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Billet de blog 28 novembre 2016

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«Premier communiant… sournois, vicieux et lâche»

François Fillon est parvenu à passer pour un dur, alors qu'il était connu jusqu'alors pour faire profil bas et s'être invariablement incliné pendant tout le règne Sarkozy, au cours duquel il a dû en connaître de belles, sans jamais s'insurger ni démissionner. Petites chroniques d'une semaine de «campagne électorale».

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Illustration 1

C'est Anne Méaux, la conseillère com de Fillon, issue des mouvances d'extrême-droite (Ordre Nouveau, GUD qu'elle a même présidé) qui l'a poussé à taper fort, particulièrement sur Sarko. Jusqu'alors, quand il se rebellait c'était dans la coulisse, en douce, par des petites trahisons pas toujours honorables : fuites dans l'affaire Bygmalion, manœuvre auprès de Jouyet, proche de Hollande, pour casser Sarko.

Patrick Buisson a publié, il y a quelques mois, La cause du peuple, livre dans lequel il dézingue littéralement Nicolas Sarkozy, qu'il devait conseiller et qui l'a tellement déçu (il n'est pas exclu que Sarko ait fait les frais de ce livre auprès des électeurs de la droite). Une des rares fois, en 450 pages, où Buisson cite Fillon (comme si le reste du temps il était quasiment inexistant politiquement), c'est lors des grèves SNCF et RATP, au moment où elles touchent à leur fin : Fillon joue le va-t-en guerre, refusant toute négociation, cherchant à se donner une image tchatchérienne face à un Sarkozy mou, qui finalement négocie (ce que, semble-t-il, Fillon espérait).

L'essentiel de la critique de Buisson est d'accuser Fillon d'avoir saboté, à la veille de l'élection présidentielle de 2012, la stratégie de Sarko consistant à récupérer l'électorat frontiste. Dans Les Échos, Fillon "se défroquant de sa cautèle habituelle" (cautèle = rouerie, fourberie) insiste sur "l'incompatibilité des valeurs" (UMP-FN), ce qui permet au conseiller d'extrême-droite de Sarkozy d'écrire : "derrière le masque d'un premier communiant se dissimulait un être sournois, vicieux et lâche" (p. 410). Il est vrai qu'en la matière Patrick Buisson est expert : au fait, au second tour de la Primaire de la droite, il a appelé à soutenir François Fillon.

[28 novembre]

Fiable Fillon

Le 5 juin 2009, à la veille des européennes, la télévision publique a diffusé Home de Yann-Arthus Bertrand. Evidemment, ça défrise Patrick Buisson, le conseiller d'extrême-droite de Nicolas Sarkozy. Le dimanche 7, alors que tout le gratin est à l'Élysée pour attendre les résultats, il confie à François Fillon son avis sur ce "film-tract" et s'offusque du non-respect de "la neutralité du service public". Fillon lui répond : "Oui, c'est proprement scandaleux !". Soudain, Sarkozy se félicite à voix haute de la diffusion du film, "entonnant un panégyrique de la télévision publique". Approuvé aussitôt par Fillon qui lance : "Remarquable !". Buisson aurait été secoué "d'un long rire intérieur" (c'est ce qu'il dit dans son bouquin). Zéro partout.

[24 octobre]

Pauvre démocratie

Illustration 2

Non seulement le débat public a été phagocyté par la Primaire de la droite et du centre pendant plusieurs semaines, mais en plus certains petits manipulateurs n'ont pas hésité à laisser croire que c'est la France qui était appelée à se prononcer. On en vient à penser que c'est un dispositif constitutionnel. La veille du grand jour, comme pour l'élection présidentielle, plus personne ne doit causer politique (et chez Ruquier, samedi, aucun politique invité à cause de l'élection du lendemain chez Les Républicains et Cie). Hier soir, vers 19h30, avant les résultats, une porte-parole de François Fillon déclare : son sort est "entre les mains des Français". Larcher, président du Sénat : "c'est sa rencontre avec la France". Fillon, modeste : "la victoire me revient, avec mon projet, mes valeurs, la France veut la vérité et la France veut des actes". Wauquiez, qui vient lui lécher les bottes : "les Français ont plébiscité cette primaire", "c'est la preuve que les Français veulent une alternance". Brice Teinturier, sondeur : "le pays est à droite" (sans doute, mais ce n'est pas ce scrutin qui le prouve). Le maire de Sablé, fief de Fillon : "il est déjà quasi-président". Et Juppé de remercier les Français et les Françaises qui lui ont apporté leurs suffrages. Bon, 4 millions de votants c'est pas rien, mais ce n'est que 9 % du corps électoral, et mine de rien, ce "peuple de droite" si mobilisé, n'est pas si nombreux que ça. En effet, si on part de l'idée qu'au moins 50 % des Français s'abstiennent désormais, on n'a là donc que 18 % de l'ensemble des électeurs du premier tour de 2017. Pas de quoi pavoiser, pour le moment.

