Yves GUILLERAULT (avatar)

Yves GUILLERAULT

Paysan et journaliste, tous les deux en retraite active

Abonné·e de Mediapart

111 Billets

1 Éditions

Billet de blog 17 avril 2023

Yves GUILLERAULT (avatar)

Yves GUILLERAULT

Paysan et journaliste, tous les deux en retraite active

Abonné·e de Mediapart

Chef de l’État n’est pas chef du peuple

Surveillance de contrôle social, répression militarisée des protestataires, dévoiement de concepts démocratiques, décisions solitaires engageant le collectif, Macron président, chef de l’État par défaut mais voyant sa fonction comme expression de sa toute-puissance, se veut chef du peuple français. L’État d’un seul chef ne peut être que coercitif et provoquer par réaction le soulèvement du peuple.

Yves GUILLERAULT (avatar)

Yves GUILLERAULT

Paysan et journaliste, tous les deux en retraite active

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Rejoignez un comité près de chez vous © Les Soulèvements de la Terre

Annoncée urbi et orbi, à la ville et à la campagne, au prolétaire et au paysan, une intervention télévisée de plus. Le chef de l’État va sans aucun doute marquer (une fois de plus) son territoire de domination. Au mieux sera-t-il patelin, dissimulant ses intentions sous un ton paternaliste ; au pire sera-t-il cassant, le verbe ciselé pour assujettir ; dans tous les cas, comme depuis six ans, il affirmera au peuple qu’il a décidé, qu’il décidera, qu’on peut en causer, mais qu’il reste général en chef de l’État. Et pour cela, il dispose de forces régaliennes, de bataillons, de légions aptes à faire appliquer ses décisions solitaires et immanentes

Je ne parle pas de ses représentants, élus d’une majorité mineure, qui sont là pour amuser la galerie, faire du en-même-temps à droite et à gauche, mais principalement à droite, sergents recruteurs spécialisés dans le retournement d’élus professionnels guidés par le fumet des arcanes du pouvoir.

Non, l’État est à la fois invisible et omniprésent, organisme vivant et « ectoplasmique », paternel et frappant. Selon Paul Valéry, « [c]est un être énorme, terrible, débile. Cyclope d’une puissance et d’une maladresse, enfant monstrueux de la force et du droit, qui l’ont engendré de leurs contradictions, il ne vit que par une foule de petits hommes qui en font mouvoir gauchement les mains et les pieds inertes et son gros œil de verre ne voit que des centimes et des milliards. L’État, ami de tous, ennemi de chacun… »

Macron, président régnant, connaît parfaitement les rouages de ce monstre froid et sait en utiliser leviers de pouvoir et instruments de contention. Il est chef des armées de fonctionnaires. Il a d’abord un état-major exécutif, son gouvernement, mené à la baguette par sa principale collaboratrice qui n’hésite pas à convoquer au tableau ceux qui font les marioles (Marlène! Éric!). Passons sur les parasites mandatés par le capitalisme, grenouillant dans les cabinets, agents de conseil (pas toujours avisés), de renseignement et de lobbying  : ils sont payés par le péquin contribuable mais n’apparaissent jamais sur la scène de la comédie démocratique sensée légitimer l’action de l’État.

Il a ensuite à sa disposition les légions de l’administration, menées par des centurions triés sur le volet, coreligionnaires d’écoles de l’entre-soi, des hauts fonctionnaires interchangeables mais indéboulonnables, l’œil sur l’indice de la fonction publique, la solde étant essentielle pour tenir les troupes.

