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Billet de blog 24 juin 2024

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Les marques de l’infamie

Derrière leurs maîtres policés, les chiens sont lâchés. Les chiens haineux du racisme, de l’homophobie, de la xénophobie, de l’anti-féminisme. Ils apposent les marques de l’infamie sur ceux qui ne rentrent pas dans leurs standards néofascistes, les mêmes que leurs aînés. Le programme du RN n’est rien moins qu’un classement de l’humanité avec ses ignobles marqueurs.

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Discrimination © Gustave Deghilage

« La meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples », Machiavel

Jupiter, seul à décider du haut de son donjon élyséen, ne pouvait ignorer les risques pris en appuyant sur le bouton rouge de la dissolution. L’artificier en chef a mal calculé la charge et la déflagration fait tomber les derniers barrages qui endiguaient, avec déjà de nombreuses fuites, la vague brune. Sans attendre la prise de pouvoir de leurs maîtres costumés, les chiens racistes, xénophobes, anti-féministes, homophobes, identitaires, voire suprémacistes, sont lâchés dans villes et campagnes (voir ici, ici, ici, ou ou encore ), portant la flamme nationaliste, mais aussi parfois l’écharpe tricolore ou l’uniforme. Et ils commencent à distribuer les marques d’infamies comme furent, à une époque tragique de notre histoire, apposées les étoiles jaunes, les triangles roses, noirs, marrons, rouges…1 Les non chrétiens et les athées, les LGBTQIA+ et les prostituées, les « asociaux » et les féministes, les Gens du voyage et les immigrés, les gauchistes et les éco-terroristes et même les bi-nationaux… les pros de la com du RN vont avoir du boulot pour classer tout le monde dans les bas fonds de leur politique d’exclusion. Il ne suffit pas d’être français, encore faut-il avoir les attributs de la « race » qu’ils fantasment, selon les critères édictés par les fondateurs du Front/Rassemblement national, des nostalgiques de l’ordre nazi, du pétainisme, de l’OAS, la plupart issus du mouvement néofasciste Ordre nouveau. Tout ce beau monde a appris des nazis l’art de classer, trier ceux qu’ils considèrent comme des sous-humains. Cela s’appelle la « préférence nationale », inscrite sur le drapeau du RN. Lorsque Mussolini, idolâtré par Giorgia Meloni, crée le fascisme, il instaure un régime hiérarchisé s’appuyant sur un État sécuritaire, l’exaltation du sentiment nationaliste, une politique réactionnaire ainsi que le respect des structures capitalistes. Le RN de 2024 nous parle de sécurité, de combattre l’immigration, de préférence nationale avec tout ce qu’il faut d’ambiguïté pour ménager le patronat. Comme Mussolini, le RN n’omet pas le volet social en appâtant les classes populaires avec des promesses de pouvoir d’achat. Souvenons nous que, durant la république de Salo (1943-1945), le programme du dictateur fasciste avait été écrit par Nicola Bombacci, père fondateur du parti communiste italien.

Macron hurle avec la meute

Malgré ces sombres perspectives, malgré la désintégration de la droite et du centre devenus ventre mou de l’arc républicain, Macron continue de hurler avec la meute contre le Nouveau Front populaire qui tente de renaître de ses cendres. Jupiter a bâti son pouvoir sur une majorité sous forme de conglomérat plus affairiste qu’idéologique, de mercenariat au sein de la politique professionnelle, d’assujettissement à la puissance économique et financière. Stratégiquement, il s’est convaincu qu’il pouvait rejouer, à chaque élection, un 21-avril-2002 en misant sur l’extrême droite contre la gauche et la droite de gouvernement qu’il n’a cessé d’affaiblir. À l’époque, Jospin était tellement rose pâle qu’il n’était plus crédible en opposant au libéralisme, ce qui avait propulsé Le Pen père au second tour et Chirac à l’Élysée.

