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Billet de blog 27 mars 2023

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Quand on aime, on ne compte pas : l'amour sans limite de nos élus pour le train.

Le président de la SNCF a appelé en juillet 2022 à doubler la part du ferroviaire dans les transport de voyageurs et de marchandises, « un objectif indispensable pour atteindre la neutralité carbone en 2050 », et pour cela investir 100 milliards de plus en 15 ans dans le système ferroviaire. La reprise de 35 milliards de dette de la SNCF par l’Etat était encore toute chaude. (Jean-Pierre ORFEUIL)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avertissement

Ce papier a été rédigé par le Pr Jean-Pierre ORFEUIL, spécialiste des questions de mobilité et de transport. Il est destiné aux débats en cours sur la transition énergétique. Remplir le tonneau des Danaïdes n'est pas de bonne politique.

Introduction

Le président de la SNCF a appelé en juillet 2022 à doubler la part du ferroviaire dans les transport de voyageurs et de marchandises, « un objectif indispensable pour atteindre la neutralité carbone en 2050 », et pour cela investir 100 milliards de plus en 15 ans dans le système ferroviaire. La reprise de 35 milliards de dette de la SNCF par l’Etat était encore toute chaude, et pourtant nul ne s’est ému de ce nouvel appel aux fonds publics. On a même vu dans la discussion du budget 2023 un curieux attelage LR-LFI-PS défendre un amendement (rejeté) augmentant de 3 milliards le financement de la SNCF. Le président de la république a apporté un soutien remarqué aux projets de « RER métropolitains ». Jean Castex, alors premier ministre, a relancé en 2021 divers projets de lignes à grande vitesse. La première ministre, Madame Borne, a repris à son compte mot pour mot la proposition à 100 milliards devant le Conseil d’orientation des infrastructures en février 2023. Elle a mis l’accent sur les RER métropolitains, mais est restée très discrète sur le transport de marchandises, doté d’un plan très peu ambitieux. Elle a procédé au rituel attendu en évoquant la planification écologique, le transfert modal et la décarbonation. A l’évidence, le gouvernement aime le train. Les réactions de la plupart des élus des régions et des grandes villes sur les RER métropolitains, montrent que cet amour est partagé. Cela ne devrait pas dispenser d’un regard sur les résultats obtenus par la SNCF, sur ceux qui se font attendre et sur les projets envisagés.

Un regard rétrospectif sur les vingt dernières années

Au vingtième siècle, la SNCF était une entreprise nationale qui devait l’essentiel de ses moyens à ses clients et à l’Etat. Cela ne l’a pas empêché de faire les TGV Sud-Est, Atlantique, Méditerranée, et Nord-Europe. Avec le nouveau siècle, la situation change rapidement : le transfert aux régions de l’organisation des transports qui les concernent multiplie les sources de financement pour l’entreprise et fait entrer la mobilité régionale dans le domaine de la mobilité subventionnée (pourvu qu’elle se fasse en train). Suivront en 2005 l’alerte sonnée par l’audit dit « Rivier » sur l’état lamentable des infrastructures ferroviaires et le Grenelle de l’environnement en 2007 qui va sacraliser le chemin de fer (et diaboliser la route). C’est une date clé pour la relance du ferroviaire.

A ce moment, il reçoit des pouvoirs publics 7,3 milliards d’€1 (hors régime de retraite2). Il occupe 9,1 % du marché voyageurs et 10,9 % du marché du fret, soit 9,7 % de part de marché global (en unités de trafic)3.

Depuis lors, malgré des financements publics en hausse, la dette de la SNCF ne cessera de gonfler. L’Etat décidera d’en transférer 35 milliards au contribuable (sur un total de 48). Les dépenses publiques pour SNCF mobilité et SNCF réseau atteignent 10,2 milliards d’€ en 20194, en hausse de 39 % par rapport à 2007. Cette croissance est à comparer aux 13 % de croissance du PIB, aux 20 % de hausse de la dépense consolidée de l’ensemble des pouvoirs publics, ou encore aux 18 % de hausse pour l’hôpital, 12 % pour l’enseignement, 4 % pour la famille et la petite enfance.

A cette date, le ferroviaire occupe 10,2 % du marché voyageurs5 et 10 % du marché du fret, soit 10,2 % du marché global.

Entre 2007 et 2019, le ferroviaire a donc gagné 1,1 % de part de marché pour les voyageurs, perdu 0,9 % de part de marché pour le fret et gagné 0,5 % de part du marché global. Il faut souligner que ce gain, très modeste, n’a été rendu possible que par des baisses tarifaires compensées par des hausses de financements publics : les recettes du trafic n’atteignent que 8,8 milliards d’€ en 2019. Elles sont en baisse de 18,5 % par rapport à 2007. Les voyages en train ne représentent que 2,9 % de la dépense transport des ménages, comme en 2007.

