Yves Besançon (avatar)

Yves Besançon

Economiste, professeur de sciences économiques et sociales

Abonné·e de Mediapart

106 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 juillet 2012

Yves Besançon (avatar)

Yves Besançon

Economiste, professeur de sciences économiques et sociales

Abonné·e de Mediapart

L’art de manier les taux directeurs pour feindre d’oublier l’essentiel…

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé, hier jeudi, sa décision de baisser son principal taux d’intérêt directeur de 0,25 point, qui passe ainsi de 1 % à 0,75 %, niveau le plus bas jamais atteint depuis la naissance de l‘euro en 1999. En réduisant le coût de refinancement des banques sur le marché monétaire, la BCE table alors sur une baisse des taux d’intérêt débiteurs, favorable à une reprise de la demande de crédits, en particulier immobiliers, et de l’activité économique.

Yves Besançon (avatar)

Yves Besançon

Economiste, professeur de sciences économiques et sociales

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé, hier jeudi, sa décision de baisser son principal taux d’intérêt directeur de 0,25 point, qui passe ainsi de 1 % à 0,75 %, niveau le plus bas jamais atteint depuis la naissance de l‘euro en 1999. En réduisant le coût de refinancement des banques sur le marché monétaire, la BCE table alors sur une baisse des taux d’intérêt débiteurs, favorable à une reprise de la demande de crédits, en particulier immobiliers, et de l’activité économique. Dans le cas d‘absence de répercussion à la baisse ou d’une répercussion partielle sur le niveau des taux d’intérêt proposés aux entreprises et aux ménages, les banques augmenteraient par ailleurs leurs marges bénéficiaires, ce qui faciliterait leurs opérations de recapitalisation en cours. Cette orientation expansionniste de la politique monétaire, comme pour les deux LTRO de décembre et février derniers (1), apparaît donc, de prime abord, comme favorable à une stimulation de l’activité économique, d‘autant que, désormais, les dépôts "overnight", encore rémunérés à 0,25 % jusqu‘à hier, ne le sont plus avec cette diminution de 0,25 point, ce qui devrait a priori inciter encore plus les banques à utiliser une liquidité bancaire abondante, prête à soutenir un retour à la croissance dans la zone euro. Pour autant, au-delà de ces apparences favorables, exagérément optimistes sinon trompeuses, la zone euro reste toujours gravement dans l’impasse !

D’une part, si la zone euro veut sortir rapidement de la récession, il est indispensable que les entreprises et les ménages retrouvent une confiance dans les perspectives économiques à court, moyen et long termes, notamment aux niveaux de l’emploi et de la progression du pouvoir d’achat, sinon, point de conception de projets d’investissement rentables suffisants à l’horizon, même avec des taux d’intérêt historiquement faibles, et donc, point de reprise possible de l‘activité économique. Or, ce retour à la confiance passe par une gouvernance budgétaire qui doit "lâcher" sur la sévérité, toujours malheureusement d’actualité, du processus de restauration de la soutenabilité des finances publiques. Car, en la matière, que de signaux contradictoires, en particulier en France, où le président de la République a, certes, largement contribué auprès de ses partenaires européens à l’adoption d’avancées non négligeables sur des mesures budgétaires favorables à la croissance (le "pacte de croissance" négocié au dernier sommet de Bruxelles, les 28 et 29 juin, et qui prévoit un plan de soutien européen à la croissance de 120 milliards d‘euros), mais, dans le même temps, envisage maintenant de faire voter le "pacte budgétaire" sans le renégocier, et donc d’adopter la fameuse "règle d’or" budgétaire (2) !

D’autre part, cette mesure cosmétique ne doit pas nous faire oublier ce qui devrait pourtant figurer aujourd’hui, et non "peut-être" un jour prochain, comme parmi les chantiers principaux d’une nécessaire refonte structurelle de la zone euro, à savoir un changement de statut de la BCE et sur lequel le silence de l’actuel président François Hollande est pour le moins décevant, si l’on a en mémoire certains discours de campagne. Il s’agit notamment de revenir sur l’interdiction du financement monétaire des déficits publics par la banque centrale pour court-circuiter le siphonage financier organisé par les banques et les marchés financiers dans les poches des contribuables européens. Et, de doter la BCE d’une réelle politique de changes, lui permettant, en particulier dans le contexte actuel, de ne plus "subir" une surévaluation structurelle de l’euro qui, faut-il le rappeler, a été entretenue, dès la création de l’euro, par les vieux démons obsessionnels monétaristes de ses instances dirigeantes et des fondateurs de son actuel statut. Une surévaluation, aujourd’hui estimée à un montant de l’ordre de 10 %, qui a coûté très chère à la zone euro en termes d‘emplois industriels, via le déficit de croissance lié au manque de compétitivité-prix et de dynamisme des exportations européennes, et directement, en favorisant les délocalisations industrielles par l’acquisition d’actifs réels étrangers à bon marché avec un euro fort (3).

______________________________________________

(1) Lire sur le sujet, en particulier : Un jackpot à 1000 milliards d’euros aux portes de l’économie réelle….

(2) Le pacte budgétaire européen, appelé officiellement le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), a été signé le 2 mars 2012 par Nicolas Sarkozy et 24 autres dirigeants de l'Union européenne. La nouvelle discipline budgétaire envisagée par ce traité prévoit (article 3), en particulier, la "règle d’or" de gestion des finances publiques selon laquelle, au-delà du respect du principe de l’équilibre budgétaire comme règle de base, les États signataires devront plafonner leur déficit structurel à 0,5% du PIB "au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles". Même si le gouvernement français a clairement rappelé son attachement à la position de campagne de François Hollande de s’opposer à l’inscrire dans la constitution, cette "règle d‘or", stupide par le néant de justifications théoriques de bon sens l’accompagnant, et difficile techniquement à mettre en œuvre, devra donc être adoptée par un texte de loi contraignant, constitutionnel ou non.

(3) Selon les travaux économétriques de l’Insee, une appréciation de l’euro de 10 % impacte négativement l’économie française, en minorant sa croissance économique de 0,5 point dès la première année : http://www.insee.fr/fr/indicateurs/analys_conj/archives/juin2008_d2.pdf

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.