« Le réchauffement climatique, c’est la plus grande arnaque jamais menée contre le monde » a lancé Donald à la tribune de l’ONU qu’il méprise, ajoutant : « Toutes les prédictions étaient fausses, elles ont été faites par des idiots », jeté cette fois à la face des milliers de scientifiques qui étudient ce phénomène menaçant l'humanité. Pour sûr, M. Donald, les États-Unis et Mar-a-Lago sont à l’abri du bazar climatique, comme l’Europe de l’Ouest était à l’abri des retombées de Tchernobyl. Et son mensonge devint vérité, car retransmise par l’info instantanée et mondialisée. Pas une vérité virtuelle ou alternative, comme il était courant de la décrire à son entrée en politique. Celle d’aujourd’hui s’écrit à coups de décrets qui détruisent méthodiquement les vies humaines (santé, expulsions des migrants…) et les connaissances (réchauffement climatique, environnement, sociales…) qui ne lui siéent pas.

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Donald Trump se prend pour Dieu et veut imposer à l’humanité, rien de moins, qu’une idéologie religio-capitalo-fasciste, puisque invoquant la protection divine, la primauté des rapports lucratifs, le tout enrobé d’un régime autoritaire. Entouré d’une bande de nervis, illuminés d’une ignorance crasse, sectaires et aux discours d’une grande violence, il efface ainsi le Siècle des Lumières qui a sorti l’humanité de l’obscurantisme des croyances et de la soumission aux clergés, administrateurs de ces mêmes croyances. Celui qui se comporte comme un propriétaire à la Maison-Blanche rebouche les puits de connaissances et s’assoit dessus, le club de golf lui servant de sceptre. Pour ancrer cette régression dans la société, il exige une mise au pas cadencé (de l’oie ?) des médias libres, de l’éducation, de la justice, des oppositions d’où qu’elles viennent, des écologistes terroristes, d’une manière générale de tout ce qui pourrait faire émerger une vérité qui n’est pas la sienne. On ne contredit pas la parole divine. Donald Trump, dont on ne peut pas dire qu’il respecte les préceptes bibliques à la lettre, se conforme aux desiderata de sa base électorale ultra conservatrice et religieuse, dans la lignée de nombre de présidents américains qui se réfèrent invariablement à Dieu dans leurs discours et prestations de serment. Pourtant, l’article VI de la constitution états-unienne stipule qu’« aucune profession de foi religieuse ne sera exigée comme condition d’aptitude aux fonctions ou charges publiques sous l’autorité des États-Unis ». Nulle part dans le texte suprême il n’est fait référence à Dieu.
Trump touché par la grâce divine ?
Trump était loin d’être touché par la grâce divine lorsqu’il s’affichait avec Epstein, fréquentait les escorts ou qu’il se vantait publiquement « d’attraper les femmes par la “chatte” », un chaud lapin devant l’Éternel. Mais depuis qu’une balle vengeresse lui a caressé le lobe de l’oreille, il se prétend miraculé et sous protection divine, protection qui s’étend désormais à toutes ses décisions autoritaires, irrationnelles, violentes, racistes, méprisantes. Malgré son passé de grand pêcheur, le lobby évangélique a très largement participé à son élection dès son premier mandat, et votant pour lui à 84 % en 2020 (les évangéliques sont estimés à 30 % de l’électorat). Aujourd’hui, dans le sillage de Trump, c’est un ordre moral dicté par le protestantisme évangélique, qui n’est pas réputé rénovateur, qui s’applique et s’insinue dans tous les domaines de la vie sociale, limitant les libertés aux préceptes de la Bible, ouvrage incontournable, de la prestation de serment présidentiel aux tables de nuit des chambres d’hôtel en passant par les tribunaux. Ce lobby religieux est à l’origine du recul spectaculaire du droit à l’avortement ¹ ‒ la contraception est aussi dans leur viseur ‒, des droits des minorités sexuelles avec censure et autodafés des ouvrages en faisant mention, ou encore de l’irruption des créationnistes dans les programmes scolaires, vouant aux oubliettes le darwinisme. Ils font une lecture littérale de la Bible, comme les islamistes font une lecture littérale du Coran.

