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La France a des problèmes de fertilité et, de la terre à la natalité, il n’y a qu’une bonne dose de pesticides. Seul le capital reste très fertile mais manifeste ses craintes de manquer de bras jeunes et serviles. La Nation, sous entendue la machine économique, est en danger : le capitalisme a un besoin urgent de main-d’œuvre ubérisée. À moins que ce soit pour « la perpétuation de notre civilisation », comme le scande le RN en chœur avec un Viktor Orbàn ou un Xi Jinping.
Le Président Jupiter revêt donc, une fois n'est pas coutume, la tenue de la déesse Héra, gardienne de la fécondité des couples, et décide de s’attaquer au manque de fertilité des femmes, mais aussi à leur supposé manque d’enthousiasme à gonfler les chiffres de la natalité. Le patriarcat politique n’est pas mort.
Dans l’esprit mâle tourné de notre président ou celui éthéré des grenouilles de bénitier, le réarmement des utérus n’est pas qu’une vue du Saint-Esprit. Alors mesdames, au boulot, seules ou en duos, peu importe, va falloir produire.
Le problème, c’est que les mâles pourraient avoir du mal à suivre par manque d’effectifs chez les spermatozoïdes. Une méta-analyse parue en novembre dernier dans la revue scientifique Environnemental Health Perspectives,1 couvrant 25 études sur 50 ans, établit « un lien fort » entre exposition à un certain nombre d’insecticides (dont les organo-chlorés) et diminution du nombre de spermatozoïdes viables chez l’homme qui aurait chuté de 50 %. « Les insecticides sont une préoccupation pour la santé publique et pour tous les hommes, qui y sont exposés principalement par la consommation d’aliments et d’eau contaminés », explique Lauren Ellis, doctorante à l’université Northeastern (États-Unis) et coauteur de l’étude.
Une étude qui a aussitôt fait l’objet d’un contre-feu du lobby de l’agro-bizness comme sur le blog d’un certain André Heitz,2 bien connu pour tirer à la sulfateuse, sous le pseudonyme de Wackes Seppi, sur toute publication qui démontre les méfaits des pesticides et OGM. Cet ingénieur agronome, qui se présente comme scientifique mais a fait carrière surtout dans le brevetage végétal auprès de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), vitrine des grands semenciers, a d’ailleurs été condamné pour diffamation en 2019 pour une de ses attaques.3
Bien sûr, d’autres causes, dont certaines encore inconnues, scellent le cercueil de nos vibrionnantes cellules reproductrices, comme l’âge. Mais ces insecticides ne sont qu’une petite fraction des milliers de molécules chimiques, dont les perturbateurs endocriniens, qui hantent notre environnement quotidien et nous traquent jusque dans les cabinets et affectent notre santé, pas seulement notre reproduction.
Macron chipe la natalité à l’extrême droite
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La fertilité est la capacité biologique à se reproduire et la rencontre d’un seul spermatozoïde avec un seul ovule peut théoriquement suffire. Mais si la nature envoie tout un bataillon des premiers et produit les seconds en nombre, c’est qu’il faut multiplier les chances de fécondation pour assurer la reproduction.
Ce qui n’empêche pas le patriarcat dominant de faire reposer principalement sur les femmes les problèmes de fécondité et la baisse de natalité et d’instrumentaliser cette dernière pour des raisons géostratégiques et économiques, loin des préoccupations de bien-être et de parentalité désirée des couples. La natalité est un cheval de bataille de l’extrême droite souverainiste et la macronie s’en empare avec gourmandise.
Le tableau est certes un peu caricatural, mais sans doute pas loin de la vérité du fonctionnement d’un cerveau macronien. Si on ne connaît pas précisément les mesures qui tomberont des hautes sphères du pouvoir en ce qui concerne le combat contre l’infertilité et le « réarmement démographique », il y a fort à parier qu’elles concerneront les symptômes au détriment des causes, sachant que ces dernières pointent vers des industries et des professionnels que la macronie ne veut surtout pas fâcher, de l’agriculture industrielle et exportatrice de la FNSEA à l’agro-industrie des additifs et des arrangements avec les règles sanitaires, également exportatrice.
