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Billet de blog 17 juin 2023

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Je ne suis pas dissoluble, nous ne sommes pas dissolubles

[Rediffusion] Chères élites gouvernantes, ceci est une revendication, pas une lettre de démission. Je suis Les Soulèvements de la terre et le resterai, ils sont notre avenir. Vous pourrez nous effacer des tablettes officielles du ministre de l’Intérieur, mais vous ne pourrez dissoudre ni l’un ni l’autre. On ne dissout pas un mouvement populaire, écologique, paysan et prolétaire dont je revendique faire partie.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ancien paysan, je souffre de voir les paysans mis sous dépendance, humiliés par l’agro-industrie, par le patronat et les grands propriétaires de la FNSEA, par la caste des boutiquiers et maquignons de la grande distribution, des paysans rackettés par des multinationales déguisées en coopératives agricoles.

Je souffre de voir la terre, autrefois vivante et nourricière, mourir sous mes yeux, être stérilisée de force par l’industrie chimique, par le béton de Lafarge, le bitume de Vinci ; être privée des éléments climatiques, qui lui sont consubstantiels, par des chapes de panneaux photovoltaïques ; être dénaturée par les rejets des usines qui sortent à la chaîne des animaux-machines et une viande marquée par la torture.

Je souffre de voir des jeunes (ou moins jeunes) paysans sans terre, désespérés de ne pas vivre leurs rêves d’être utiles aux autres, démunis face à la spéculation foncière des grands propriétaires, des collectivités, rançonnés par les banques.

Je souffre de constater la mise sous administration et surveillance de technocrates (le tandem FNSEA-ministère de l’Agriculture, une commission européenne non élue) d’un métier qui a vocation à nourrir la population, à cultiver, enrichir, sauvegarder la biodiversité.

Je souffre d’avoir vu, vécu, la disparition des paysages bocagers, poétiques, emplis d’humanité affairée, de diversités agraire et animale, d’avoir observé ces terroirs rongés par les hangars commerciaux, les lotissements sans âme, les entrepôts d’Amazon.

Je souffre de ces printemps de plus en plus silencieux, de ces jardins sans butineuses et papillons colorés, sans hérissons discrets, de ces champs sans renards futés et alouettes musiciennes, de ces fossés et talus grouillants de vie et de fruits disparus.

Je souffre de devoir regarder chaque ruisseau, lorsqu’il n’est pas à sec, comme charriant une eau potentiellement dangereuse pour ma santé, celle de mes animaux de compagnie ou de la faune sauvage ou nourrissant des marées d’algues vertes en décomposition, mortelles.

Je souffre de voir des villages, des paysages, des ports momifiés par l’industrie touristique du selfie et de l’« instagramable », l’immobilier préempté par des plateformes de location, par les marchands du temple de la consommation plastifiée et connectée.

Violences systémiques et souffrances partagées

Cette souffrance, je la partage avec des dizaines de milliers d’êtres sur ce territoire, des anciens isolés dans des campagnes massacrées et vidées de leurs services publics et de leurs forces vives aux classes prolétaires parquées dans des banlieues bétonnées en passant par les habitants des villes de province, qui y vivent et y travaillent, mais qui ne peuvent plus s’y loger face aux spéculateurs, aux résidences secondaires et bourgeoises et aux juteuses locations saisonnières.

Toute cette souffrance a pour origine les violences d’un système dominant qui assujettit par son pouvoir administratif, réprime par ses décrets iniques et ses forces de police militarisées, intoxique par l’intermédiaire d’une société de consommation, nourrie par une croissance sacralisée, infantilisée par sa propagande communicationnelle et son marketing comportemental.

Comme un Poutine accuse les Ukrainiens des violences et tortures que ses propres troupes infligent aux populations civiles, ce gouvernement et son exécuteur des basses œuvres, accusent de violences les victimes d’un système qu’ils cautionnent et soutiennent avec de l’argent public et force de lois votées par un régiment d’élus aux ordres. Des gouvernants qui deviendront probablement des conseillers et autres advisor chèrement payés de ce même système, retraite très spéciale empochée, leur mandat terminé.

Non, messieurs Macron et Darmanin, la violence illégitime est du côté du système capitaliste, libéral, sans éthique, que vous protégez, dont vous êtes complices. Le désarmement de projets écocidaires, déshumanisants, prédateurs de ressources communes, est un acte de LÉGITIME DÉFENSE.

Lorsque vous envoyez des troupes surarmées face à des manifestations populaires, légitimes, qui défendent ni plus ni moins que leur survie dans un monde dévasté par vous et vos coreligionnaires, par le système que vous soutenez, vous êtes à l’origine des violences. Dans les années et les décennies qui viennent, Nous le peuple, auront besoin d’eau et de terres encore fertiles pour survivre sans être rackettés par les marchands, industriels et spéculateurs de vos amis.

Les agissements violents ne peuvent être attribués aux Soulèvements de la terre, qui n’est pas une organisation selon vos critères mais un mouvement, un réseau, un collectif sans têtes ni hiérarchie, diffusant et solidarisant dans les couches populaires de tous les territoires.

Et puis, Monsieur Darmanin, vous qui avez bien du mal à condamner, encore plus à contenir et réprimer, les violences, physiques et virtuelles, de l’extrême droite, à bloquer les incursions commandos qui perturbent les manifestations syndicales, qui couvrez les violences policières, avez-vous la légitimité nécessaire pour nous qualifier d’écoterroristes ?

Allez-vous dissoudre l’intersyndicale prétextant des violences et dégradations collatérales aux manifestations pacifiques contre la réforme des retraites ? Je ne doute pas que vous y pensiez en vous rasant le matin. Mieux, allez-vous demander la dissolution du cimentier Lafarge qui a financé la violence d’un groupe terroriste en Syrie ? Ou d’autres grandes entreprises (armement, multinationales…) qui cautionnent, utilisent la violence contre des populations innocentes : travail forcé (Ouïghours, enfants…), expropriation de petits paysans et peuples premiers, spoliation de toutes ressources « marchandisables », pollutions planétaires…

Vers un décret-baillon ?

Chères élites gouvernantes, comme vos prédécesseurs, vous protégez les intérêts privés et prédateurs contre les nécessités communes du peuple que vous dominez. Vous privilégiez votre caste, vous imprimez un rythme court-termiste pour assurer vos victoires dans le grand cirque électoral et votre domination lors de votre prochain mandat au rabais. Vous ignorez superbement, du haut de votre échelle sociale, l’avenir compromis de ces jeunes qui, pris de peur, se mobilisent contre votre pouvoir de nuisance, soutenus par des beaucoup moins jeunes comme moi.

Cher Monsieur Darmanin, vous pourrez peut-être nous pondre un décret-bâillon, avec le même objectif que ces procès-bâillons intentés par des milliardaires comme Bolloré. Mais vous n’étoufferez pas les cris d’un peuple révolté par les répressions violentes, les lois imposées autoritairement, l’appauvrissement et l’humiliation des derniers de vos cordées, la privation d’autonomie et de liberté.

Les Soulèvements de la terre vivront, sous ce nom ou sous un autre, car ils sont légitimes.

Salutations libertaires

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