Un prêtre de Lyon (Fourvière) insulte la mémoire des victimes des attentats de Paris : se fondant sur les paroles du groupe métal qu'ils étaient venus écouter, il en déduit que «leurs assassins, ces zombis-haschishin, sont leurs frères siamois. (...) Même déracinement, même amnésie, même infantilisme, même inculture…» et ose banaliser le massacre en mettant en parallèle ces 130 morts avec les 600 autres le même jour (les avortements). Et ses lecteurs le commentant sur Riposte catholique sont aussi faschos que lui. Mgr Barbarin a désavoué mais ça ne suffit pas : une pétition réclame sa destitution.
Pendant ce temps, Le Monde poursuit son Mémorial : la publication, chaque jour, d'une petite biographie de chacun de ces jeunes, pleins de projets, ouverts au monde. Cet hommage les sort d'un fait global, d'un chiffre abstrait, ces inconnus prennent vie pour nous. Ils ont été fauchés par un quarteron d'individus, délinquants le plus souvent, fidèles non pas à une religion, qu'ils ignorent la plupart du temps, mais à une idéologie de la lâcheté : tuer dans le dos, abattre une enfant à bout portant, exécuter des innocents, achever des blessés. Commettre une kyrielle d'erreurs, semer sans cesse des indices de leurs forfaits. Faire d'énormes dégâts tout en se comportant comme des Pieds-nickelés. Aux autres faschos qui répandent l'amalgame, il faut dire que la jeunesse issue de la diversité souffre certainement de discriminations et peut avoir des raisons de la colère mais certainement pas des motifs à admirer ces faux "héros", qui, de surcroît, ont exterminé sans distinction.

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Quelques petits billets ou commentaires publiés ici ou là depuis le 13 novembre :
Les apprentis-sorciers
Les terroristes cherchent à provoquer une guerre civile dans notre pays, ils espèrent qu'une haine monte à l'encontre des étrangers et particulièrement des Français musulmans ou d'origine musulmane. Tous ceux qui réagissent sans prendre en compte cet élément sont des apprentis-sorciers, des irresponsables, sinon des complices. Je pense à Ivan Rioufol (du Figaro) réclamant par tweet que "les musulmans de France" descendent "dans les rues pour dénoncer les assassins qui tuent au nom d'Allah, à Paris" et à Philippe de Villiers accusant, par tweet également, le "laxisme et la mosqueïsation de la France". Quoi que certains aient pu dire, la mobilisation en janvier a eu ce mérite de refuser tout amalgame. Espérons qu'il en sera de même aujourd'hui après ces tragiques massacres de Paris. Ne donnons aucune prise aux manœuvres diaboliques des assassins.
Fraternité
Souvenons-nous que ces hommes et ces femmes, souvent avec enfants, risquant leur vie dans des traversées de la mer meurtrières, pour gagner l'Europe, fuient des tueries aveugles, terroristes, qui se sont reproduites cent fois, mille fois, en Syrie. Nous pouvons comprendre leur panique et faire en sorte qu'ils soient nombreux à trouver secours dans un pays dont la devise fraternelle a une portée universelle.
Le chaos
Il y a un extrême danger à vouloir, à propos des actes terroristes, faire lien avec les musulmans de France, avec leur religion, les pratiques de certains d'entre eux, avec la situation des banlieues. Ces actes criminels sont commandités précisément pour provoquer le chaos en France, en opposant la majorité des Français contre les étrangers ou les autres Français, musulmans et d'origine arabe. Les attentats aveugles de Paris démontrent que les tueurs sont les ennemis de quiconque vit sur le territoire français, puisque tous pouvaient en être victimes.
Le communautarisme
Nulle part, dans mes écrits, je nie le phénomène du communautarisme et des dégâts qu'il commet. S'il s'agit de dire qu'il y a un repli sur la religion dans les cités, je l'admets volontiers. Et je considère que c'est un problème majeur pour la République. Sauf que j'estime, avec beaucoup d'autres, que les musulmans en sont eux aussi victimes. De même qu'ils sont majoritairement gagnés par l'effroi après les attentats, parce que d'une part ils ne les approuvent en aucune manière, d'autre part ils savent qu'ils seront jetés à la vindicte publique par des irresponsables qui ont commencé à défiler à Lille et à Metz au cri de "l'islam hors d'Europe". Assimiler "les méchants et les bons musulmans" pour faire lien avec les massacres de Paris (qui ont fait des morts de tous âges, de toutes nationalités, et de toutes confessions), attribuer ces actes odieux à une religion, alors qu'il s'agit le plus souvent de délinquants qui ne connaissent rien à l'islam, qui agissent en solitaire ou commandités par une armée qui au Proche-Orient tue massivement des musulmans, c'est refuser de faire appel à la raison. Je lis, j'entends des communiqués d'imams qui prennent des positions sans ambigüité : "Aucune justification religieuse ne peut être trouvée à une telle violence destructrice. L'Association cultuelle des musulmans du Gers travaille depuis longtemps pour tisser des liens de fraternité et d'amitié dans le respect des lois de la République. Plus que jamais, ces liens sont nécessaires pour lutter contre l'obscurantisme, la haine et la barbarie. Nous exprimons toute notre solidarité avec les victimes et leurs familles".
Un amalgame de plus
Selon la presse, "Manuel Valls appelle l'Europe à fermer sa porte aux migrants". Parce que parmi des milliers de migrants, deux membres du clan des terroristes seraient passés par les voies d'exil des Syriens, on veut fermer les frontières, et ainsi le faire payer à tous, surfant sur la peur, que des médias peu scrupuleux s'emploient actuellement à attiser. Honteux.