La SNCF reçoit en 2019 8,8 milliards de ses clients et 10,2 milliards des pouvoirs publics : le premier client du système ferroviaire n’est plus l’usager, mais les pouvoirs publics. La situation était inverse en 2007.

Quant au réseau, il a reçu 67,7 milliards d’€ (2019) d’investissement sur la période 2007-2019, dont 19,7 pour les LGV, 37 sur le réseau principal hors LGV, et 11 milliards dans le réseau ferré d’Île-de-France. Les dépenses ont accéléré dans la période : on est passé de 1,9 à 3,8 milliards pour le réseau principal hors LGV, et de 0,2 à 1,3 milliards pour le réseau SNCF d’Île-de-France entre 2007 et 2019. Et pourtant, les rapports qui se succèdent, dont le dernier est un rapport sénatorial de 2022 (Rapport n° 570), constatent une régénération insuffisante des infrastructures et un retard dans la modernisation des systèmes d’exploitation, tant dans la commande centralisée de réseau (CCR) que dans les systèmes de contrôle de nouvelle génération (ERTMS) qui permettraient d’augmenter les capacités des voies et de réduire significativement les coûts de gestion des circulations. Enfin, les comparaisons avec nos voisins européens portant sur l’efficacité de la dépense au regard des résultats obtenus sont peu flatteuses.

En bref, les pouvoirs publics auront dépensé 109 milliards d’€ entre 2007 et 2019 pour obtenir sur la période non pas une croissance, mais une stabilisation globale du service rendu en matière de voyageurs et de fret, et un réseau qui reste insuffisamment renouvelé et modernisé. Si la SNCF était une entreprise privée, il ne manquerait pas d’économistes pour parler d’un capitalisme de connivence…

Les projets ferroviaires en cours.

3 projets actuellement sur la table concrétisent la volonté d’améliorer et de développer le système ferroviaire en recherchant de nouveaux contributeurs.

Le premier est la poursuite du renouvellement du réseau. Il s’est traduit par un « contrat de performance » entre l’Etat et SNCF réseau qui, à peine signé, a été vertement critiqué par les experts et par l’Autorité de régulation des transports : manque de vision à 10 ans, insuffisance du financement et des ambitions de renouvellement et de modernisation, insuffisance de formalisation des objectifs et des indicateurs de suivi. On comprend que ce soit sur ce poste que la première ministre ait vraiment engagé l’Etat, avec 1,5 milliards d’€ supplémentaire par an dès 2023 d’aide pour la régénération et la modernisation. Il reste à espérer que SNCF réseau sache transformer cette nouvelle aide en travaux dont l’utilité se fera ressentir.

Le second concerne la mise en œuvre de « RER métropolitains », c’est-à-dire de lignes cadencées, fréquentes et de forte amplitude reliant les coeurs des métropoles à leurs périphéries dans une douzaine de grandes villes. L’étude de ces systèmes avait été demandée à la SNCF par l’actuel premier Ministre en 2019. Elle avait avancé vouloir mettre sur la table 2,6 milliards, dont la moitié apportée par l’Etat. Le gestionnaire du réseau avait répondu que, conformément au pacte ferroviaire de 2018 lui interdisant de financer en propre des projets de développement, ce serait aux collectivités d’apporter l’autre part de financement. SNCF réseau a remis son rapport en 2020, intitulé Etoiles ferroviaires et services express métropolitains. C’est pour l’essentiel une longue liste des travaux à entreprendre pour permettre ces services. Les 2,6 milliards évoqués par Mme Borne sont à oublier, les évaluations dépassent les dix milliards pour une douzaine de villes (et sans doute beaucoup plus après examen approfondi puisque Lyon évoque un coût de 5 à 10 milliards pour son étoile).

Les niveaux de clientèle potentielle ne sont pas abordés dans le document. Les estimations réalisées à Bordeaux par un bureau d’études indépendant suggèrent une clientèle d’un peu moins de 40 000 voyages /jour, ce qui est faible eu égard au coût des investissements, encore plus si l’on considère les subventions qui seront nécessaires à l’exploitation, et encore plus si l’on rapporte ces 20 000 voyageurs concernés à l’ensemble de la population périurbaine ! Pour l’Etat et pour la SNCF, l’essentiel est ailleurs : de nouveaux financeurs pourront être embarqués dans ces projets. Les métropoles (qui n’ont pas la compétence ferroviaire) et les départements (à qui toute compétence transport a été retirée) sont appelés à mettre la main à la poche aux côtés des régions. La volonté de la première ministre d’impliquer la Société du Grand Paris dans ces projets n’est pas pour rassurer : outre que cette société n’a tenu ni les coûts ni les délais annoncés pour la réalisation du Grand Paris Express, son mode de financement par des impôts dédiés en a fait un Etat dans l’Etat sourd à toutes les propositions d’évolution d’un projet à l’évidence surdimensionné.

