organisée par le PS, que l'on paye encore aujourd'hui. Les mots mêmes de Pierre Mauroy étaient les suivants : il parlait des grévistes arabes comme « (de) travailleurs immigrés [...] agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises ». Nul ne s'étonnera donc de l'islamophobie française actuelle.
Quand ces ouvriers-là ont été effacés vivants par le consensus républicain-parlementaire prélepéniste, nous n'avons pas entendu, ici et là, les mêmes trémolos qu'aujourd'hui.
C'est bien dommage.