Aprés la lecture de l'arrêt de Cassation contre Jérôme Kerviel , je me demande pourquoi celui ci n'a pas bénéficié de la jurisprudence ci-dessous.- ?
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 30 juin 1999
N° de pourvoi: 98-86112
Non publié au bulletin Rejet
Président : M. GOMEZ, président
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me COSSA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA HAUTE NORMANDIE, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 26 juin 1998, qui, sur renvoi après cassation, l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Jean-Claude X... du chef d'escroqueries ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des
articles 405 de l'ancien Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe de Jean-Claude X... des fins de la poursuite concernant les dossiers SA Kom, SARL Synopsis, société Sapenor et J.L. et P.L. Leporc et, en conséquence, a débouté la CRCAM de toutes ses demandes de réparations civiles ;
"aux motifs qu'au sens de l'article 405 du Code pénal, applicable en l'espèce, l'abus de qualité vraie constitue une manoeuvre frauduleuse lorsqu'il est de nature à imprimer à des allégations mensongères l'apparence de la sincérité et à commander la confiance de la victime et à la persuader de l'existence d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire ; que la violation de territorialité résultant des statuts de la Caisse, et le dépassement par un préposé des limites de sa délégation de pouvoirs par l'octroi de crédits ou de cautionnements non autorisés, ne constitue pas pour la Caisse Régionale de Crédit Agricole, son employeur, ni pour ses préposés, fussent-ils chefs d'agence, un abus de qualité constitutif de manoeuvres frauduleuses de nature à emporter leur confiance et à les persuader d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, dès lors que la première comme les seconds avaient à tous moments la faculté de contrôler ou de contester ou de signaler les actes irréguliers du prévenu dont les limites de pouvoirs n'étaient pas ignorées ; de même l'omission de consulter le Comité des risques de la banque, simple abstention, n'est pas une manoeuvre frauduleuse ; les abus de pouvoir ainsi commis par Jean-Claude X... n'étaient donc pas déterminants des sommes ou des garanties remises aux clients de la banque ; que les poursuites du chef d'escroquerie concernant le dossier Kom ne sont pas fondées et le jugement sera réformé à cet égard ; que la partie civile invoque par ailleurs le caractère occulte des cautionnements bancaires accordés sans accord du Comité des risques ; qu'aux motifs déjà exposés plus haut, il doit être ajouté que les actes de cautionnement n'étaient pas clandestins car ils devaient nécessairement être remis aux clients lesquels devaient les produire à des tiers notamment des créanciers, ce qui a été fait par lettre du 7 décembre 1990 ; qu'enfin et surtout, si Jean-Claude
X... a pu taire les cautionnements ainsi consentis, il n'est pas établi qu'il ait par des actes positifs de destruction, d'altération de documents ou de comptes, ou encore par tout autre artifice, masqué les engagements qu'il avait souscrits au nom de la banque ; que le seul dépassement des limites de sa délégation et ses réticences ou abstentions en l'absence d'actes positifs de mise en scène ou d'altération destinés à induire en erreur la Caisse, ne caractérisent pas des manoeuvres frauduleuses déterminantes de la remise des fonds ou de garanties aux clients de la banque ; que Jean-Claude X... devra être renvoyé des fins de la poursuite pour les dossiers SARL Synopsis et J.L. et P.L. Leporc, et le jugement sera réformé en ce sens ; que, s'agissant des faits concernant la société Sapenor, il résulte des pièces du dossier que par fiche manuscrite du 26 février 1991, Jean-Claude X... a rédigé et présenté au Comité des risques une demande de mise en place d'un crédit relais sous forme de billet de 5 000 000 francs dans l'attente de la vente effective du navire "le Boulonnais", en portant au titre des garanties une hypothèque de 3ème rang à prendre sur le navire "l'Equihennois" ;
que l'hypothèque prise par la Caisse sera de 7ème rang venant après une hypothèque de 6ème rang du 5 juin 1989 ; que, cependant, en l'absence de preuve d'un élément extérieur venant donner force et crédit au mensonge à le supposer comme tel, concernant le rang de l'hypothèque à prendre, la présentation au Comité des risques d'un dossier manuscrit portant des renseignements erronés ne constitue qu'un mensonge écrit de la main même de Jean-Claude X..., qui à lui seul est insuffisant pour caractériser les manoeuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie, l'obtention du crédit devant être considérée comme acquise dès la décision favorable du Comité des risques, et non lors de la présentation ultérieure de cette décision à un service dont on ignore s'il avait le pouvoir de refuser de débloquer des crédits ; que, de plus, il ne peut être retenu que les "services compétents" auraient été trompés au vu de la décision favorable du Comité des risques, dès lors qu'ils ne peuvent être considérés l'un comme l'autre comme des tiers dans leurs rapports entre eux ainsi que vis-à-vis de Jean-Claude X... :
"alors, de première part, que l'abus de qualité vraie constitue une manoeuvre frauduleuse lorsqu'il est de nature à imprimer à des allégations mensongères l'apparence de la sincérité en commandant la confiance de la victime ; que, dès lors, en considérant que la simple circonstance que la CRCAM et ses préposés aient disposé de la faculté de "contrôler et de contester ou de signaler les actes irréguliers du prévenu" était de nature à ôter tout caractère frauduleux à l'abus de qualité commis par Jean-Claude X... sans rechercher, ainsi que l'y invitaient pourtant les conclusions d'appel de la CRCAM, si la confiance manifestée par cette dernière et ses préposés en n'exerçant aucun contrôle sur les agissements du prévenu n'avait pas, précisément, été commandée par l'abus imputable à ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des textes susvisés ;
"alors, de deuxième part, qu'en matière d'escroquerie, le caractère occulte des moyens obtenus et du résultat obtenu par l'auteur des manoeuvres frauduleuses s'apprécie au regard de la connaissance qu'a pu avoir la victime elle-même desdites manoeuvres ; que, dès lors, en considérant que les cautionnements irrégulièrement obtenus par Jean-Claude X... n'étaient pas clandestins en la seule considération de ce que ces actes devaient nécessairement être remis "aux clients, lesquels devaient les produire à des tiers", la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant encore sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;
"alors, de troisième part, qu'en toute hypothèse, en considérant qu'il n'était pas établi que Jean-Claude X... ait "masqué les engagements qu'il avait souscrits au nom de la banque" tout en constatant que le prévenu avait accordé les engagements en question "sans accord du Comité des risques", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient nécessairement de ses propres constatations au regard des textes susvisés, qu'elle a ainsi violés ;
"alors, de quatrième part, qu'en se bornant à affirmer, sans autre explication, que "les services compétents" pour mettre en place la ligne de crédit accordée à la société Sapenor ne pouvaient être qualifiés de tiers dans leurs rapports avec le Comité des risques auquel Jean-Claude X... avait volontairement communiqué des informations erronées, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Analyse
Décision attaquée : cour d'appel de Caen chambre correctionnelle , du 26 juin 1998