René Lenoir et l'exclusion
- 20 déc. 2017
- Par YVES FAUCOUP
- Blog : Social en question

Quant aux lois de1975, je les ai beaucoup fréquentées en ce temps-là : durant plusieurs années, je serai le seul représentant des salariés siégeant dans une commission qu'elles ont créées, se réunissant régulièrement en Préfecture de Région (Franche-Comté) pour se prononcer sur les extensions éventuelles d'établissements et services médico-sociaux (jamais pour leur fermeture, le but est clairement de freiner l'extension de ce secteur). Il importe de préciser que, si ces lois créaient l'AAH, elles avaient surtout pour but d'encadrer les dépenses sociales qui commençaient déjà à se restreindre, après les Trente Glorieuses. C'est ainsi que le secteur associatif a perdu les coudées franches, ne pouvant plus négocier les conventions collectives avec les syndicats salariés, sans l'aval préalable de l'État. Ce qui a considérablement freiné les avancées de ce secteur de "l'enfance inadaptée".
Le terme des "exclus" a longtemps marquer tout le champ de l'action sociale : la grande loi de Martine Aubry en 1998 s'intitulait "Lutte Contre les Exclusions" (LCE). Peu à peu cependant, on a préféré insister moins sur le constat (l'exclusion) que sur les moyens d'y répondre, d'où le succès d'insertion, de solidarité active et surtout d'inclusion sociale (les textes européens retiennent cette seule terminologie qui se veut plus positive).
Au demeurant, je crois que René Lenoir était un "honnête homme", qui professait un certain nombre de principes humanistes. C'est la raison pour laquelle, dans les années 2000, je l'ai invité pour venir prononcer une conférence au Pôle social de la Croix-Rouge à Toulouse que je dirigeais alors, mais son état de santé ne lui a pas permis de répondre favorablement. Je prévoyais tout de même de lui confesser que j'étais l'auteur de ce texte sur le "lenoirisme".
Il y a quelques jours, avant sa mort, j'ai envisagé d'acheter son tout dernier livre, Le chant du monde est là, croyant qu'il faisait un bilan de son expérience sociale. Mais il s'agit en réalité d'un livre de spiritualité, un peu dans la veine de ceux que publie en cascade son fils Frédéric Lenoir qui a trouvé le filon, à la mode, du "développement personnel et spirituel".
"Z" et le travail social

. 13€, en kiosque et certaines librairies
http://www.zite.fr/parutions/z11-paris/
Regarder ailleurs
Bon décryptage par Samuel Gontier (Télérama) de l’interview brosse à reluire du Chef de l’État menée par Laurent Delahousse pour France 2. Pour ainsi dire rien sur le chômage, insignifiant sur les banlieues, rien, mais rien du tout sur la pauvreté, alors même que plusieurs rapports sont sortis sur le sujet au cours de ces dernières semaines et que la pauvreté est une réalité qu’un Président de la République a le droit d’aborder, même lorsqu’il se pavane sous les lambris dorés de l’Elysée.
Delahousse interroge comme à l’ordinaire, d’abord en regardant ailleurs : par timidité, par manque de confiance en soi, par crainte d’être percé dans sa vérité par l’interviewé (ici Macron), pour dissimuler son insincérité, afin de ne pas perdre le fil de sa question ? On l’ignore, mais il est rare qu’un journaliste occupant une telle fonction exprime une telle gêne, que ce soit en présence d’un petit acteur de second rôle ou d’une personnalité de premier rang. Regarder ailleurs est peut-être le plus sûr moyen de botter en touche et de ne pas poser les questions qui feraient mouche.
. Interview de Macron par Delahousse, une révolution incroyable qui marque l'histoire
Pétition contre la circulaire
Le mouvement Manifeste du Travail social a lancé une pétition contre la circulaire du Ministre de l'Intérieur contre les migrants : ici.
Justice de classe
Mediapart (ici) a bien couvert ce procès, avorté suite au "terrorisme judiciaire" dont a fait preuve Me Dupont-Moretti, qui peut jouer plus que jamais les stars, et l’institution judiciaire qui s’avère incapable d’assurer la sérénité à un procès. Justice de classe car il en aurait été tout autrement si l’affaire s’était déroulée dans des milieux populaires. Dès avant le procès, je m’attendais à un fiasco : pas seulement parce que les méthodes de l’avocat sont connues, mais parce que certains médias (dont Le Monde) avaient donné le ton, ironisant sur les accusatrices, et soutenant sans réserve la stratégie de défense de l’avocat de Tron. Mutatis mutandis, cela ressemblait fort à la façon dont une certaine intelligentsia journalistique a pris la défense d’un DSK dans l’affaire du Carlton de Lille, qui avait bien le droit d’avoir la sexualité qu’il veut, même si des prostituées [qu’il croyait être juste des libertines (!), axe de sa défense] l’ont accusé d’avoir été d’une extrême violence envers elles. Sexe, argent et pouvoir : pas touche.
Billet n° 364
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[Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, tous les articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200]
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