Le sarkozysme, M. Plenel, n'est en effet pas une dictature à première vue. Si cependant vous êtes un "archaïque" prolétaire sans papiers, vous avez intérêt à avoir les réflexes de quelqu'un de persécuté sous une dictature car c'est à peu près la seule façon, pour vous, d'échapper à la police.
Globalement, je souscris à ce que vous écrivez, d'autant que ce texte est agréable à lire. Cela aussi, le sarkozysme en manque... L'esthétique ! Chez ces gens-là, tout est vulgaire. De Sardou à Véronique Sanson en passant par Hallyday, au secours ! Quand Sarkozy évoque le grand écrivain Albert Cohen, prétendant qu'il l'a lu, c'est pour parler du Livre à ma mère...
Néanmoins, je trouve que vous vous arrêtez au spectacle sans tant juger la politique que mène cette camarilla inculte et néo-con aux couleurs de la France. La politique de Sarkozy amplifie les horreurs des pouvoirs précédents (P"S" compris) : il y a dans ce pays qui se gausse d'être la patrie des droits de l'homme une traque des étrangers - hommes, femmes et enfants - assumée par la République comme elle assume de réduire les déficits publics. Cela, que je sache, n'émeut pas grand monde. La dernière grande manifestation pour un pays pour tous date de février 1997. Depuis, plus rien de consistant, puisque le principal dessein de cette manifestation était de remettre en selle "la gauche". Le caractère ultraminoritaire des manifestations pour la régularisation des sans papiers fait partie des horreurs de l'époque.
Il y a aussi dans ce pays une hausse des suicides au travail. Ces faits, épouvantables, sont renvoyés, par M. Darcos et Mme Lagarde, aux chiffres habituels de suicides en temps normal, si j'ose dire, au travail. Certes, nous disent deux ministres absolument défardés quant à leur absence de souci du bien commun, cela fait des morts mais en fait, ce n'est pas beaucoup. En d'autres temps, mais peut-être exagéré-je, de tels propos auraient entraîné la démission de leurs auteurs ou une opprobre généralisée. Là, non. Le sarkozysme, pour le coup, fonctionne - et assez bien, de son point de vue - en cela qu'il est censé faire peur aux gens, aux salariés mais pas seulement. C'est du reste, au-delà d'un sinistre folklore, la raison essentielle de l'omniprésence de l'ex-maire de Neuilly. Précisément, le Président proche des gens, qui refuse la pompe liée à la fonction qu'il occupe montre qu'il se croit président et qu'il habite par conséquent sa fonction ad nauseam. Plus le président se veut cool, plus il nous écrase. De ce point de vue, bien que d'une façon nouvelle, il renoue avec une vision autoritaire et glaçante du pouvoir.
Sur la corruption politique, on ne peut évidemment que vous suivre mais celle-ci, une fois encore, ne date pas d'hier. Mitterrand était lui aussi un grand corrupteur, "un grand désorienteur" comme le dit Badiou et un politique sans autre principe que "prendre le pouvoir et le garder". Au reste, les affidés apprêtés de Solutré sont à nouveau du Château qu'ils doivent être contents de retrouver. L'idée que "c'est comme ça" a longtemps été portée par le P"S" (Mitterrand disant, par ex., que "contre le chômage, on a tout essayé") et Sarkozy ne fait que reprendre cela à sa sauce. Je note ainsi que le chef de l'Etat parle abondamment des usines, des ouvriers. Il ne trompera cependant que les naïfs : il peut en parler précisément parce que le contenu politique de ces signifiants a été vidé par le mitterrandisme, transformant les ouvriers étrangers en "clandestins" voire en "islamistes" et les ouvriers français en exclusifs beaufs avinés lepénistes.
Le style, c'est l'homme. La vulgarité, y compris esthétique, de notre époque n'est que l'emballage d'une politique de guerre aux gens. Combien de temps encore allons-nous accepter cela ? Combien de temps encore allons-nous être indignes des résistants du CNR ?