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Billet de blog 22 juillet 2024

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La légitime désobéissance des fonctionnaires face au hold-up démocratique macroniste

Face au déni démocratique dont fait preuve le camp présidentiel pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir, refusant le verdict des urnes et jouant dangereusement avec les institutions de la Ve République, il incombe aux serviteurs de l’État et de l'intérêt général de s'en indigner et de se mobiliser afin de contraindre le chef de l’État à respecter l'esprit de la Constitution.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Alors que les résultats des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet derniers sont sans appel quant à la victoire inespérée du Nouveau Front populaire (NFP) obtenant une majorité relative, et la défaite cinglante de la Macronie avec l’effondrement du nombre de députés Renaissance (baisse de 42 % !), le chef de l’État a décidé de s’enfermer dans un dédain inouï pour les institutions démocratiques de la Cinquième République, tout d'abord par son refus dans sa dernière lettre aux Français de reconnaître la victoire de la gauche, puis en n’invitant toujours pas les dirigeants des quatre partis politiques constitutifs du NFP à former un gouvernement, comme pourtant la tradition républicaine et la logique parlementaire l’y obligent puisque le NFP est majoritaire en sièges (193 députés contre 166 pour la coalition présidentielle et 142 pour le Rassemblement national (RN) et ses alliés).

Pire, pour la répartition des postes à l’Assemblée nationale, le camp présidentiel s’est livré ces derniers jours à un véritable magouillage sous forme d’entente tacite avec les députés du groupe de la Droite républicaine (DR, ex-Les Républicains), et n’a pas hésité à violer la séparation des pouvoirs par le vote de dix-sept ministres démissionnaires-députés pour l'élection à la présidence de l’Assemblée, en passant outre l'article 23 de la Constitution de 1958 disposant que "les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire".

Stratégie de marchands de tapis doublement gagnante pour la Macronie puisqu'au final, d'une part, la députée Renaissance Yaël Braun-Pivet a été réélue au perchoir de la chambre basse avec seulement treize voix d’écart par rapport à la candidature du député communiste André Chassaigne pour l’union de la gauche (220 contre 207 voix), et, d'autre part, les macronistes, pourtant les grands perdants par les urnes de ces élections, ont quand même pu réaliser le tour de passe-passe incroyable de se maintenir à la tête de six des huit commissions permanentes (une de moins seulement que lors de la précédente législature, celle de la commission des Affaires culturelles dont la présidence a été arrachée par la socialiste Fatiha Keloua Hachi)!

On l’aura bien compris, il s’agit là d’une tentative d'un véritable hold-up démocratique de la part de l’autocrate Emmanuel Macron, jouant ainsi le rôle - comme à l'accoutumée ! - de simple fantoche tenu par la main de la minorité possédante et du grand capital du CAC 40, dont les privilèges et l’enrichissement outrancier et climaticide sur le dos des classes populaires et moyennes seraient frontalement remis en cause par la mise en œuvre du programme du NFP et son volet redistributif correcteur des inégalités (partage de la valeur ajoutée plus équitable au profit du travail avec un Smic net à 1 600 euros, revalorisation du point d’indice des fonctionnaires de 10 % et des salaires du personnel soignant, abrogation de la dernière réforme inique des retraites et des réformes injustes de l'assurance chômage, retour à une fiscalité progressive sur les revenus du capital, rétablissement d'un impôt sur la fortune, etc.).       

Dans ces conditions, l’initiative de désobéissance des fonctionnaires, en particulier et surtout dans l’éducation nationale, qui avait été envisagée en cas d’accession du RN au pouvoir, devrait être absolument relancée si le chef de l’État ne renonçait pas à cette tentative de hold-up démocratique ! En particulier, comment, à la rentrée, les professeurs censés inculquer à leurs élèves les valeurs de la démocratie pourraient, sans manifester leur indignation et leur colère avec force, continuer d'accomplir leur noble mission sous l’autorité d’un pouvoir exécutif qui, en refusant jusqu'au-boutisme de respecter le verdict des urnes, deviendrait alors totalement illégitime, et avec lui ses réformes contestées par l'immense majorité de la communauté éducative ("Choc des savoirs",etc.) ?

L'ensemble des syndicats enseignants et des chefs d'établissement devront donc se montrer à la hauteur en donnant l'exemple à toutes les autres corporations d’une mobilisation massive de la communauté éducative si le chef de l’État devait s’entêter dans son déni démocratique, aboutissant finalement à voler aux Françaises et aux Français leur vote à des élections qu'il a lui-même provoquées. Lorsque "la tâche des instituteurs, ces obscurs soldats de la civilisation, est de donner au peuple les moyens intellectuels de se révolter", écrivait Louise Michel, alors il incombe aussi au corps enseignant la responsabilité de faire acte d’indignation et de résistance face à un pouvoir politique qui se mettrait lui-même en situation extrêmement grave et dangereuse d'illégitimité !

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