[28 novembre]

Le drame de la France

Illustration 3

Tout a été fait depuis des mois pour accréditer l'idée que la Primaire de la droite était quasiment l'élection présidentielle. Lors de son débat avec Juppé, Fillon a dit que son projet ("plus radical, difficile"), il l'avait bati "avec les Français" ! Le châtelain de la Sarthe croyait pouvoir dire que "le pays est au bord de la révolte". Et que fait-il : il vient devant le pays pour saboter le modèle social français auquel il ne reproche pas de ne pas empêcher la pauvreté : il lui reproche d'en être la cause. Sans pudeur, il assène que notre modèle social "génère six millions de chômeurs". Il faut un culot sans borne pour oser détourner ainsi les responsabilités : la crise économique est la conséquence de choix néo-libéraux (que soutiennent Fillon et Juppé), de nombreux experts l'ont largement démontré (pas ceux qui sont financés par le CAC 40).

Tous les observateurs honnêtes sont plutôt d'accord pour dire que ce modèle social a évité des effets plus dramatiques encore d'une crise partie d'une dérégulation de la finance. Mais les deux compères font assaut de restrictions drastiques, c'est à celui qui sera le plus anti-social : et de supprimer le tiers-payant, et d'augmenter la durée de travail sans augmentation de salaire (Fillon), et d'allonger la date de départ en retraite, et de démolir le secteur public (tellement honni par les néo-libéraux), et de favoriser délibérément les plus riches en supprimant, entre autre, l'ISF, et de créer une allocation unique mal définie qui n'a qu'un seul but : installer les plus démunis dans un peu plus de misère. Donc un candidat très à droite et conservateur, qui a déjà largement sévi pendant 5 ans pour contribuer à la situation présente, et un autre pas mal à droite un peu moins conservateur. Si ça n'offre pas à un candidat de gauche un boulevard, c'est à désespérer de tout.

[Bizarre : pendant leur débat de jeudi 24, Juppé et Fillon n'ont pas dit un mot sur le quinquennat Hollande (je ne crois pas que cela ait été relevé) comme s'ils n'avaient pas grand-chose à lui reprocher. Cette droite recuite profite d'une opinion publique déboussolée, largement manipulée par des commentateurs "libéraux" dans les médias : ils surfent sur l'air du temps dans le but d'installer une purge jamais connue jusqu'alors]

[27 novembre]

C'est la faute à Voltaire, Rousseau et tutti quanti

Au cours du débat l'opposant à Alain Juppé, François Fillon a affirmé que les noms de Clovis, Jeanne d'Arc, Voltaire ou encore Rousseau avaient disparu des manuels scolaires.

Le fait même que François Fillon puisse mentir effrontément, alors qu'il sait qu'il sera toujours possible de le contester, est de très mauvais augure. De quelle impunité ces gens-là se sentent-ils assurés pour se risquer à de telles provocations ?

[26 novembre]

Illustration 4

Salauds de fonctionnaires !
Non seulement l'ère est à "Salauds de pauvres !" (Wauquiez et Cie), mais aussi à "Salauds de fonctionnaires". Certains ne jurent qu'à leur suppression : sans toucher "aux infirmières, aux policiers, aux enseignants". Mais c'est quoi ce triptyque ? Les autres sont inutiles ? les pompiers, les travailleurs sociaux, les médecins, les ingénieurs, les architectes, les secrétaires, les chargés du tourisme, les jardiniers, tous à la trappe ? Quel mépris pour tous ces agents ? Quelle insulte à l'encontre de ceux qui se donnent à leur tâche de service public. Et si c'est pour privatiser, en quoi ce sera une économie pour l'État. L'Allemagne a moins de fonctionnaires que la France, bien sûr puisque les agents hospitaliers n'ont pas le statut public, mais la dépense reste publique. La France serait percluse de fonctionnaires ? C'est faux, elle est le 8ème en Europe (83 pour 1000 hab), loin derrière le Danemark (145).

