La ratonnade manquée d'Aigues-Mortes, relatée dans les médias et singulièrement dans Le Monde (ici), si elle ne laisse pas d'inquiéter quant à la fascisation d'une partie de la France et singulièrement d'un département, doit aussi nous rappeler l'éternel rôle abject de la gauche parlementaire dans ce genre d'affaires.
Le fascisme putride émergé de marais morts camarguais n'est hélas pas nouveau mais la réaction du maire socialiste d'Aigues-Mortes n'étonnera que les éternels dupés du socialisme français. Au moment du pogrom italianophobe de 1893, la ligne de Jules Guesde était certes plus trash mais du même acabit. Celui-ci, futur partisan de l'Union sacrée sautant à pieds joints dans l'approbation de la boucherie de 1914, parlait des ouvriers étrangers comme de barbares volant le pain des Français (ici). Le socialisme français est français, pour sûr, mais c'est son seul trait. Pour le socialisme, circulez, y a rien à voir ! Ou alors, mieux que le socialisme dans un seul pays... Le social pour les petits-blancs !
Aujourd'hui, peu de choses ont changé. Le maire, Cédric Bonato, d'Aigues-Mortes ne souhaite pas se prononcer sur le crime heureusement raté d'Aigues-Mortes. Sait-on jamais, après tout, hein, si par accès xénophile, il perdait les élections, quelle misère, ce serait... Et puis les étrangers, hein, ça va bien ! Porté, en plus, par un président normal incapable de dire que "Non, il n'y a pas trop d'étrangers en France !", Cédric Bonato serait bien bête de se tirer une balle dans le pied pour un principe !
Qu'il y ait des furieux racistes ou fascistes pour tirer sur des Arabes comme sur des perdreaux ne nous étonnera pas, hélas. Lorsque de tels faits sont rares, c'est avant tout de l'ordre de la psychopathologie politique ; quand en revanche, de tels faits sont ostensiblement approuvés par la population morte (morte à la vie, morte à l'autre, morte au monde, rabougrie, haineuse...), alors il faut inverser substantif et adjectif et parler de politique psychopathologique.
Si cette politique criminelle a pignon sur rue, si elle se croit raisonnablement opinion, c'est évidemment parce que le parti des opinions bistrotières et criminelles est admis au club du parlementarisme respectable. Mais si ce parti des ténèbres, pour reprendre Jacques Roubaud, a ce statut-là, c'est parce que le parlementarisme tout entier, fondamentalement, n'y trouve rien à redire. Pire, l'électeur français est infiniment plus respectable que l'ouvrier marocain qui lentement s'empoisonne en goudronnant les routes mais qui ne vote pas et dont, par conséquent, l'avis ne compte pas.
A Aigues-Mortes, et visiblement dans le département du Gard (Cévennes rebelles et camisardes exceptées), les choses se tendent et la guerre civile verbale appelée par le FN commence à prendre forme. Le PS qui ne veut pas se mouiller se retrouve donc coincé. Le racolage en direction des beaufs racistes lepénisés risque de faire tâche et peu démocratique... On attendrait une volte-face... Mais non, rien... Valls attaque les Roms, MM. Bonato et Hollande se taisent.
S'ils parlaient, que diraient-ils, du reste ? Défendraient-ils le prolétariat international de France et, accessoirement, du Gard ? Défendraient-ils la France pour tous ceux qui y vivent ? Ne parleraient-ils pas de "problème immigré" comme PC et PS jadis, d' "intégration" ratée ?
Guesde était odieux, Bonato lâche et Defferre, si longtemps maire de Marseille, infâme. Pour ceux qui auraient oublié ses affiches aux différentes municipales à partir de la fin des années 1970, l'édile légendaire de la cité phocéenne se vantait de maîtriser l'immigration clandestine (ici lors des élections de 1983)... Dans les moments où les situations politiques se tendent et où émergent deux lignes frontalement ennemies, le PS "au mieux" fait silence, au pire joue sa musique nationale-républicaine... Et c'est toujours comme ça !
C'est dire si les faits glauques récents d'Aigues-Mortes nous rappellent que de Jules Guesde à Manuel Valls en passant par Jean-Pierre Chevènement, l'indulgence - à tout le moins... - pour la xénophobie est constitutive d'un certain socialisme français. Et ce, sans parler des guerres coloniales...