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Billet de blog 23 septembre 2023

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Papiers d’Arménie (suite)

Les informations diffusées en France sur la situation dans le Haut-Karabagh (enclave arménienne en Azerbaïdjan) sont le plus souvent incomplètes. Sans accorder un blanc-seing aux autorités de Bakou, on occulte le fait que de très nombreux Azéris ont été violemment chassés de leurs terres lors de la guerre de 1991. Et que l’indépendance de l’enclave n’est reconnue ni par l’ONU, ni par… l’Arménie.

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Après une guerre éclair, l’Azerbaïdjan semble avoir repris le contrôle du Haut-Karabagh (HK, capitale Stepanakert) qui lui échappait depuis plus de 30 ans, après que les [150 000] habitants de ce territoire enclavé dans l’Azerbaïdjan, à majorité Arméniens, l’aient déclaré indépendant (peu après la chute de l’URSS). L’Arstakh (nom donné au HK par les Arméniens) n’a pas de contiguïté avec l’Arménie à laquelle il est relié par le corridor de Latchine que les autorités de Bakou ont dernièrement bloqué. J’ai publié récemment un post [sur Facebook, ci-après] dans lequel je dénonçais la façon dont France 2 a consacré tout une soirée à l’Arménie, avec un propos tendancieux, toujours favorable aux Arméniens, sans bien expliquer la réalité de ce conflit : le HK reste considéré par l’ONU comme territoire azéri, il n’est reconnu au monde que par l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud et par la Transnistrie (toutes provinces séparatistes pro-russes), même l’Arménie qui le soutient, lui fournissant des armes, n’a jamais reconnu ce territoire. En effet, une indépendance de ce territoire qui pourrait être justifiée par la volonté de ses habitants d’affirmer leur spécificité impliquerait qu’un État souverain, l’Azerbaïdjan, serait contraint d’accepter en son sein un autre État : où cela existe-t-il ailleurs dans le monde ? Ailleurs, les provinces séparatistes sont limitrophes (cf. Donbass et celles citées ci-dessus) et non pas enclavées. D’ailleurs, l’Azerbaïdjan possède un territoire, le Nakhitchevan, situé entre Arménie et Iran, mais il n’est pas enclavé (comme la Russie détient Kaliningrad). 

Le HK, pour assurer sa sécurité, avait, au début des années 1990 au terme d’une guerre qui avait fait 30 000 morts, contrôlé d’importants territoires qui l’entouraient provoquant l’expulsion de très nombreux Azéris (on a parlé de 600.000). Information que de nombreux médias français ne répercutent pas, et certainement pas Éric Zemmour, Valérie Pécresse et Michel Onfray qui sont allés en Arménie pour défendre l’Occident chrétien. En 2020, sans récupérer le HK, les troupes de l’Azerbaïdjan ont libéré ces territoires et nombreux Azéris sont revenus sur leurs terres 5aorès une guerre qui a fait 6000 morts].

France Info a interrogé le 19 septembre, un universitaire, Tigrane Yégavian, qui a insisté sur le fait que le HK avait relevé jadis de l’ancien royaume d’Arménie, justifiant ainsi son rattachement à ce pays. Il se plaignait que le monde regarde ailleurs, vers l’Ukraine, et reprenait la thèse selon laquelle Bakou veut provoquer un « nettoyage ethnique » qui, selon lui, ne s’arrêterait pas au HK mais menacerait l’Arménie elle-même. Propos de militant, pas d’observateur impartial.

Des chefs d’État, dont Emmanuel Macron, ne contestent pas la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur ce territoire mais l’invite à garantir les droits des habitants du HK. Si la paix revient, on oubliera que l’info ait été truquée et tronquée en France, si l’Azerbaïdjan se venge sur les Arméniens alors les discours militants pourront affirmer qu’ils avaient vu juste.

