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Billet de blog 20 juillet 2025

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On leur a bien plombé le week-end

Laurent Duplomb, Arnaud Rousseau, Annie Génevard, le trio infernal, fer de lance de l’agriculture industrielle, a dû ronger son frein tout le week-end en voyant le compteur de la pétition contre leur loi non démocratique, toxique et destructrice s’affoler. D’une jeune étudiante exprimant son angoisse d’un avenir empoisonné, nous serons bientôt un million à rejeter leur monde.

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Ils ne l’ont pas vue venir cette révolte silencieuse : une pétition anonyme s’achemine vers le million de signatures pour protester contre leur loi qui vise exclusivement à ultralibéraliser leur monde agro-industriel. Elle ne cassera pas immédiatement la course autoritaire et nuisible des chars de l’agriculture industrielle ‒ ils ont profité d’un certain chaos institutionnel pour faire passer aux forceps leur texte législatif mortifère.

Mais cette pétition signée par des centaines de milliers d’anonymes est désormais comme l’Homme de Tien’ Anmen, debout avec son sac de provisions, face à une colonne de chars. Fragile face au pouvoir capitaliste mais tellement forte dans le symbole.

Bien que prise en compte par le législatif et malgré son caractère inédit sous la cinquième République, elle ne pourra prétendre à un nouveau vote des parlementaires, ce que certains parmi eux regretteront peut-être dans l’optique et la crainte de possibles législatives ou même des municipales.

La Conférence des présidents de groupes de l’assemblée nationale, seule apte à décider de la suite à donner à cette pétition, ne devrait pas faire l’affront de refuser un nouveau débat, même s’ils se lanceront certainement dans des manœuvres dilatoires.

On peut avoir plus d’espoirs dans le recours présenté devant le Conseil constitutionnel qui pourra soupeser dans la balance de la Constitution la démarche acrobatique et peu démocratique pour faire passer la loi Duplomb, avec la réaction populaire massive et spontanée, ainsi qu'avec les conséquences écologiques et sanitaires sur le pays d’une éventuelle application de cette loi.

Interrogé dimanche matin sur sa réaction face à cette mobilisation populaire massive, Laurent Duplomb restait d’un aplomb condescendant : « Ça ne m'inspire pas grand chose, ça veut dire que l'opposition s’exprime»1 Porte-voix de la FNSEA et de la droite dure, version Wauquiez, il est l’archétype de l’exploitant agricole pion de base de l’agriculture industrielle : plus de 200 hectares dans le département justement cher à Wauquier, une bonne centaine de vaches, des robots de traite dernier cri,2 le sénateur Laurent Duplomb ne fait aucun mystère de ses ambitions dogmatiques.

Bien entendu, la réponse médiatique de ce genre de personnage va être de tenter de diviser pour casser la dynamique populaire et la mobilisation politique d’opposition qui ne manquera de s’y raccrocher : les écologistes veulent mettre l’agriculture à genoux en la privant d’outils qu’ont ses voisins et concurrents européens. Une simplification extrême pour esprits simples.

Une pétition populaire qui va au-delà des milieux militants

D’abord, il n’est pas certain qu’il y ait un million de militants écologistes dans le pays, plutôt des populations habituellement silencieuses ou circonspectes qui s’inquiètent désormais pour leur santé, celle de leurs enfants, pour leur environnement dans un contexte climatique de plus en plus angoissant et destructeur (voir les incendies actuels) et qui s’interrogent de plus en plus sur le contenu de leur assiette. « L’acétamipride est autorisée dans 26 pays sur 27 en Europe », poursuit le sénateur.

Il est paradoxal que la FNSEA mette en avant la supposée exception qualitative globale de la production agricole française tout en repoussant encore plus les limites de l’élevage industriel et en réclamant les mêmes armes chimiques que des pays peu regardants sur les conséquences de l’agriculture industrielle sur leur population paysanne et leurs terres, accaparées par des oligarques ou des fonds financiers privés ou étatiques.

L’agriculture française de la FNSEA sait aussi produire de la bouffe indigeste, pour ne pas dire délétère pour l’environnement, pour la santé des Français, voire pour la santé psychique et financière de nombre de ses membres enferrés dans une logique d’ubérisation du métier.

Ensuite cette pétition ne s’attaque pas « au monde agricole », une manière de tenter de matérialiser l’affrontement fantasmé entre deux pans de la population. Le monde agricole est loin d’être homogène et les partisans de la loi Duplomb ont aussi à affronter le peuple paysan, notamment celui de la Confédération paysanne, mais aussi des non-inscrits, qui tentent de survivre face à l’appétit de terres dévorant des membres de la FNSEA ou de leurs alliés financiers et politiques.

Les signataires de la pétition se battent plutôt contre un système profondément ancré dans une alliance entre le capitalisme agricole de la FNSEA et une caste politique assujettie aux lobbies électoraux et aux intérêts économiques et financiers du capitalisme en général. Un système profitable et monopolistique qui s’est imposé entre la ressource agricole et l’assiette du citoyen, entre le paysan et le consommateur, sur un élément vital : l’alimentation.

Les signataires de la pétition font, sans aucun doute, la distinction entre ces mondes agricoles, ne serait-ce qu’à voir leur enthousiasme à rencontrer des paysans producteurs sur les marchés ou dans les opérations de fermes ouvertes. Et les visites en Beauce ou dans les usines à porcs ou poulets ne sont pas les plus prisées, lorsqu’elles existent.

L’Europe quand ça les arrange

Le sénateur Duplomb contre-attaque en intimant les signataires à « accepter les règles du jeu européennes » qui n’ont pas encore interdit l’acétamipride, les méga-bassines, les méga-projets d’élevages industriels… Encore un aplomb déconcertant et une mauvaise foi pour un politique, membre du lobby de la FNSEA qui a été très agressif pour saper méthodiquement les règles ou projets de règles visant à verdir la politique européenne, le Pacte vert (Green deal).

Avec succès puisque le volet agricole a été en grande partie gelé ou est en régression, avec la bienveillance de la très droitière Ursula qui invoque bien entendu une posture « pragmatique et réaliste » qui signifie que l’on continue comme avant, qu’on capitule face aux lobbies et qu’on ignore la détresse des Européens pris dans la spirale des catastrophes climatiques et des scandales sanitaires de l’agroalimentaire.

« Au moment où le continent fait face à des températures extrêmes, la Commission européenne a entrepris d'affaiblir plusieurs politiques écologiques majeures, sous la pression conjointe des États membres, de la droite et de l'extrême droite», note lemonde.fr (3/07). Encore un projet plombé par monsieur le sénateur Duplomb et ses acolytes politiques. A-t-il également influencé le Brésil du président (de gauche) Lula qui vient de voter une « loi de simplification » jugée « dévastatrice » pour l'environnement (lemonde.fr, 18/07). et qui laisse la part belle à un puissant lobby de l'agriculture industrielle qui tient le pouvoir d'un Lula vieillissant entre ses mains avides ?

Exploitants et exploiteurs de tous les pays...

1. https://www.franceinfo.fr/environnement/transition-ecologique-de-l-agriculture/pesticides/petition-contre-la-loi-duplomb-il-y-aura-surement-un-debat-organise-a-l-assemblee-pour-dire-ce-qu-on-a-dit-pendant-six-mois-s-agace-le-senateur-laurent-duplomb_7388263.html.

2. https://www.politis.fr/articles/2025/05/politique-portrait-laurent-duplomb-agriculteur-senateur-fnsea/.

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