Sur le plan de la mobilité, il y a indiscutablement un besoin de services reliant les grandes périphéries (à 30 ou 40 km des centres) aux métropoles, d’autant plus que celles-ci se ferment de plus en plus aux voitures. Le transport ferroviaire ne pourra toutefois faire qu’une petite partie du travail. En effet, à 30 km du centre, et avec des distances de rabattement habituellement acceptées de 5 km, il faudrait des étoiles ferroviaires à 18 branches pour desservir tout l’espace périurbain (et à 24 branches à 40 km du centre). Or les étoiles des métropoles n’ont que de 3 à 6 branches. Les dessertes envisageables ne pourront répondre aux besoins que de 20 à 30 % voyageurs des populations périurbaines de ces métropoles, et laisseront de côté les populations périurbaines des autres grandes villes. Ce n’est pas ainsi qu’on maîtrisera le ressentiment périurbain par rapport à des villes qui se ferment aux voitures. Seul un recours massif à des transports collectifs opérant sur le réseau le plus dense, qui est le réseau routier, pourra le faire.

Le troisième projet est … le retour des TGV. En 2017, le président Macron avait sifflé la fin de la partie dans son discours d’inauguration de la ligne nouvelle vers Rennes :  « le rêve des cinq prochaines années ne doit pas être un nouveau grand projet comme celui-là »… « le combat que je souhaite engager pour les années à venir, c'est celui des transports du quotidien ». « Notre pays doit avoir des priorités et les multiplier toutes ou vouloir conjuguer toutes les promesses, c'est se condamner à n’en tenir aucune ». Changement de pied total en 2021. Le gouvernement relance le projet dit « GPSO » (lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax) d’un coût estimatif de 14 milliards d’euros, le premier tronçon de la ligne Montpellier-Perpignan (pour un montant de 5,5 milliards d’€ en valeur 2014) et deux premières phases d’une liaison Marseille-Nice (pour un montant de 3,5 milliards d’€). Comme pour des projets antérieurs, on fait miroiter des contributions européennes loin d’être acquises pour des projets qui ne sont pas transfrontaliers, et le recours aux financements par les collectivités de tous niveaux de ces régions sera indispensable. La nouveauté, c’est la création de structures nouvelles, appelées sociétés de projet, qui seront financées en partie par les budgets ordinaires des collectivités et en partie par des taxes nouvelles affectées aux projets6, votées par le Parlement sur le modèle de financement de la Société du Grand Paris. Ces taxes ont vocation à permettre un endettement garanti : d’un niveau faible au départ, elles évolueront en fonction des besoins de financement du projet, et dureront jusqu’à la fin des remboursements des emprunts contractés, sur une durée prévisionnelle de 40 ans. La société de projet est un montage financier (certains diront une structure de cantonnement de la dette) doté du pouvoir de lever (et d’augmenter) les impôts, pour une durée qui s’étendra au delà de la mise en service de la ligne.

La tournée des financeurs possibles se termine ainsi par les générations futures !

Et demain ?

Ces projets dessinent le paysage ferroviaire des prochaines décennies : une médiocrité assumée sur l’essentiel du réseau classique et pour les villes à l’écart du réseau TGV, des offres nouvelles autour d’une douzaine de métropoles qui constitueront une solution pour 20 à 30 % de leurs populations périurbaines, des améliorations significatives pour quelques liaisons, au prix d’augmentations majeures des contributions des collectivités de tous types pour l’investissement, mais aussi pour le fonctionnement (en moyenne les ventes de titre couvrent 20 à 25 % des coûts d’exploitation dans les transports du quotidien), ce qui n’est pas mis sur la table aujourd’hui.

On voit bien comment ces choix participent à l’explosion des financements publics : une explosion certes discrète du fait de sa répartition entre un grand nombre de collectivités, mais une explosion qui sera autoentretenue par les besoins de financement des services. On voit mal en revanche, et l’histoire des vingt dernières années le montre, comment ces choix pourraient permettre de doubler les clientèles ferroviaires d’autant que le contexte sera beaucoup moins favorable : la croissance économique sera plus faible, l’habitus de la téléconférence s’est installé et a réduit les clientèles à forte contribution (les voyages d’affaires en première classe), la concurrence des solutions « low cost » (« cars Macron » et covoiturage à longue distance) captera de plus en plus de clients (et obligera à la modération des tarifs ferroviaires), les liaisons aériennes de Toulouse avec Paris seront probablement maintenues.

