Soutien à une famille menacée
Agrandissement : Illustration 1
Dans le Gers, à Vic-Fezensac, un jeune couple d'origine étrangère, ayant trois enfants en bas-âge, tous nés en France, est menacé d'expulsion. Un élan de solidarité s'est fait jour, un appel a été lancé par l'Association vicoise des parents d'élèves, qui s'est démenée et a su mobiliser. Réseau éducation sans frontière (RESF) est actif auprès de cette famille depuis longtemps. Des attestations en sa faveur (une centaine) ont été collectées. Un comité de soutien s'est créé : un rassemblement a eu lieu le 17 février en fin d'après-midi. Il était impressionnant et réconfortant de voir, dans cette petite ville, au moins 150 personnes ayant répondu à l'appel.
Philippe Martin, député (PS), président du Conseil départemental, ancien ministre, présent, a prononcé un discours affirmant avec force sa solidarité et sa volonté de tout faire pour que cette famille ne soit pas expulsée. Il a affirmé que "le droit c'est important, les valeurs morales aussi". C'est la raison pour laquelle, a-t-il précisé, il a "voté contre une réforme de la Constitution qui faisait de la déchéance de nationalité notre droit commun". "Si on doit avoir la plus grande sévérité à l'égard de ceux qui prennent les armes contre notre République, en cherchant à faire tomber nos valeurs, on doit, si on est équilibré, avoir la même envie d'accueil pour ceux qui démontrent comme la famille Hajjaj, leur volonté d'intégration, leur cri qui fait que parfois, j'ai le sentiment qu'ils aiment même plus ce pays que certains de ceux qui ne sont pas dans leur situation". Non seulement il a déclaré qu'il mettait cette famille sous sa protection, mais a interpellé "solennellement M. Le Préfet" pour que cette famille ne quitte pas le sol français : "son pays, c'est la France".
Agrandissement : Illustration 2
La jeune mère, en larmes, s'est exprimée pour dire la souffrance que représentait pour eux cette décision du Préfet de les renvoyer ainsi hors de France, mais aussi le réconfort qu'ils ressentaient devant un tel soutien massif, et quoi qu'il arrive, ils n'oublieront jamais cet élan d'"amour". Après sa prise de parole, l'émotion était palpable dans l'assistance. La mesure OQTF (obligation à quitter le territoire français) impose à ce père et à cette mère, qui ont tout deux un emploi, une astreinte contraignante consistant à "pointer" à la Gendarmerie tous les matins.
"Rien n'est simple dans l'accueil des réfugiés Syriens à Toulouse"
Article de Vanessa Marguet, de France Bleu Toulouse le 8 février : "Des logements disponibles pour accueillir des Syriens d'un côté, 200réfugiés expulsables des Izards de l'autre : l'accueil des réfugiés syriens à Toulouse est un dossier compliqué. Les associations appellent l'Etat à prendre ses responsabilités." [ici]
Agrandissement : Illustration 4
Le rêve brisé d'une famille syrienne
"Les Alkhatib ont élevé leurs enfants dans l'admiration de la culture française. Août 2015, arrivés dans la patrie des Droits de l'Homme après un long périple ils pensaient être sauvés. Février 2016, le préfet du Tarn veut les expulser vers la Hongrie ."
Réfugiés : le débat hystérique
Mathieu Aron consacrait récemment son émission "Secrets d'info" sur France inter, le 12 février, aux réfugiés et rappelait les propos "hystériques" qui ont été tenus par Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy : des cohortes d'immigrés envahiraient la France. En 2015, l'Allemagne a reçu un million de demandes d'asile, dont 315 000 Syriens, la France en a reçus 5000 ! La France a mauvaise réputation : lenteur des dossiers pour être réfugiés, refus d'asile, mauvais accueil, pas d'emplois. Une spécialiste témoigne : en Allemagne, aucun réfugié ne vit sous tente et dans la boue. L'OFPRA est allé à Munich pour proposer 2000 places : 800 ont répondu favorablement. On se souviendra, entre autres, de Nicolas Dupont-Aignan, prétendant en août dernier, être allé à la frontière turque où il disait avoir rencontré des migrants qui voulaient venir en France pour "toucher des allocations". Une telle fausse info (et insulte) devrait être sanctionnée. Cela ne relève pas de la liberté d'opinion, mais du trouble à l'ordre humanitaire. Honte à ces propagandistes de bas étage. [ici]
Milices et ratonnades à Calais
Agrandissement : Illustration 5
Lors d'un "Téléphone sonne", sur France inter, le 1er février, était évoquée la situation des migrants à Calais. Une journaliste de la station, présente sur place toute la semaine, se faisait l'écho d'une ambiance de plus en plus tendue : les riverains en ont marre et sentent que les migrants sont à bout, on redoute des actes désespérés, mais elle niait que l'on soit dans un "contexte de guerre", dû aux migrants, comme certains se plaisent à le dire.
