Le film Vierge sous serment de Laura Bispuri est sorti en salle le 30 septembre. Il se fonde sur une tradition albanaise qui permet à une femme de vivre comme un homme, sous réserve de renoncer à la sexualité.
Lila et Hana sont deux sœurs dans un village perdu, soumises à la différenciation des sexes. Un monde de violence : le père met en joue sa propre fille parce qu'elle est sortie dans la forêt et il menace de la tuer si elle recommence. Il lui montre la balle qui sera sa dot : le futur mari pourra s'en servir contre elle si nécessaire. Leur mère leur rappelle que seuls les hommes peuvent aller dans la forêt, seuls les hommes ont le droit de travailler (à l'extérieur), seuls les hommes portent un fusil, montent à cheval, boivent du raki…
Les deux sœurs se sont promis de ne jamais se quitter. Mais Lila trahit la promesse et fuit avec un garçon. Alors Hana décide de rester auprès de ses parents : son père lui montre un homme âgé, Pal, qui est une "vierge sous serment". Hana fait le choix de ce statut étrange : refuser tous liens avec un homme, et pouvoir ainsi vivre tous les privilèges des hommes. La mère lui dit : "tu deviendras comme de la pierre, mon enfant". Et le père de tirer en l'air avec son fusil pour annoncer aux voisins qu'il a un fils. On coupe solennellement la queue de cheval de la jeune fille, devant les hommes du village et devant le père. Ensuite, elle aura les cheveux coupés régulièrement.., tous les 28 jours ! Devenue Mark, elle jure qu'aucun homme ne la touchera.
Nées à l'envers
Le film joue sur l'allure troublante d'une actrice remarquable, Alba Rohrwacher, avec son regard fendu, qui scrute et pactise, avec son côté Buster Keaton, chiche en sourires : sa poitrine est compressée, sa tenue et sa démarche la masculinisent, mais sa féminité est là, prête à jaillir. Style garçonne, androgyne mais pas virile. Ayant rejoint sa sœur en Italie, elle assiste à un autre rôle dévolu aux femmes. Et, à la piscine où s'entraîne sa nièce, au déferlement des corps dénudés.. et tatoués.
La mère avait laissé un message avant de mourir : "vous êtes nées à l'envers". C'est cet envers qui court tout au long du film sur fond de musique langoureuse : la natation synchronisée filmée dans l'agitation des corps sous l'eau, et non à la surface, les hommes qui lors d'un enterrement sont les pleureurs, poussant des petits cris de consternation, avant de hurler sur le défunt dans la fosse, comme pour exsuder la peur, extirper la douleur, repousser la mort loin d'eux. Interrogation sur l'identité, sur les attributs du sexe, sur les violences faites aux femmes et aux jeunes filles (version albanaise de l'oppression turque décrite dans Mustang), sur les droits de tout être humain, qu'Hana résume ainsi : "être libre de ne pas faire les choses de force".
Billet n° 228
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