On voit mal en revanche comment ces choix pourraient contribuer au doublement des clientèles ferroviaires et à la décarbonation des transports : outre qu’ils ignorent le transport de marchandises, la LGV Bordeaux-Toulouse générera au mieux 5 milliards de voyageurs-km, les RER métropolitains 4 milliards, l’ensemble représentant 10 % de l’activité voyageur d’aujourd’hui.

Avec une hypothèse très optimiste et même irréaliste (tous les clients auraient fait le déplacement en voiture seuls au volant d’une voiture thermique), ces nouveaux usages conduiraient à une baisse de 0,8 % des émissions de carbone des transports.

Ces ordres de grandeur sont hélas cohérents avec l’observation des 20 dernières années. Il reste à comprendre les raisons qui amènent à cette situation.

L’attrait pour des lignes nouvelles et le peu d’appétit pour la maintenance et la modernisation de l’existant s’expliquent par des raisons mêlant l’institutionnel et le culturel. C’est l’Etat, et lui seul, qui a la responsabilité de SNCF réseau, et donc de l’entretien et de la modernisation du réseau ferroviaire sur l’ensemble du territoire. C’est aussi lui qui est en déficit chronique et dont la dette est surveillée par les marchés. Les articles assassins sur la galère des usagers et les lignes hors d’âge n’y changeront rien, pas plus que les plaintes des industriels de Limoges ou de Clermont-Ferrand. Elles sont aussi culturelles : on préfère créer du neuf que soigner l’existant. Quand l’université va mal, on crée des grandes écoles ; quand des quartiers vont mal, on crée une agence chargée de démolir et de reconstruire ; quand les transports parisiens vont mal, on préfère allouer des moyens colossaux à un nouveau métro (« le chantier du siècle ») que de moderniser l’existant. Dans cette logique, les collectivités qui en ont les moyens sont en quête de projets visibles, à fortes retombées médiatiques, valorisant leur territoire (et leur action) : nos métropoles auront tout de la grande (Paris) avec leur RER et leur desserte TGV.

L’attrait irrésistible pour le train, manifesté par la grande générosité des finances publiques à son égard, peut avoir de multiples explications.

Certains y verront un effet de la puissance de lobbying de la SNCF, avec un service de communication pléthorique, un recours aux cabinets extérieurs qui n’a rien à envier à la sollicitude de l’Etat pour McKinsey7, voire de l’embauche de politiques battus aux élections ou en fin de mandat. C’est assez logique pour une entreprise dont le client principal n’est plus l’usager, mais les pouvoirs publics.

D’autres évoqueront la culture ferroviaire des régions, acquise depuis le début du siècle, et la dépossession des départements, dont la culture était routière, de leurs prérogatives en matière de  transport collectif routier, des transports peu coûteux qui seront indispensables si l’on veut sortir tous les territoires de leur dépendance à l’automobile, ce qui était le projet premier de la loi d’orientation des mobilités de 2019.

D’autres encore évoqueront l’attrait contemporain pour le « zéro »8, symbole d’une radicalisation peu efficace des attentes : une offre « zéro émission »9 utilisée par 100 personnes sera préférée à une offre à émissions réduites utilisée par 10 000, même si le bilan carbone est meilleur dans le second cas ; l’interdiction des vols intérieurs lorsqu’une solution ferroviaire est disponible libère des créneaux aéroportuaires (les « slots ») pour des destinations plus lointaines…

D’autres encore mettront en avant l’imaginaire populaire du train et ses billets annuels de congé payés, en oubliant qu’aujourd’hui la moitié de la clientèle des trains interrégionaux vient du quart le plus aisé de la population, et que les TER, financés à 75 % des coûts par les impôts de tous, satisfont les besoins réguliers de 1 à 2 % des populations régionales, et pas des plus démunies d’entre elles.

D’autres enfin, plus classiques, rappelleront le rôle du chemin de fer dans l’aménagement du territoire et dans son développement.

Il y a toutefois une explication qui les surplombe toutes : le train est du côté du Bon Dieu quand la route est du côté du Diable. Ce credo, parti des Verts, s’est diffusé dans toute la classe politique. Il a l’avantage considérable de dispenser de réfléchir et de discuter.

