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Billet de blog 13 octobre 2023

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Les ignominieux prennent le pouvoir

Si le droit de la guerre existait, cela se saurait. Avec ou sans déclaration, qu’elles soient civiles, saintes, terroristes, impérialistes, les guerres ne sont que tueries et exactions dont les seules et uniques victimes sont les civils, les familles, les innocents qui ne demandent qu’à vivre en paix mais tombent sous le joug de pouvoirs dopés à la testostérone. L’horreur n’a pas de camp.

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« Tout se passe comme si se profilait à l’horizon le fait incroyable que l’ultime recours des puissances de l’ignominie  contre les révoltes couvant partout dans le monde était la provocation totalement impensable. » Une phrase d’André Bernold qu’il qualifie lui-même de « trop lourde pour nous tous ».

Illustration 1
La guerre, acrylique sur toile (2016) © antoine wentzler

L’Histoire de l’humanité est pavée de massacres volontaires, réfléchis, pensés, conceptualisés, et même industrialisés à l’image de la Shoah. Celui du 7 octobre a été planifié pendant de longs mois par le Hamas, armée terroriste sans loi mais pas sans foi, sauf qu’elle s’appuie sur une lecture dévoyée du Coran ici instrumentalisé, mais aussi sur le terreau du désespoir d’un peuple palestinien violemment privé de terre, de paix et de liberté. Le Hamas a lancé ses hordes barbares dans une chasse aux Juifs, ou supposés juifs, quels que soient leur condition, leur genre, leur âge, qu’ils ont méthodiquement exécutés, égorgés, jusque dans leur lit, comme ils ont appris à le faire dans des camps d’entraînement, niant leur humanité au nom d’Allah1, et exhibant au monde connecté, avec une arrogance morbide, leur carnage. « Rien ne justifie, même si la cause est juste et noble, rien ne justifie le massacre des innocents. L'islam ne peut pas accepter le massacre des enfants ou des vieillards », a réagi vendredi 13 octobre sur franceinfo Tareq Oubrou, recteur et imam de la mosquée de Bordeaux après l'attaque du Hamas contre Israël.2

En réaction à ce qu’on peut qualifier de pogrom, Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense a répliqué le 9 octobre : « J'ai ordonné un siège complet de Gaza. Nous combattons des animaux humains et agissons en conséquence ».3 Ce chef de guerre est celui qui a déjà mené l’opération « Plomb durci » qui avait fait 1400 morts chez les Gazaouis en 2008-2009 et qui a valu à Israël d’être accusé de « possibles crimes de guerre » par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il maîtrise donc bien, lui aussi, la chasse au « gibier » palestinien. Pour quelques trophées siglés Hamas, il n’hésitera pas à abattre tout un peuple à coups de milliers de tonnes de bombes (4000 en cinq jours), un peuple pris au piège d’une prison assiégée. Aux 1300 morts israéliens, ont déjà été inscrits 1500 morts palestiniens sur un tableau d’affichage de l’horreur qui s’emballe. Parmi eux, combien de véritables meurtriers, soudards ou guerriers tués les armes à la main ? Sur une terre brûlée, ravagée par la guerre, les chefs de guerre sont assurés d’avoir éliminé les soldats d’en face… et tous les autres.

Sous nos latitudes, les politiques à l’abri de leurs tours d’ivoire n’ont également pas la même vision des degrés de violence. « Nous devons être clairs dans la définition de ce type d’horreur. C’est du terrorisme. Et c’est un acte de guerre », a martelé Ursula von der Leyen. Mélenchon ne semble pas convaincu du caractère terroriste du Hamas et n’a jamais dénoncé son emprise sans partage sur le peuple gazaoui, instrumentalisant le désespoir d’un peuple emprisonné, humilié. Sans doute pourra-t-il détailler aux Palestiniens le caractère démocratique du régime religieux et nationaliste du Hamas, à l’image de ceux de Maduro ou de Poutine. Il faudra qu’il se rende en Israël expliquer aux survivants et familles des massacres du 7 octobre, que le bras armé du Hamas n’est pas terroriste, que cette boucherie est le résultat mérité des errements guerriers des dirigeants israéliens.

Y a-t-il des degrés dans l’horreur ? Chez les observateurs lointains, peut-être. Chez les victimes civiles, quel que soit le lieu, certainement pas. Les suppliciés ukrainiens de Boutcha ou du théâtre de Marioupol ou des Kibboutz visés le 7 octobre, les Gazaouis ensevelis sous les bombes ou les Houtistes du Yémen décimés par les canons français des soldats de l’Arabie Saoudite, tous ont sans aucun doute une même appréciation de l’horreur qu’ils subissent : l’anéantissement et la négation de leur humanité.

Des « animaux humains » ?

