L’île continent se consume. Un drame humanitaire pour les Australiens1, écologique pour l’humanité et une démonstration grandeur « nature » de l’arrogance dérisoire de l’Homme à prétendre maîtriser, domestiquer, soumettre totalement et technologiquement son environnement. L’Humanité aura depuis longtemps disparue que la Terre se portera comme un charme pendant les quatre milliards d’années qui lui reste à exister2.
La morgue d’un premier ministre climato-sceptique, Scott Morrison, apparaît pitoyable face aux murs de flammes et les Australiens qui l’ont élu ne peuvent que fuir pour sauver leur peau. Ils voulaient sauver leurs emplois et leur style de vie (pas vraiment écolo-compatible), comme promis par ce néo-libéral, et ils ont finalement tout perdu.
Scott Morrison, évangéliste, anti-migrants dans un précédent gouvernement, est un libéral anglo-saxon pur jus3. Traduction : « on fait un maximum de fric avec le charbon que l’on a en abondance. Par contre, la grande barrière de corail, les koalas et le climat, ça commence à bien faire ». Il a toujours rejeté tout lien entre charbon et réchauffement climatique et s’oppose aux demandes “irresponsables” et “destructrices d’emplois” de limiter l’industrie charbonnière.
Et les réseaux de désinformation climatique qui lui sont proches font feu de tout bois sur le web ou dans les médias australiens. Certains, comme le député Barnaby Joyce ou l’ancien sélectionneur des Wallabies, Alan Jones, mettent sur le dos des écologistes ou des bureaucrates l’insuffisance des feux de prévention. Affirmations fausses, comme le confirme Le Monde4, d’autant que ces derniers deviennent parfaitement inefficaces dans les conditions météo extrêmes que connaît l’Australie ces dernières années. Et le lien entre ces feux et le changement climatique ne fait guère de doute, comme le relate ce même article : augmentation des températures depuis les années 1970, diminutions des précipitations, enchaînement des sécheresses... Tom Beer, un ancien scientifique du CSIRO, l'organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique, rappelle qu’il avait prédit il y a trente ans « une hausse dramatique de la gravité des incendies ». Il estime aujourd’hui que la situation est au-delà de ses prédictions : l’échelle de mesure de gravité des incendies a même due être révisée à la hausse pour y intégrer les méga-feux de ces dernières années5.
En Europe aussi
A cette échelle, ces incendies géants sont une catastrophe inédite, incontrôlables par l’Homme, quels que soient ses moyens techniques, avec des phénomènes rares comme l’apparition de pyrocumulonimbus, « monstres de fumée, appelé dragon des nuages par la Nasa », qui déclenchent des éclairs dévastateurs et de véritables tempêtes de feu6 et 7. Ils sont malheureusement conformes aux prévisions du GIEC7 de plus en plus alarmistes, avec même une accélération des phénomènes.
Ces méga-incendies ne sont que l’illustration de plus en plus prégnante des lois de la thermodynamique. Notre planète emmagasine de l’énergie par le réchauffement climatique et se comporte comme n’importe quel système dissipatif8 qui doit optimiser sa dissipation d’énergie pour retrouver un équilibre thermodynamique. Ces échanges étant bloqués (ou pour le moins ralentis) avec le cosmos par l’effet de serre, l’énergie se libère dans des cyclones de plus en plus puissants, dans des fournaises et des sécheresses sources de méga-incendies à l’échelle d’une île-continent : 4 millions d’hectares pour le seul état de Nouvelles-Galles du sud soit 7,2 % de la France.
En Europe, si les paysages et la végétation sont différents, des scientifiques comme Victor Resco de Dios, expert en incendies de végétation à l’université de Lleida, et Matthias Boer, professeur associé à l’Hawkesbury Institute for the Environment de la Western Sydney University, estiment que « la probabilité de telles catastrophes dans des zones aujourd'hui préservées du feu augmentera »9 comme dans les Pyrénées ou l’Europe centrale à échéance de quelques années ou décennies. Et de rappeler que les premiers méga-incendies en Europe, accompagnés de grandes tempêtes de feu, ont été observés au Portugal en 2017. « Si nous ne combattons pas le changement climatique dès maintenant à l’aide de mesures drastiques, nous devons nous attendre à vivre dans un futur proche des situations semblables à celles que connaissent les Australiens. Ne jouons donc pas avec le feu ».
Des milliers d’Australiens ont exprimé leur colère, vendredi 10 janvier, contre Scott Morrison et sa coalition de conservateurs au pouvoir. Mehreen Faruqi, sénatrice écologiste, y a dénoncé ce gouvernement : « Scott Morrison et son gouvernement sont lâches. Ils sont malhonnêtes. Ils sont complètement incompétents. Ils se sont comportés comme des criminels du climat ». « Est-ce que cela changera quelque chose dans les urnes du prochain scrutin ? » est la bonne question, face au méga-magot du charbon.
1 : notamment les Aborigènes qui ont un rapport fusionnel à la nature.
2 : durée de vie approximative de notre soleil.
3 : Beaucoup d’évangélistes, adeptes de la « théologie de la prospérité » s’accomodent très bien du péché capital d’avarice, (avaritia en latin), au sens dominant de cupidité, soit accumulation des richesses recherchées pour elles-mêmes. https://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Les-evangeliques-se-demarquent-de-la-theologie-de-la-prosperite-2012-06-29-866344
8 : une machine à vapeur, une cellule d’organisme vivant, le soleil, un moteur à explosion et même notre civilisation sont des systèmes qui dissipent l’énergie en général sous forme de chaleur. Voir notamment https://www.sciences.univ-nantes.fr/sites/claude_saintblanquet/thermo2000/31princi/31princi.htm sur les deux premiers principes de la thermodynamique et le livre de François Roddier « Thermodynamique de l’évolution » sur l’application de ces lois à notre civilisation et ses conséquences.