Fillon face à Juppé assène que les collectivités territoriales ont augmenté de "1 million de fonctionnaires en 25 ans" : chiffre quelque peu exagéré et qui ne tient compte ni des compétences d'État transférées aux collectivités ni de l'augmentation de la population française : 8 millions d'habitants supplémentaires sur la même période ! Ni non plus du développement considérable des villes (puisque c'est là que l'augmentation a été la plus forte) depuis 30 ans. Des médias de la droite économique, qui ont pourtant mené propagande contre les dépenses publiques, s'inquiètent désormais des projets Juppé et Fillon de réduction d'effectifs totalement irréalistes selon eux (La Tribune, Europe 1, Challenges). Je ne dis pas qu'il ne peut y avoir un débat sur la pertinence des effectifs en hausse dans le secteur public, bien sûr qu'il existe des dérapages, mais la solution de coupes claires, sans aucune analyse des besoins, est franchement irresponsable. Le mystère : selon quel masochisme social des électeurs peuvent accorder confiance à des politiques qui les mènent ainsi en bateau pour satisfaire les intérêts d'une oligarchie accrochée à ses privilèges ?

[26 novembre]

Ici Juppé
J'ai reçu un appel téléphonique sur le fixe : d'abord un court silence. Habitué, je m'apprête à raccrocher. En effet, j'ai cru dans un premier temps que c'était Olga avec son petit accent de Marrakech me proposant des panneaux photovoltaïques pour un appartement dont je ne suis même pas propriétaire, ou Sarah pour m'offrir un repas avec "Madame" au resto pour je ne sais quel parfum, ou une invitation à tester ma mutuelle, ou encore Orange m'évoquant mon contrat alors que je suis à SFR, ou Canal Satellite qui cherche désespérément à me récupérer après une rupture qui date bien de six ans au moins. Quand je m'aperçois que c'est Alain Juppé qui me parle. Je ne peux pas en placer une, car c'est un enregistrement. Je ne sais plus exactement ce qu'il m'a dit tellement j'étais étonné : en gros, je crois qu'il cherchait à me convaincre qu'il était un bon candidat, sans rien dire toutefois de Fillon. Je me perds en conjecture : m'ont-ils choisi délibérément avec l'espoir que j'irais voter pour lui ou est-ce par hasard, un logiciel balayant l'annuaire ? Dans le second cas, je serais vexé. Dans le premier, aussi.

[24 novembre]

Illustration 5
[Captures d'écran France 2, 23 novembre 2016]

 Choisissez votre tondeuse !

Mais comment en est-on arrivé là ? Depuis des mois, on nous bassine avec une Primaire de la droite (et du centre droit) au point qu'on finit par instiller dans l'opinion publique qu'il s'agit de l'élection présidentielle. Alors les deux seuls en lice s'affrontent, nous dit-on, avec des programmes tellement à l'opposé l'un de l'autre. Bon, sur le plan sociétal, il est clair que Fillon est nettement plus à droite, récupérant les soutiens sans conditions de tout une extrême-droite. Mais sur le plan social et économique, c'est le néo-libéralisme à tout crin. En somme, on nous annonce : vous allez être tondu (sauf si vous êtes très riche), choisissez donc votre tondeuse.
Les familles qui gagnent 12500 € par mois (dont l'impôt sur le revenu correspondait à 2 mois de revenus, ce qui est loin d'être un scandale) économiseront 19 ou 24 %, grâce à une augmentation du quotient familial, c'est-à-dire que les enfants de riches doivent permettre d'améliorer fortement les revenus de leurs parents (merci Filluppé !). L'Impôt de Solidarité sur la Fortune : supprimé (re-merci). Soit près de 5 milliards qui n'entreront pas dans les caisses de l'État. Et la TVA, qui, comme chacun sait, touche forcément les moins fortunés puisqu'il n'y a pas de proportionnalité, augmente de 1 ou 2 points, soit 6,5 ou 16 milliards pris dans les poches des citoyens. Dois-je une nouvelle fois rappeler que le RSA, qui serait pour ces hommes politiques-là la cause de nos malheurs, coûte environ 9 milliards (pas plus que les bénéfices annuels de Total ou de la BNP) et permet à 2 millions de foyers (soit près de 6 millions de personnes) de survivre à cause d'une économie néo-libérale qui les jette sur le bord du chemin. Vive la République, Vive la France !