C'est alors que Jean-François Corty, pour Médecins du Monde, à la fin de l'émission, a confirmé ce constat, et a poursuivi dans une tirade au cours de laquelle il a donné des informations très inquiétantes : "il y a toujours des associations locales qui sont mobilisées pour aider les personnes [migrantes]. Mais il y a aussi des franges extrêmes qui se manifestent […], des espèces de milices qui s'organisent et qui débarquent dans le campement [de Calais], qui font des ratonnades la nuit avec des cagoules, avec des capuches, avec des barres de fer et qui vont se faire des migrants. Mes équipes ont soigné ces derniers jours de nombreux migrants qui ont été agressés, violentés, où [leur vie] a été mise en danger."
Il ajoute que des individus se sentent légitimement dans une position de pouvoir casser du migrant, pouvoir mettre en difficulté les associations, et les attaques sur les réseaux sociaux contre les équipes de MDM sont régulières. Il conclut en disant : "Il y a nécessité aujourd'hui que la puissance publique se mobilise non seulement pour protéger des vies dans les campements [mais aussi pour] éviter qu'il y ait des phénomènes de radicalisation qui sont en train de monter en puissance. La situation est grave". [ici]
Le 5 février, au cours de l'émission Un jour en France, toujours sur France inter, Bruno Duvic, pour traiter de la situation à Calais, recevait des
Agrandissement : Illustration 6
invités très différents mais tous s'accordaient pour dire que la "Jungle" est indigne d'un pays civilisé, les conditions y sont pires que dans n'importe quel camp de réfugiés dans le monde. Les violences sont évoquées, y compris celles que provoquent certains migrants. Mais aussi les ratonnades : milices arrêtant des Syriens dans la rue et les bastonnant à coup de barres de fer. Un journaliste de Nord-Littoral lit à l'antenne des lettres de menaces odieuses reçues après avoir traité de "faschos" les fameux voisins qui avaient menacé les migrants d'un fusil et que Gilbert Collard voulait défendre. Un médecin légiste dit qu'il y a des cas de tuberculose et de syphilis, et s'attend à des actions violentes qui feront des morts. Les habitants, les commerçants et artisans (même ceux qui tiennent des propos compréhensifs à l'égard des migrants) disent leur désarroi. [Lien ici]
"Terroristes à mort, immigrés dehors"
Il importe de ne pas oublier que trois jours après les attentats en Ile-de-France, une centaine de militants d’Adsav (mouvement nationaliste breton opposé au "multiculturalisme") manifestaient contre les réfugiés à Pontivy, demandant "le retour de la Bretagne aux Bretons" et scandaient des slogans tels que "Terroristes à mort, immigrés dehors ! ". La manifestation prévue par plusieurs groupes d’extrême droite le samedi 6 février, à Saint-Brieuc, a été interdite par le préfet des Côtes-d’Armor en raison des "risques de clash, de bagarre importants". Fort heureusement, ici comme ailleurs, des citoyens sauvent l'honneur et réagissent en s'engagent en faveur des SDF et des migrants, qu'ils n'opposent pas les uns aux autres.
Voir article du Monde du 5 février sur un village de 1600 habitants qui ouvrent ses portes aux migrants [ici].
