« Que peuvent les organisations internationales face au coronavirus ? » et aux pandémies en général, se demande Aurianne Guilbaud, Maîtresse de conférences en science politique, chercheuse au CRESPPA (Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris)1.
L’OMS pleure pour boucler son budget qui dépend des donations que veulent bien lui faire les États ou les fortunés. On sait ce que Trump et ses congénères pense de ce genre d’organisation multilatérale. Et elle se heurte aux bon vouloir des États pour investiguer, recueillir les données en temps réel, comme on l’a vu au début de l’épidémie qui n’était encore que chinoise. Elle ne peut que faire des recommandations et sonner le tocsin de la pandémie.
La Banque mondiale finance des projets nationaux de santé mais au prix d’une orthodoxie budgétaire devant se couler dans le moule néolibéral. « Les actions de la Banque mondiale encouragent l’engagement des entreprises privées dans les systèmes de soins nationaux, directement en proposant des aides à l’investissement, et indirectement en promouvant le recours au marché pour réduire la part du budget de l’État allouée à la santé », précise Aurianne Guilbaud. Autrement dit, la Banque mondiale pousse à la privatisation de l’accès à ce qui devrait relever de la solidarité, la santé. Mieux, cette même Banque mondiale a créé en 2016 un jeu de bonneteau sous forme d’obligations « pandémies », rapportant des taux d’intérêts très élevés aux investisseurs tant qu’il n’y a pas d’épidémie mais qui se sont révélé totalement « inefficaces » car trop restrictives dans leur déclenchement, notamment lors de l’épisode Ebola en 2018. Les financiers ont empoché sans tiquer capital et intérêts (argent public), les malades, eux, ont creusé leur tombe.
Le forum de Davos, qui commence à s’inquiéter devant les révoltes populaires, tente de mettre un soupçon homéopathique de socialisme dans son idéologie néolibérale. Il a suscité la création d’un « machin », la Coalition pour l’innovation en matière de préparation aux épidémies (CEPI), « alliance » financière entre États et privés (Norvège, Inde, fondation Gates…) pour trouver plus vite remèdes et vaccins face aux menaces pandémiques. Devinez ! Avant même d’avoir trouvé un début de solution, ils s’écharpent avec les labos à propos des droits et donc des bénéfices à en tirer. Les vieux réflexes ne sont jamais bien loin.
Enfin, l’Europe, cette grande idée ─ qui n’est restée qu’au stade de l’idée ─ n’a aucune prise sur les nationalismes. Chaque pays ne voit pas plus loin que le seuil de sa frontière. Au mieux, ils trient les « pestiférés pas de chez eux » à l’entrée (Etats-Unis, Inde, Suisse, Maroc…), au pire ils se claquemurent (Ukraine, République tchèque…) en se pinçant le nez.
Les États ont abandonné au privé la mission de veiller au bien commun qu’est la santé publique. Les derniers gouvernements français ont sommé l’hôpital public de se convertir au système marchand : réduction drastique des coûts et rentabilisation à outrance des lits, personnels présurés pour leur faire rendre une productivité de dingue. Résultat, quand la bise du coronavirus fût venue, le système public de santé se trouva bien dépourvu.
Macron à une révélation
Comme le capitalisme mondialisé d’ailleurs. Depuis la crise de 2008, les bourses et la sphère financière, comme des joueurs accros aux jeux de casino, sont retombées dans les mêmes travers, avec l’aide des banques centrales qui ont inondé la planète de monnaie de singe, une montagne de liquidités sans aucun rapport avec l’économie réelle et le tassement de la productivité. C’est la panique, des centaines de milliards (dollars ou euros au choix) se volatilisent et cette communauté de financiers hors sol va de nouveau entraîner tout un monde de travailleurs dans sa chute. C’est la panique, le sauve-qui-peut. Et comme en 2008, des appels aux gouvernements, donc à la régulation publique (et à l’argent public) -par ailleurs honnie lorsque les bénéfices sont au plus haut- commencent à se faire entendre pour amortir la chute, compenser les dettes de jeu, financer la relance, quand la tempête se sera calmée.
Mais pas sûr que cette fois, on revienne à la normale. En 2008, les États ont sauvé les fesses des banquiers au prix d’un endettement record qui a considérablement réduit leur marge de manœuvre dans le contexte capitaliste. A moins que l’on en revienne à une souveraineté monétaire pour le bien commun et non pour rallumer la chaudière capitaliste. L’économie mondialisée et délocalisée vient de révéler en grandeur réelle son extrême fragilité avec ses flux aériens, terrestres et maritimes à l’arrêt. L’« efficience des marchés » scandée par les tradeurs est une fumisterie. Cet effondrement, que la secte des affairistes, des rentiers et autres prédateurs espèrent temporaire, pourrait bien faire exploser les inégalités, les frustrations et les révoltes des laissé-pour-compte, c’est-à-dire la majorité de l’Humanité.
Mais Emmanuel Macron, dont il ne faut pas oublier qu’il a été banquier d’affaires chez Rothschild2, semble avoir eu une révélation : « La santé n'a pas de prix. (…) Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, (…). » Autant d’affirmations les yeux dans les yeux des Français qu’il sera utile de lui rappeler dès les prochaines manifestations pour sauver nos retraites, lutter contre les inégalités ou pour préserver notre santé contre les pesticides, pour le climat...
En attendant, l'argent public va soutenir à bout de bras les entreprises privées, sans distinction, dans la droite ligne de la politique gouvernementale, en espérant que "ça ruisselle" plus tard sur les services publics...
1 : https://theconversation.com/que-peuvent-les-organisations-internationales-face-au-coronavirus-133273
2 : surnommé « le Mozart de la finance » (Mozart ne mérite pas ça !) : https://www.nouvelobs.com/rue89/20160830.RUE5451/au-fait-il-faisait-quoi-chez-rothschild-emmanuel-macron.html
https://www.lepoint.fr/presidentielle/macron-ses-annees-rothschild-11-05-2017-2126513_3121.php