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« Le lobbying des “évangéliques” menace les droits humains », titrait Amnesty International dans un reportage de 2022.2 « Ils ont investi la scène politique pour contrecarrer des avancées sur le plan des droits humains », affirme l’ONG. . « Les évangéliques blancs apparaissent comme le groupe le plus facilement réceptif aux absurdités conspirationnistes, le plus méfiant vis-à-vis de leurs adversaires politiques, et le plus agressivement anti-intellectuel. Une grande partie de ce qui distingue l’évangélisme américain n’a rien à voir avec la foi chrétienne », écrivait déjà en 1994 l’historien Mark Noll, repris par Amnesty.3 Quant aux écarts de Donald, peu compatibles avec la rigueur protestante, Ralph Reed, porte-parole de l’évangélisme et leader du parti républicain en Géorgie, les absout ainsi : « Jésus s’est allié à des messagers imparfaits, et Trump est un messager imparfait ». Amen.
Docteur Trump et monsieur blanc
Les délires du 47e président des États-Unis seraient risibles s’il n’était à la tête de la première puissance économique et militaire du monde. Et qu’il règne sur la vie et la santé de centaines de millions de personnes sur toute la planète. On se souvient qu’il proposait de boire de l’eau de Javel pour tuer le virus du Covid-19.4 Il n’a pas proposé d’expérimenter ce remède radical sur lui-même, par pédagogie, mais l’a tout de même déconseillé pour les bambins. Il y a peu, le « docteur » Trump a conseillé ‒ mais chez lui, un conseil s’apparente à un ordre divin ‒ de ne pas donner du paracétamol aux femmes enceintes et aux nourrissons parce que ça provoquerait l’autisme chez les enfants.5 Ceci en vertu d’une « rumeur » issue de la surinterprétation d’une étude douteuse dénoncée par la communauté scientifique et l’OMS. L’inénarrable Robert F. Kennedy Jr, son ministre de la Santé, qui a avoué publiquement s’être fait « manger » le cerveau par, successivement, l’héroïne, un ver et une intoxication au mercure, a montré toute sa défiance et son mépris de la chose scientifique et du raisonnement rationnel en accréditant nombre de théories conspirationnistes. 6 Le politologue américain Matt Motta estimait que malgré des parcours différents, il partageait avec Trump « une rhétorique anti-intellectuelle partagée, qui repose sur cette idée que les scientifiques sont des personnes motivées politiquement et qu’on ne peut pas leur faire confiance ».6 Depuis sa nomination, qui a paniqué le monde médical, il déroule ses interventions fumeuses sur les origines de l’autisme et dézingue tous les programmes de vaccination qui ont permis, depuis Pasteur, d’éradiquer nombre de maladies infantiles handicapantes, voire mortelles. Dans une tribune au Monde, l’historien Gaëtan Thomas dénonce « la dangereuse passivité des contre-pouvoirs aux États-Unis face aux décisions de l’administration Trump en matière de santé publique. » Mohammad S. Jallali et Zeynep Hasgül, professeurs à Harvard, « les coupes envisagées dans la recherche médicale [pourraient avoir] des répercussions pendant des décennies. » (The Conversation, 25/09). Les pays du Sud, où l’Usaid 7 intervenait, sont les premières victimes, mais les petits Américains ne perdent rien pour attendre puisque les vaccinations infantiles sont sur la sellette. Les programmes de prévention du sida, du paludisme et autres ont été, au mieux, fortement réduits, plus souvent supprimés.
Trump efface d’un gros trait de feutre noir le Siècle des Lumières

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D’une manière générale, Trump et son administration, désormais aux ordres du divin président, mettent sous l’éteignoir la connaissance, les sciences, le raisonnement, pour imposer l’obscurantisme religieux, les croyances, les thèses complotistes et les délires fascistes, racistes, misogynes, suprémacistes (et plus si affinités) d’influenceurs propagandistes. Gouvernant par décrets, menaces, oukases, procédures baillons, Trump efface d’un gros trait de feutre noir le Siècle des Lumières européen, celui qui a vu la raison triompher de l’obscurantisme religieux, mais aussi les connaissances des autres cultures, jugées inférieures à la culture américaine. Il ne se contente pas de les rejeter, il veut imposer au monde son « art » du deal et les fondements économiques et culturels de l’Amérique, basés sur le dollar et le pétrole. Sa prise de pouvoir par les urnes, mais avec désormais une dérive autocratique et impériale, sur la première puissance mondiale et sur une partie du reste du monde (droits de douane) donne désormais des ailes à tous les autocrates en germes, étalant leur allégeance à la cravate rouge de leur mentor. Milei, Orbán, Fico (ces deux derniers étant par ailleurs supporters énamourés du dictateur Poutine), peuvent se pousser du col, moins seuls, adoubés par le maître de la Maison-Blanche. Dans la même logique, Trump et ses affidés montrent toute leur affection aux leaders d’extrême droite européens, même les plus violents, tout en insultant les élus qu’ils considèrent « woke », comme le maire de Londres.
