La situation politique parlementaire semble dominée par trois caractéristiques principales : l'effondrement du Parti prétendu socialiste, la stagnation (ou moindre chute) de l'UMP et une certaine santé électorale du Front très peu national.
Evidemment, ces trois faits saillants sont liés mais surtout, ils apparaissent comme l'effet d'un discours politique parlementaire (et médiatique) qui, seriné depuis tant d'années, a fait des dégâts.
Il me semble que la situation que la France connaît est liée au triomphe, dans le discours des partis parlementaires pouvant prétendre au pouvoir, de l'antipolitique. Si la politique est avant tout une question de principes, alors on peut dire que depuis des années (depuis Pompidou ? Depuis Giscard ?), il n'y a plus de politique dans l'espace du parlementarisme, forme "politique" chargée de vendre aux masses le capitalisme. En lieu et place de la politique qui est avant tout une question de décision(s) et de choix, la démocratie médiatico-parlementaire nous tient le prétendument objectif discours de la nécessité. Nécessité de casser des vies ouvrières, nécessité de liquider le droit à la retraite, nécessité d'être faible avec les forts et forts avec les faibles, a fortiori quand ceux-ci sont étrangers (enfin, extra-européens et non nord-américains).
Antipolitique, en effet, est le discours des solutions aux problèmes rencontrés par le pays. Mitterrand disant que sur le chômage, "on a tout essayé" liquide non seulement la différence - certes fallacieuse pour ce qui est du capitalo-parlementarisme - gauche/droite mais, partant, prépare les succès à venir de ce que Jacques Roubaud appelle le Parti des Ténèbres. Puisque la politique antipolitique n'est plus qu'une question de technocraties, de solutions à essayer et non plus une question de principes, alors pourquoi ne pas "essayer" le Front national ? C'est du reste une antienne que l'on entend parmi les électeurs frontistes décomplexés, i.e. débarrassés du moindre principe et ayant adopté la devise dengxiaopinguienne qui énonce que "peu importe que le chat soit blanc ou noir, pourvu qu'il attrape les souris".
Il est clair, par ailleurs, que la phrase de Mitterrand est un mensonge et que le PS, au moins pusillanime, n'a pas tout essayé puisque trouillard comme il a toujours été dans les moments décisifs, il est au mieux tétanisé devant le patronat et la finance et, au pire, en vient. Ce qui compte, néanmoins, et ce qui a des effets, c'est le discours tenu, ce que disent l'Etat et ses organisations. La technocratie antipolitique, pour couvrir le libéralisme épouvantable et surjouer la comédie de la fin des idéologies, a donc pris le pas sur la politique et ce qui en découle, à savoir les principes et les choix subjectifs.
Le second aspect du discours capitalo-parlementaire national est le consensus xénophobe. Un tel consensus n'est possible que lorsque s'effondrent les principes. L'idée d'une solution entraîna après tout la solution finale et l'humanité n'est pas sortie de l'âge animal de sorte qu'on puisse assurer que de telles horreurs ne se reproduiront plus.
Le consensus xénophobe du parlementarisme (dont l'islamophobie actuelle est aujourd'hui le plus saillant avatar) constitue une bataille centrale pour qui se dit du côté de l'émancipation politique. A tel point que renverser la vapeur discursive sur cette question constituera un grand coup d'aile vers des lendemains plus respirables (en disant, par exemple, que la France - le pays - se compose de tous ceux qui y vivent, que quiconque vit ici est d'ici et que par conséquent, entre autres choses, les fidèles de l'islam qui vivent ici sont autant de ce pays que les athées, les juifs ou les bouddhistes vivant ici).
Ce consensus xénophobe va de pair avec le discours de la nécessité technique des lois (nécessité strictement et violemment capitaliste en vérité) comme le montrent, à mon sens, le discours décomplexé de la droite classique sur le sujet (voir Bernard Debré et François Fillon qui déclarent sans barguigner que "oui, il y a trop d'immigrés en France" au nom d'une description prétendue objective de la situation) et l'incapacité proprement crasse chez Hollande de dire que non seulement, il n'y a pas trop d'étrangers mais qu'en plus, la seule possibilité d'une telle question est une abjection.
Le consensus raciste (à divers degrés, certes, mais le fond est là) plus le discours technique (mais en vérité politique et réactionnaire) autour des solutions constituent une calamité dont nous ne cessons de payer le prix politique avec la montée du F"N". Ce qui fait cruellement défaut dans la politique parlementaire, c'est l'ombre d'un principe. Un principe au sens où en 1794, Robespierre disait "Périssent les colonies plutôt qu'un seul de nos principes". Un principe pour aujourd'hui exige de ne pas céder aux divisions que l'Etat UMP ou PS veulent instiller dans le peuple. L'égalité et la justice ne se négocient pas. C'est bien d'ailleurs là le seul sens du mot galvaudé de "solidarité" : tout pour tous ! comme disent les Zapatistes du Chiapas.
Sans cela, sans vertu pour filer le discours révolutionnaire, c'est un tapis rouge qui est déroulé à la réaction et au postpétainisme.