Rester solidaires
"Nous appelons les femmes et les hommes de ce pays à rester solidaires et à lutter contre toute forme de racisme. Nous appelons aussi à la défense des libertés car nous ferons prévaloir en toutes circonstances notre liberté d’information, d’expression, de manifestation et de réunion."
Appel unitaire sur le blog Mediapart d'Eugénio Populin : ici
Dérive nihiliste
Exposé magistral d'Oliver Roy dans Le Monde du 25 novembre sur les jeunes terroristes se disant musulmans, exprimant en réalité avec le djihadisme une "révolte nihiliste". Cette dérive de la "deuxième génération" musulmane et des convertis "de souche" (cela ne touche ni la première ni troisième génération) n'est pas, pour le spécialiste de l'islam, "l'avant-garde d'une guerre à venir" mais "le borborygme de l'Histoire". Ces jeunes occidentalisés, qui ne connaissent rien à l'islam, tuent comme les tueurs de masse d'Amérique ou de Norvège (Breivik), en se mettant au service de Daech. Ils ne sont qu'une infime partie parmi les millions de jeunes issus de l'immigration et sont identifiés (tous les radicaux passés à l'action avaient leur fiche "S"). "Il ne s'agit pas de radicalisation de l'islam mais de l'islamisation de la radicalité". "Les terroristes ne sont donc pas l'expression d'une radicalisation de la population musulmane, mais reflètent une révolte générationnelle qui touche une catégorie précise de jeunes". Et Olivier Roy le démontre avec beaucoup d'informations et d'arguments. [Le djihadisme, une révolte générationnelle et nihiliste]
Une note d'espoir
Alors que l'extrême-droite manifestait devant l'Opéra de Mayence, en Allemagne, contre l'accueil des migrants, les chanteurs de l'Opéra ont entonné l'Hymne à la joie de Beethoven pour contrer leurs slogans. Si bruyamment que le parti Alternative für Deutschland a décidé de porter plainte pour entrave à manifestation (leurs discours racistes n'étaient plus audibles) !
Sur le site de France Musique (24 novembre).

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Billet n° 236
Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr
Tweeter : @YvesFaucoup
[Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, tous les articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200]