Première preuve d’engagement du gouvernement dans cette lutte contre l’infertilité, il met « en pause » le très onéreux plan Écophyto, ce qui va permettre aux sulfateurs stakhanovistes de se lâcher, au gouvernement de faire lever les barrages de tracteurs, mais qui ne changera pas grand-chose sur le terrain puisque ces plans subventionnés de réduction des pesticides ont été des échecs successifs depuis 2008 et que la France reste un des premiers pays au monde en termes de quantité de saloperies achetées et répandues.
La terre arable est droguée et stérilisée
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Du côté de la fertilité agricole, le bilan n’est guère meilleur. Les béquilles chimiques et les pratiques agronomiques, dignes d’une guerre technologique contre le vivant, sont pointées du doigt par de multiples études dans la baisse catastrophique de la fertilité naturelle des terres agricoles, de l’effondrement de la biodiversité indispensable à cette fertilité et des pollutions des milieux naturels en particulier des eaux de surface ou souterraines.
Jusqu’au milieu du siècle dernier, la fertilité des terres cultivées était affaire d’observation de l’environnement et des conditions pédoclimatiques (avant les bouleversements climatiques), de savoirs ancestraux dans l’utilisation des services écologiques gratuits, de travail doux des champs, conséquence de moyens techniques limités, et de savoir-faire dans l’intégration des différentes productions dans les systèmes de polyculture-élevage, notamment l’importance des jachères et du tarissement hivernal pour le repos des terres, des vaches et… des fermiers.
Tout ça a été balayé d’un revers de manche d’exploitant de la FNSEA pour transformer champs et troupeaux en chaînes de production, le plus souvent de malbouffe. Les labours profonds, le tassement de la couche arable par les multiples passages (travail de la terre, semailles, traitements multiples, récoltes) par des engins de plus en plus lourds, l’éradication des haies, talus, bosquets, drainages naturels, ont affaibli progressivement la vie auxiliaire des trente premiers centimètres de la couche fertile, achevée avec acharnement par une soupe chimique mortelle, rebaptisée traitement phytopharmaceutique ou protection de la plante, avec le sourire étincelant d’un commercial de chez BASF.
Le résultat est alarmant, pas seulement en France, mais sur toute la planète agricole. Selon la FAO, l’érosion est la première menace qui pèse sur les sols. En Europe, elle provoque une perte de productivité agricole évaluée à 1,25 milliard d’euros/an tandis que les rendements, au mieux stagnent, au pire baissent malgré un redoublement du recours aux substituts chimiques pour doper des performances en berne.
L’érosion hydrique, notamment dans les terroirs vallonnés, ou éolienne sur des plaines débarrassées de tout obstacle, est catastrophique. Il faut mille ans aux écosystèmes pour constituer un centimètre de terre fertile et moins de trente ans à l’homme pour la détruire. Il est intolérable de voir d’immenses parcelles éventrées par les charrues, mises à nu l’hiver durant, ses viscères (vers de terre, champignons, bactéries…), sans lesquels elle ne peut survivre, exposés aux excès climatiques et donc voués à disparaître.
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La matière organique est en voie de disparition ce qui entraîne une chute du stockage du carbone aérien. Les rendements sont en baisse et l’accumulation des molécules chimiques (dont certaines dites éternelles) contamine toutes les chaînes alimentaires. S’y ajoutent les excès de nitrates et de phosphore dus aux effluents d’élevages qui, dans certaines régions comme la Bretagne, provoquent l’eutrophisation (asphyxie) des cours d’eau et d’ingérables et dangereuses marées d’algues vertes.
Face à ce qu’il faut bien appeler une stérilisation des terres arables, l’agriculture conventionnelle ne fertilise plus la terre, elle la drogue, ruinant tous ses organes vivants. La destruction biologique et mécanique des terres fertiles est un modèle insoutenable pour notre santé et notre sécurité alimentaire. La destruction chimique des possibilités de reproduction et de se nourrir pour l’humanité est un suicide collectif orchestré par le système dominant du capitalisme sauvage.
1. https://ehp.niehs.nih.gov/doi/10.1289/EHP12678.
3. http://imposteurs.over-blog.com/2019/07/communique-judiciaire.html.