Il a également ses brigades d’intervention rapide contre toute atteinte à son autorité, contre toute manifestation d’opposition à sa parole irréfutable. Son exécuteur des basses œuvres, qui rêve d’être président à la place du président, est du genre à aller chercher les mauvaises têtes jusque dans les chiottes, prenant en cela exemple sur un célèbre chef du maintien de l’ordre autocratique russe. Il semble pourtant avoir le même problème d’efficacité de ses troupes. Peut-être par manque d’entraînement puisque ses tireurs d’élite, qui sont censés utiliser leurs armes de guerre sans blesser, comme pour un défilé du 14-Juillet, ratent la plupart du temps leurs cibles : les pilleurs, même pas mal, les porteurs de pancartes, à l’hôpital. À Sainte-Solines, les Brav militaires se sont trompé de cible, arrosant à la sulfateuse le mauvais cortège, le plus festif. « Et putain, mais ils tirent ! Ils sont cons ou quoi ? » hurle le galonné qui a ordonné la charge.1 Plus tard, les communicants de l’Intérieur évoqueront « la fatigue » du petit personnel casqué trop sollicité et qui, au lieu de maintenir l’ordre, sème le désordre. On en parlera aux manifestants blessés dès qu’ils seront sortis du coma.

Le peuple contestataire bouge encore ? On dissout (Soulèvements de la terre), on assèche (LDH), on étiquette « terroriste » à tour de bras tous ceux qui s’opposent, qui prêchent la dissidence à l’ordre imposé, qui crient leur malaise de fin de mois, leur angoisse face à un avenir dans les soutes obscures et puantes du capitalisme macronien et sous les assauts des cataclysmes écologique et climatique.

L’État est une structure de pouvoir qui ne s’est imposée que très récemment à l’échelle de l’histoire des sociétés humaines. Nietzsche voyait l’État comme « le plus froid des monstres froids ». La plus grande mystification du chef actuel de cet État est d’affirmer représenter le peuple et, dans la foulée, prétendre le diriger tout en dispensant ses conventions citoyennes comme des hochets qu’il pense aptes à calmer les colères. Un président qui se pense leader charismatique n’est qu’un autocrate en puissance qui se sert des armes du pouvoir et se moque des outils de l’intelligence collective de ceux qui construisent dans chaque quartier, dans chaque village. L’insincérité de plus en plus criante des élections, qui limitent drastiquement les choix à échéances maîtrisées dans un panel de politiciens professionnels, conduit à une autocratie qui ne dit pas (encore) son nom.

Mais le peuple commence à sentir le poids de ses chaînes, que ce soit celles de l’État policier et interventionniste (états d’urgence, surveillance…) ou celle du capitalisme tout aussi intrusif et violent (captage de vie privée, matraquage et désinformation). Il y a eu les Gilets jaunes, puis l’anesthésie du déconfinement, ressenti comme une pseudo-libération. Mais le foutoir de plus en plus évident du capitalisme mondialisé qui affame et rackette, déstabilisé par un virus puis par le fou du Kremlin, et l’allégeance de plus en plus assumée du gouvernement aux puissants patrons d’une économie de servitude, profondément inégalitaire, ravageuse de notre maison commune, jettent les soutiers de la République dans la rue, sur les boulevards, sur la place des villages, devant les grilles des sous-préfectures, voire dans les champs annexés par les bassines de l’agriculture industrielle.

Alors

VIVE les SOULEVEMENTS DE LA TERRE

Devant les menaces darmanesques, des comités locaux sont en train de se constituer partout dans le pays et se feront connaître le 19 avril, jour de conseil des chefs à l’Élysée. Il y en a forcément un près de chez vous. Soyons solidaires, constituons des nuées, des escouades sans chefs ayant pour seul uniforme la liberté de s’organiser, de créer. On ne dissout pas un soulèvement, un mouvement multicolore et populaire.

Rendez-vous le 1er MAI

Convergeons, multiplions, disséminons, semons des graines de liberté, elles sont résistantes aux lacrymogènes, aux LBD, aux mensonges présidentiels et finiront par fleurir.

1. : https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/04/07/sainte-soline-un-reportage-de-complement-d-enquete-contredit-la-chronologie-officielle-sur-les-violences_6168673_3244.html

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.