[tableaux sur France 2 hier soir]
- Le plafond du QF est relevé à 3000 € par enfant chez Fillon, au lieu des 1500 actuels. Dans l'exemple cité, la famille économisera 6650 € par an, soit 1000 € de plus que ce que perçoit une personne seule au RSA qui, proportionnellement, payera plus de TVA.

[24 novembre]

Ambiance

Illustration 6

Pas sûr que ce panier de crabes contribuera à réconcilier les Français avec les politiques. Fillon a validé toute la politique sarkozyste pendant 5 ans. Buisson a décrit Fillon comme un petit toutou devant Sarko, l'approuvant même lorsqu'il n'était pas d'accord. Il subissait les colères de Sarkozy, au point qu'il somatisait. Et voilà que Nicolas Sarkozy appelle à voter au second tour de la primaire de droite pour François Fillon qu'il "méprise et hait", qu'il traitait de "pauvre type", de "faux-cul" et dont il moquait la "lâcheté" (dixit Le Monde du 22 novembre). L'objectif est de "permettre à ses troupes de trouver une place" auprès du futur président, sauf pour ses amis et soutiens dont la plupart sont poursuivis devant la justice.
Fillon, qui est allé réclamer auprès de Jouyet que le pouvoir Hollande engage des poursuites contre Sarkozy pour casser son projet de second mandat, le protégera-t-il ou peut-on espérer que justice passe, enfin ? Si son heure a sonné, va-t-il prendre sa revanche, y compris contre les courageux qui l'ont largué et trahi quand ils croyaient qu'il n'avait aucune chance : Wauquiez, Ciotti, Baroin et Pécresse ? Et contre Copé qu'il accusa ouvertement et de façon mystérieuse en 2012 d'être à la tête d'une "mafia" ? Nul ne sait : la seule certitude est que son programme ultra-libéral et conservateur va faire sacrément morfler ceux qui galèrent déjà.

[22 novembre]

Bon, ça c'est fait
Le futur président n'aura pas arnaqué une vieille dame, touché du fric d'un dictateur sanguinaire, fait verser à un magouilleur 403 millions d'euros, perçu pour la campagne Balladur des rétro-commissions, violé les lois électorales avec plus que doublement des dépenses autorisées, corrompu et trafiqué l'influence d'un haut magistrat... Bon, ça c'est fait. Par contre l'ancien pourra même plus facilement être jugé pour ses innombrables exactions, alors qu'il pensait pouvoir y échapper. Au demeurant, on n'est pas sorti de l'auberge.

[21 novembre]

Illustration 7

Blanc Fillon et Juppé blanc ?

Notons en passant, sans doute pour la petite Histoire, que le directeur de cabinet de la campagne de François Fillon, présenté comme son éminence grise, est directeur général des services, c'est-à-dire grand patron de la Région Ile-de-France, présidée… par Valérie Pécresse, qui a trahi Fillon pour aller soutenir Juppé quand il était donné gagnant. Par ailleurs, le bras-droit de Fillon, Jérôme Chartier, et "la" bras-droit de Juppé, Virginie Calmels, forment un couple à la ville. Cette dernière, qui était pressentie pour succéder à Juppé à la tête de la ville de Bordeaux, s'est plaint qu'on ait pu croire un instant que son poulain ait été moins à droite que Fillon : "son projet est résolument de droite, libéral dans le domaine économique", a-t-elle clamé urbi et orbi.

. Petites chroniques publiées pour la plupart sur mon compte Facebook du 21 au 28 novembre.

. Précision : je n'ai ni acheté, ni volé le bouquin de Patrick Buisson : j'ai juste trouvé le moyen de le parcourir.

Le Bourreau Sarthois et l'Ange Blanc du Médoc

Je recommande le blog de l'ami Tatia qui tient régulièrement des chroniques drôles et documentées sur la vie politique. La dernière, comme il se doit, porte sur le match de catch entre le Bourreau Sarthois et l'Ange Blanc du Médoc.

https://blogs.mediapart.fr/tatia/blog/261116/resultats-connus-lavance

Illustration 8

Billet n° 295 

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr

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  [Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, tous les articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200]

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