Qui a demandé au président de la SNCF (ou à la première ministre) par quel miracle les 100 milliards supplémentaires pour le train dans les 20 prochaines années produiraient un doublement des clientèles (et une forte baisse des émissions de CO2), quand les 100 milliards des 13 dernières années se sont traduits par une stagnation de l’activité et n’ont contribué en rien à la baisse des émissions des transports ?

Qui s’est demandé si avec 100 milliards, on ne pouvait pas rendre un service au moins aussi important à nos concitoyens et à la transition écologique en améliorant drastiquement la qualité thermique de leurs logements, ou encore en proposant des services de transport collectifs routiers pénétrant les territoires en profondeur, avec des réductions d’émissions de CO2 plus importantes ?

Qui a proposé de dérouter un ou deux petits milliards de ces 100 milliards pour soutenir des démarches d’avenir, comme par exemple la conception de véhicules ultralégers, à qui l’Agence de l’innovation pour les transports se contente d’attribuer un label sans soutien financier ?

Qui pour simplement observer que ces 100 milliards creuseront encore plus la dette publique, et pour oser rappeler la disproportion entre ces 100 milliards pour le train et les efforts plus que modestes pour les travailleurs essentiels, l’hôpital, la jeunesse ou la transition agricole ?

Qui enfin pour rappeler qu’en période de disette budgétaire, la programmation d’une dépense de 100 milliards mériterait un véritable débat public, loin de ces petits arrangements entre amis qui minent notre démocratie ?

Cette insoutenable légèreté contribue non seulement au divorce croissant entre les élites techno-politiques et les citoyens, mais aussi à leur radicalisation : pourquoi les citoyens ordinaires devraient-ils faire preuve de réflexion et de responsabilité quand les élites s’exonèrent de ces exigences ?

ANNEXE

Les chiffres clé et leur source

1. L’activité

Illustration 1

Source : commission des comptes transport séries F1 et E1A1

<https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/bilan-annuel-des-transports-en-2021>

2. La dépense des ménages

Illustration 2

Source : commission des comptes transport, série A3a

3. Les subventions et les recettes commerciales

Illustration 3

Source : commission des comptes transport. Séries A52a et A52b pour les transferts, Tableau page 56 pour les recettes dans les comptes 2007 et page 72 pour les recettes dans les comptes 2019.

Graphique récapitulatif

Illustration 4

1 En valeur 2019, comme toutes les données monétaires suivantes. Une annexe rassemble les chiffres clé et leur source.

2 Un régime qui coûte annuellement plus de 3 milliards d’€ à l’Etat, et qui sera ignoré ici dans l’évaluation de tous les transferts publics.

3 Les entreprises ferroviaires appellent unités de trafic la somme des distances parcourues par des personnes (les voyageurs-km) et des tonnes de fret (les tonnes-km) sur leurs réseaux.

4 Nous prenons cette année comme référence car c’est la dernière année « normale », avant la crise du Covid. En 2020 et 2021, les clientèles ont chuté et les financements publics explosé.

5 Une part de plus en plus surestimée du fait de l’écart croissant entre les distances ferroviaires et les distances effectives entre origines et destinations induites par le développement des TGV. Ainsi, pour un trajet de Poitiers à Rennes (336 km), la SNCF propose un voyage Poitiers-Paris (344 km) suivi d’un Paris-Rennes (349 km) : la distance comptabilisée pour ce trajet ferroviaire est double de celle qui serait comptabilisée pour ce trajet s’il était réalisé en voiture ou en autocar.

6 Taxe spéciale d’équipement additionnelles aux taxes foncières, à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, à la taxe de séjour (y compris sur les campings), à la cotisation foncière des entreprises pour tous les résidents ou activités situés à moins d’une heure en voiture d’une gare. Elles seront perçues dès 2023 dans le périmètre des 3 projets.

7 Dans un rapport de 2013, la Cour des comptes évaluait à 210 millions annuels la communication de la SNCF. Une enquête très documentée de France Info (Laetitia Cherel, 2017, « La communication onéreuse de la SNCF ») évaluait à 900 personnes l’effectif des communicants SNCF.

8 « Zéro artificialisation nette » en matière d’aménagement ; « Zéro émissions nettes » en 2050 en matière d’énergie ; zéro bonus pour les voitures thermiques, même lorsqu’elles sont très peu émissives ; zéro vols intérieurs quand on dispose de liaisons ferroviaires de moins de 2h30 ; « zéro déchet »…

9 Ce qui n’est pas le cas du train : il faut tout de même émettre pour fabriquer des rails, des rames, réaliser les voies et les maintenir en état !

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