En France, les nouveaux croisés profitent du trumpisme
En France, les nouveaux croisés, portant costard-cravate, sortent de sous les soutanes du clergé pour, là aussi, éteindre les Lumières. Pas de gros feutre noir pour rayer les libertés, mais des gros paquets de millions d’euros pour s’imposer comme délégataires de leur Dieu auprès des pauvres égarés que nous sommes. Avec le même programme que Trump, même s’ils tentent d’être plus discrets. D’abord en rachetant des médias à tour de bras et diffuser les voix sacrées de leurs évangiles ultra-conservateurs. Les plus réactionnaires, Bolloré et Stérin, bien que catholiques, se délectent de la parole évangélique d’Outre-Atlantique et l’admirent. La Saint-Barthélémy n’est pas à l’ordre du jour. Comme l’écrit le Canard Enchaîné (24/09) et comme dans le monde MAGA*, les médias de la galaxie Bolloré (Cnews, le JDD, Europe 1) partent « en croisade pour une “liberté d’expression” très orientée. Inspirés par Trump, ils utilisent une mécanique bien huilée pour mener une chasse aux sorcières contre leurs adversaires. » Arnault (une dizaine de médias économiques dont bientôt Challenge tandis qu’il pourrait refiler Le Parisien à Bolloré), Saadé (BFMTV, RMC, Brut, La Tribune…), Niel (Le Monde, Médiawan, groupe Nice-Matin...) sont dans leur sillage, même si les motivations religieuses sont ici moins importantes que leur influence politique pour le bien de leur bizness et leurs juteux bénéfices et que le ton s’y veut plus capitaliste.

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Autres secteurs stratégiques pour conquérir le pouvoir, s’infiltrer dans l’éducation et la culture. Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Guillaume Prévost, s’est déjà senti suffisamment encouragé pour soutenir « qu’un enseignant du privé sous contrat devait pouvoir faire une prière en début de cours ».8 Les élèves non croyants ou d’une autre confession pourront-ils bouquiner Karl Marx pendant ce temps ? L’enseignement catholique laisse aussi planer le doute sur la réalité de l’application du programme d’éducation à la sexualité, revendiquant le « maintien de son projet singulier », entendre différent de celui de l’Éducation nationale. De leur côté, les évangéliques font florès depuis quelques années dans l’hexagone et pourraient bien tailler des croupières aux catholiques dans leur dynamique d’influence.9 Une nouvelle génération de rappeurs croyants « entre esthétique urbaine et punchlines bibliques » fait irruption dans un paysage musical plus habitué aux provocations graveleuses et au fric clinquant qu’aux dix commandements. « Je compte sur Dieu pour qu'il m'aide. Évangéliser on va le faire », scande le rappeur belge JD Imrah.10
Les biznessmen du conservatisme culturel fictionnel investissent dans le spectacle vivant. Ils travaillent à la réécriture d’un roman national conforme à leur idéologie, mais (très) loin des travaux des historiens et autres scientifiques. Un de leurs outils de propagande est la multiplication des spectacles « historiques » hauts en couleurs pastiches, dans la lignée du Puy du Fou de l’agité du bocage, Philippe de Villiers.11 Le créationnisme appliqué à la nation française n’est pas loin. Fuyant les projecteurs inamicaux, Bolloré et Stérin s’appuient pour l’avenir sur les porte-voix de l’extrême droite, de Zemmour à Le Pen, en passant par Marion Maréchal et Éric Ciotti. Avec pour objectif de les porter sur le trône élyséen selon le plan de croisade du projet Périclès de Stérin.12 Les intellectuels du Siècle des Lumières risquent le bannissement de l’Histoire ou, pour le moins, s’exposent à une réinterprétation alternative de leurs œuvres. Les lumières qu’ils ont allumées sont bien fragiles face aux vents mauvais des religions et des néofascismes.