De son côté, Envoyé spécial sur France 2 du 11 février, s'est rendu à Charvieu-Chavagneux (Isère, 8500 hab.) où le maire mène la guerre aux musulmans de sa ville (il leur a détruit jadis leur mosquée sans autre forme de procès). Aujourd'hui, avec un conseil municipal à sa botte, il ne veut accueillir que des Chrétiens. Sans cesse provocateur, il tolérera une mosquée quand ce sera possible de construire une église en Arabie saoudite. Il fait tout pour empêcher les familles d'origine arabe d'acheter une maison sur sa commune. C'est le Far-West, il fait régner l'ordre et, il faut bien le dire, les électeurs l'approuvent puisqu'ils le réélisent depuis six mandats avec des scores de république bananière. Une opposante, pharmacienne, témoigne en larmes : ne supportant pas cette assimilation faite entre musulmans et terroristes, ce refus affiché ostensiblement de venir en aide à des réfugiés qui fuient les massacres. Le préfet a refusé la délibération sur l'accueil exclusif de Chrétiens.
Accueil des migrants : le vrai visage de la France
Agrandissement : Illustration 7
Je rappelle ce n° 200 du JAS (Journal des Acteurs Sociaux) qui démontrait que "la fraternité n'est pas une idée creuse" et décrivait de nombreux exemples où elle vit intensément dans les villes et les villages.
Migration : paroles de cinéastes
Au cours du Festival Premiers Plans à Angers, fin janvier, un débat a eu lieu sur cinéma et migrations, au cours d'une table ronde réunissant Abderrahmane Sissako, Olivier Masset-Depasse et Boris Lojkine. Michèle Tatu, qui en rend compte sur le site Factuel.info, cite Sissako :
Agrandissement : Illustration 8
"Le cinéma permet de raconter qu’on vient tous de quelque part et qu’on devient français ensuite. L’humanité n’est que rencontres, voyages parce qu’un grand-père, ou un arrière grand-père est parti par désir de voyage ou par souffrance." Quant à Lojkine, réalisateur de Hope, il dit qu'il a "voulu faire un film sur les difficultés rencontrées par les migrants dans leur propre communauté". Il est vrai que l'on sort de ce film écrasé par la violence que subissent les migrants durant leur parcours à travers l'Afrique : la mort à tous moments. Factuel.info [pour les abonnés]
Un malheur infini
Elise Boghossian, acupuncteur, quitte Paris chaque mois pour se rendre au Kurdistan irakien, dans un camp de 6000 réfugiés chrétiens, victimes de Daech, protégés par les Peshmergas kurdes. Elle a mis en place un dispensaire où elle pratique l'acupuncture, la médecine générale et la chirurgie. Elle forme des gens sur place. Elle dispose d'un camion dispensaire. Le reportage [de France 2] nous emmène, dans un village oublié de tous, où sont réfugiés des Yézidis qui furent victimes d'un massacre en août 2014 près du mont Sinjar. Un témoin parle de génocide.
Aujourd'hui, ils vivent sans eau ni électricité, dans le froid. Une jeune femme raconte les exactions des combattants de l'État islamique : exécutions des hommes, viols collectifs et répétés des femmes. Elle a assisté au viol d'une fillette de 7 ans : "j'emmènerai cette image dans ma tombe".
Agrandissement : Illustration 9
Ce reportage rend compte magnifiquement de l'engagement de cette jeune femme et de la souffrance d'un peuple. Le regard de cette fillette, dont les parents ont été massacrés, que j'ai capté à l'écran en revisionnant le reportage, me paraît celui de la fraternité : la distance habituelle d'une population éloignée s'estompe dans ce visage bouleversant qui comprend que, dans le regard d'un adulte (ici Élise), elle est tout au monde, et que peut-être l'avenir sera moins sombre. A cet instant précis, parce qu'on connaît ce regard, parce qu'on a déjà vu ces yeux interrogatifs, cette bouche intimidée, on plonge dans l'universel : cette enfant est notre fille, elle est notre petite-fille, et ces hommes et ces femmes écrasés, martyrisés, sont nos frères et nos sœurs. N'en déplaise à ceux qui, par des amalgames effroyables, ne voient en eux que des ennemis ou des dangers pour notre tranquillité.
Elise Boghossian a publié un livre : Au royaume de l'espoir, il n'y a pas d'hiver, chez Robert Laffont.
[Certains éléments de ce billet sont des reprises de posts que j'ai déposés récemment sur Facebook]
Billet n° 247
Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr
Tweeter : @YvesFaucoup
[Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, tous les articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200]