Illustration 2
Derrière le mur, l'horreur. © yardrath

C’est en ce sens que parle officiellement Yoav Gallant lorsqu’il déclare la chasse aux « animaux humains » ou ce que pensent les nervis du Hamas lorsqu’ils s’attaquent à des nouveaux nés. Sans doute est-ce la conviction du chasseur « testostéroné » typique des QG militaires, mais c’est faire injure aux prédateurs de la nature qui tuent par nécessité de se nourrir ou de protéger leur progéniture directe. Un animal prédateur ne pense pas un massacre collectif. L’homme, arme dans une main, l’autre sur ses attributs, est bien moins subtile que ça. Si les guerriers et leurs chefs ne se tuaient qu’entre eux, ce serait un mauvais exemple pour la jeunesse, mais ce serait moindre mal pour l’humanité. L’horreur n’a qu’une seule traduction, celle de la négation de la vie de l’Autre, qu’elle soit déversée par des terroristes, des bataillons en uniforme ou des mercenaires. Tous sont des tueurs avérés ou en puissance (masculine), seules les bannières varient, la religion, le nationalisme ou le fric, parfois tout en même temps.

Les tueurs sanguinaires du Hamas déshonorent le peuple palestinien et son droit légitime à vivre en paix et non comme des parias. Comment croire que la branche politique du Hamas, s’appuyant sur des égorgeurs d’enfants et sur la négation du peuple juif, pourra ne serait-ce qu’imaginer une nation en paix ? Du côté d’Israël, effacer le peuple palestinien n’effacera pas l’horreur de la Shoah. Comment croire que les extrémistes israéliens, religieux et/ou suprémacistes, désormais au pouvoir, pourront construire un pays en paix ? Des deux côtés de la muraille, ils veulent créer des théocraties dictatoriales et impérialistes. Les dirigeants israéliens, et seulement eux, veulent aussi faire oublier qu’ils ont favorisé la puissance montante du Hamas au détriment de l’Autorité palestinienne. Un coup à trois bandes où il est plus aisé de faire feu sur un ennemi qui veut vous détruire, le Hamas, que se mettre à la table des négociations avec un ennemi, Mahmoud Abbas, prêt à discuter d’une solution à deux états mais dont Netanyahou ne veut pas entendre parler. Et l’Occident peut avoir mauvaise conscience, d’avoir joué pendant des décennies sur tous les tableaux de la division d’un Proche et d’un Moyen Orient explosifs, au gré des découvertes de pétrole, sans même remonter aux croisades. Le totalitarisme religieux, contre toute interprétation des textes que ces imbus de pouvoir clament comme sacrés, jette sa chape de plomb sur trop de peuples, en particulier dans cette région du monde. « Les valeurs juives ne passent pas par l’obsession de la possession de la terre », clame Dominique Moïsi, fils de déporté et géopolitologue français.4 Alors, pourquoi ne pas la partager ? Et d’accuser : « Il y a eu une dérive du côté israélien qui me paraît incontestable. Vous avez l’entrée au gouvernement de personnalités d'extrême droite dont le comportement est carrément raciste. Ces personnalités n'auraient jamais dû faire partie du gouvernement israélien. »

Biden en appelle au respect du « droit de la guerre ». Mystification !

Un crime de guerre supposerait que la guerre, hors ces crimes soi-disant codifiés par le droit, est éthique. Or il n’y a pas de crime de guerre : la guerre est un crime.

1. Les égorgeurs du Hamas, et tous ceux qui massacrent au nom d’Allah, ont dû rater ces quelques citations du Coran : « Les serviteurs du Très Bon sont ceux qui marchent humblement sur terre et disent : "Paix !" quand les interpellent des ignorants [de la Vérité] » (Coran 3,130 ; 25,63. Cf 13,19-24 etc). Il donne aussi la parole à Luqmân, personnage légendaire antérieur à l’Islam, pour sa sagesse, qui exhorte son fils en disant : « O mon fils ! n’associe rien à Dieu : l’association est une immense iniquité. » Exécuter un massacre d’innocents, qui n’ont eu pour seul tort, surtout les enfants, que de s’être vu attribuer une religion, au nom de Dieu serait donc inique. Plus loin, « Ne méprise pas les hommes et ne marche pas sur terre avec suffisance, car Dieu n’aime pas l’orgueilleux qui se pavane.» (Coran 31,12-14.15-19.). Et c’était bien avant l’internet… Citations tirées de l’article de Guy Monnot, L'humanité dans le Coran. In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 103, 1994-1995. 1994. p 25.

N’oublions pas non plus que l’une des lois inaltérables des Écritures communes aux Chrétiens et aux Juifs est « Tu ne tuera point ».

2. https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-entre-israel-et-le-hamas-rien-ne-justifie-le-massacre-des-innocents-selon-l-imam-de-la-mosquee-de-bordeaux_6119316.html.

3. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/journal-de-18h/journal-de-18h-emission-du-lundi-09-octobre-2023-1453553.

4. https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/attaque-du-hamas-contre-israel-l-humiliation-la-plus-grande-pour-le-gouvernement-le-plus-dur-d-israel-estime-le-geopolitologue-dominique-moisi_6110997.html.

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