Une idéologie réactionnaire qui survivra dans les tuyaux de l’IA
S’il existait une Providence, soit « le sage gouvernement de Dieu sur la création », elle devrait conduire à la déchéance de ce « messager [par trop] imparfait » qu’est Donald Trump. Faudrait-il que les contre-pouvoirs soient encore opérationnels ou que les élections à venir ne soient pas entachées d’opérations d’influences massives. Pour autant, contrairement à l’insipide et impopulaire macronisme, l’idéologie trumpiste et populiste alimentera encore durablement les lignes de fractures de la société américaine et restera influente dans le reste du monde. Les mensonges institutionnalisés et infos vérolées répandues par Trump (par ailleurs propriétaire d’un réseau social et soutenu par ses obligés de la tech’) contaminent l’intellect humain avec une arme de propagation massive, l’intelligence artificielle (IA), dont on sait qu’elle se nourrit d’elle-même avec les tares de la consanguinité, alors qu’elle propage de fausses informations et qu’elle se laisse influencer par des centaines de sites de fausses informations générées… par IA. Autrefois, c’était vrai parce que c’était « vu à la télé ». Aujourd’hui, c’est vrai parce que l’IA le dit. En oubliant que, derrière réseaux sociaux, algorithmes et IA, il y a des prédateurs comme Musk, Zuckerberg, Bezos… porte-flingues du Trumpisme et plus généralement assujettis aux volontés non négociables des dictateurs et autocrates pour le seul bien de leurs affaires (censure). Les transnationales américaines du numérique font bizness de la captation de notre attention, avec un raffinement technique qui force l’admiration, tandis que l’IA et les algorithmes redessinent notre environnement informationnel, nous gardant dans les clous de leurs objectifs économiques, désormais étroitement liés au trumpisme.13 À moins qu’Emmanuel, Sébastien, Ursula et les autres ne s’en mêlent. Mais n’est pas Vladimir ou Jinping qui veut pour mettre ces géants au pas.
Est-ce que quelqu’un peut rallumer les Lumières ?

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Nota : le Siècle des Lumières a été une rupture culturelle pour l’Europe, passant d’une société de la croyance à une société de la connaissance, couvrant le XVIIIe siècle et se concluant par la déclaration d’indépendance des États-Unis et la Révolution française. Ce Siècle des Lumières n’est toutefois pas à prendre d’un seul bloc et comporte, selon les acteurs de l’époque, des ambiguïtés, sur l’esclavage par exemple, ou des conséquences lourdes de conséquences, notamment le triomphe de la bourgeoisie, de l’individualisme et de son étendard, la propriété. Il se conclura par la naissance d’Adam Smith, théoricien du capitalisme moderne en pleine germination. Mais il nous donnera les armes critiques nous permettant aujourd’hui, tant bien que mal, de nous battre contre les idéologies à la Trump ou à la Stérin.
*MAGA : Make America Great Again, le mouvement très à droite soutenant Trump.
1. L’annulation par la Cour suprême américaine de l’arrêt Roe vs. Wade de 1973 a mis fin à la garantie du droit à l’avortement dans le pays.
3. Mark Noll, The Scandal of the Evangelical Mind (non traduit), 1994, Grand Rapids, MI, Eerdmans.
4. https://www.youtube.com/watch?v=I5dQqqYFyFw.
6. https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/09/23/robert-kennedy-jr-pourrait-defaire-les-strategies-qui-ont-normalise-la-vaccination-au-xx-siecle_6642516_3232.html et https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/09/05/les-attaques-de-robert-f-kennedy-jr-contre-la-vaccination-aux-etats-unis-se-multiplient-semant-la-confusion_6638980_3244.html.
7. Usaid, est l’agence des États-Unis pour le développement économique et l’aide humanitaire, principalement dans les pays du Sud global et qui s’est vue privée de 92 % de ses financements par l’administration Trump, mettant en péril d’innombrables programmes de santé, notamment de vaccination infantile. https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20250227-gouvernement-trump-sabre-budget-usaid-supprime-92-des-financements-%C3%A9tranger-subventions-ong-humanitaire-agence-developpement-marco-rubio-etats-unis.
9. « Evangéliques : un succès pas si angélique ?", un reportage à voir dans Envoyé spécial le 25 septembre 2025.
11. https://basta.media/l-histoire-de-france-mise-en-spectacle-par-les-reacs.
13. « Un audit réalisé par NewsGuard des 10 principaux outils d’IA générative et de leur propension à répéter de fausses affirmations sur des sujets d'actualité révèle que leur taux de production de fausses informations a presque doublé [en un an], et qu’ils fournissent désormais des affirmations fausses en réponses à des requêtes dans plus d’un tiers des cas. » https://www.newsguardtech.com/fr/special-reports/audit-chatbots-fausses-affirmations-double/.