[21 septembre]

Illustration 1
Capture d'écran d'une carte montrée lors du Grand Echiquier de France 2 sur l'Arménie

France 2 et l’Arménie

Le 31 août, sur France 2, c’était le grand échiquier avec Claire Chazal et André Manoukian, émission que j’ai suivie en partie et qui était consacrée à l’Arménie, en présence de l’humoriste Mathieu Madénian, de l’acteur et metteur en scène Simon Abkarian, de Robert Guédiguian, de la chorégraphe Christina Glastian, de la soprano Ruzan Mantashyan, de la violoncelliste Astrig Siranossian. Patrick Fiori et Hélène Ségara, d’origine arménienne, ont chanté. Patrick Bruel aussi. L’historien Tigrane Yégavian rappelait le génocide de 1915, hommage était rendu à Missak Manouchian et à l’Affiche rouge. Plutôt une belle soirée, mais la situation actuelle en Arménie a été évoquée, en faisant appel à Sylvain Tesson sous prétexte qu’il s’intéresse à l’Arménie depuis longtemps. Sauf que son discours de plus en plus à droite, en défense de l’Occident chrétien, ne le légitimait pas pour fournir une info objective, d’autant plus qu’il était affublé de Jean-Christophe Buisson, du Figaro, chevalier du mérite serbe, journaliste qui, dans le passé, s’est permis de nier que Malik Oussekine ait été tué par des policiers !

En gros, le téléspectateur mal informé apprenait que l’Azerbaïdjan, musulman, agressait l’Arménie chrétienne, et qu’il fallait redouter un nouveau génocide (selon JC Buisson) : l’Artsakh (nom arménien du Haut-Karabagh) est attaqué par les Azéris. Or s’il est vrai qu’en 2022, l’Azerbaïdjan a attaqué l’Arménie à ses frontières et empêche le corridor entre le Haut-Karabagh et l’Arménie de fonctionner, à aucun moment il n’a été dit : que le Haut-Karabagh, effectivement habité essentiellement par des Arméniens, est territoire azéri, reconnu par l’ONU, que la guerre du début des années 1990 après que le Haut-Karabagh se soit autoproclamé indépendant, a provoqué 30 000 morts : près de 600 000 Azerbaïdjanais ont dû fuir leurs villages, car les Arméniens du Haut-Karabagh voulaient s’assurer une zone de sécurité autour de ce territoire [si l’on prend en compte ce qui s’est passé dans l’environnement géographique, le drame humanitaire a été pire encore : car 200 000 Azéris présents en Arménie se sont réfugiés en Azerbaïdjan et 400 000 Arméniens présents en Azerbaïdjan se sont réfugiés en Arménie].

Quand en 2020, l’Azerbaïdjan a attaqué le HK c’était pour permettre aux Azéris de retrouver leurs maisons et leurs terres, ce qui a été le cas en partie (au prix de milliers de morts et d’atrocités commises par les deux camps). Mais cette guerre a été en général présentée en France comme une guerre des musulmans contre les chrétiens, alors Valérie Pécresse, Éric Zemmour puis Michel Onfray se sont précipités à Erevan. Le discours hier [31 août] était un peu de dire que 120 000 personnes dans le HK étaient prises en otage, et que l’Europe ne faisait rien alors qu’elle se préoccupait de l’Ukraine.

Je ne prétends pas avoir la solution (bien que des casques bleus positionnés entre Arménie et HK devraient pouvoir garantir des liens entre cette enclave et l’Arménie, par un corridor, mais aussi garantir que les populations Azéris ne soient pas chassés de leurs terres comme cela a été le cas lorsque le HK a proclamé une indépendance non reconnue). En tout cas, le service public doit donner sur un tel sujet une information honnête. Une carte correcte, mais trop rapidement montrée, mettait en évidence la réalité, et Claire Chazal manifestement faisait en sorte qu’on ne s’attarde pas trop sur le sujet développé par Tesson et Buisson. D’autres personnalités présentes, bien que soutien indéfectible de l’Arménie, m’ont semblé prendre leur distance par rapport à la présentation tendancieuse qui était faite, en tout cas sont restées quelque peu en retrait.

[1er septembre]

Illustration 2
Le Grand Echiquier du 31 août sur France 2

. voir par ailleurs mes précédents articles de blog, Les papiers d’Arménie et Arménie : la propagande Zemmour/Pécresse.

Billet n° 756

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600.

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