Mais en lançant sa grenade de désencerclement politique, Macron a désintégré sa légion du en-même-temps qui ne sait plus où se mettre à l’abri. Aujourd’hui, l’ancien banquier a plus à perdre à bâbord qu’à tribord. Derrière son épaule, soufflent les grands patrons, tétanisés face au programme progressiste de la gauche, un programme de rupture. Si on peut se douter que le grand patronat et le capitalisme financier mettront toute leur puissance pour faire barrage au Nouveau Front Populaire et se mobiliseront pour assécher son programme socio-économique, ils auront beaucoup moins de mal à pactiser avec l’extrême droite, au nom de la souveraineté de notre grand et beau pays, du patriotisme économique, tant que ça n’entrave pas le bizness et l’optimisation fiscale. Le monde des grands patrons sait composer avec l’occupant (politique) tant qu’il n’est pas descendant des bolcheviques.

Jouer à la roulette fasciste

Illustration 2
Les chiens sont lâchés © Tuomas Saloniemi

Du côté du peuple, des électeurs en perdition, on est prêts à jouer à la roulette fasciste, pensant qu’il n’y a plus rien à perdre. « Il faut essayer pour voir », « on n’a pas encore essayé, alors pourquoi pas ? » Des affirmations lancées comme des boutades lors d’une soirée entre potes. Comme si les trois mots gravés sur les frontispices des mairies et l’invention française de la Déclaration des droits de l’homme, nous protégeaient des conséquences d’un pari perdu. Comme si ça ne pouvait pas être pire, alors qu’on vit dans un des pays les plus riches de la planète. Essayer l’extrême droite fascisante ? Sans parler de l’Occupation (1940-1944), l’extrême droite, le fascisme, historique ou nouveau, ont depuis été expérimentés, de l’Espagne (Franquisme, 1936-1977) à la Grèce (dictature des colonels, 1967-1974), de l’Argentine (1976-1983) au Chili (Pinochet, 1973-1990) en passant par le Portugal (Salazar, 1933-1974), ce qui n’exonère pas les dictatures se proclamant communistes ou post-communistes.

Essayer le RN, c’est abdiquer nos libertés de dire et de penser, d’aimer qui on veut. Aucun régime démocratique ne peut se permettre d’imposer un programme nationaliste et discriminatoire sans une forte dose d’autocratie à la Poutine, pas même dans la patrie des droits de l’homme. Pour appliquer ses idéologies conservatrice, nationaliste, discriminatoire, le RN aura obligatoirement recours à la répression, à la censure, aux marquages infamants de l’exclusion, au révisionnisme permettant d’imposer un roman national à sauce. Les historiens ? Tous des gauchistes. Marine Le Pen au pouvoir pourra s’inspirer de son pote Poutine pour désigner les « agents de l’étranger », de son ami Orbàn pour faire taire les voix « déviantes » de la presse libre, de Javier Milei pour manier la tronçonneuse et vendre aux plus offrants les bijoux de la République comme l’audiovisuel public. Jordan Bardella à Matignon se chargera de caresser leur électorat dans le sens du poil, d’ici à la prochaine présidentielle, dont on ne sait si elle interviendra en 2027 ou avant. On peut cauchemarder plus loin dans l’effroi avec les nervis du GUD à l’Intérieur, Dieudonné à la Culture, Soral à l’Information, tandis que les généraux signataires du brûlot du 21 avril 2021 dans la publication d’extrême droite Valeurs actuelles, prennent d’assaut l’état-major des armées. Les fantassins de l’idéologie d’extrême droite sont déjà largement infiltrés dans les rangs des troufions et des forces de l’ordre et de répression.

« C’est maintenant qu’il faut être responsable », a clamé Macron au milieu d’un concert de la Fête de la musique dans la cour de l’Élysée, au pied de son donjon, on n’est jamais trop prudent. Bien entendu, il ne parlait pas de lui et du fait qu’il vient de jouer notre avenir sur un coup de dés.

 Le système représentatif et le cadre rigide de la Ve République étant ce qu’ils sont, nous imposent, dans l’immédiat, de dresser les barricades du vote Nouveau Front Populaire pour sauver ce qui peut l’être et se convaincre que la colle tiendra. Et si le RN accède au pouvoir le 7 juillet au soir, notre responsabilité, M. Macron, sera de désobéir, de dresser d’autres barricades, de construire d’autres ZAD, de passer par la clandestinité des résistants et faire triompher la liberté, l’égalité et la fraternité.

Illustration 3
Les marques de l'infamie © jef Safi

1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_de_marquage_nazi_des_prisonniers.

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