Comprenne qui voudra
« En ce temps-là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait les filles. On alla même jusqu’à les tondre. »
Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.
Paul Éluard, 1944
________________________
C'est la chanson d'Aznavour qui, sans doute, a fait connaître le terrible destin de Gabrielle Russier à la France entière. Cette femme, professeur de Lettres de 32 ans, est morte pour avoir aimé un élève et ce, en plein dans les années rouges. La justice l'ayant d'abord absoute puis condamnée après un appel des parents du jeune homme, elle se suicida au gaz en septembre 1969. L'affaire fit grand bruit, Pompidou, alors Président de la République, dit en conférence de presse un poème d'Éluard en guise d'hommage.
En ces temps glaçants de régression politique et de menaces sur nos libertés, rappeler qui fut Gabrielle Russier n'est sans doute pas inutile. Comme il semble pertinent de faire connaître la chanson hommage d'Anne Sylvestre, chanson qui dit si bien le sens profond de cette histoire sur notre société, sur l'amour et sur la condition des femmes. Elle nous rappelle, et pas qu'en creux, que comme il se disait dans ces années-là, tout est politique.
Et là, l'intervention de Georges Pompidou sur cette affaire.