Opinion
Un journaliste israélien derrière les barreaux
pour avoir remis en cause le consensus
Israel Frey, un journaliste détenu pour un article affirmant que
« le monde est meilleur » après la chute de soldats de Tsahal à Gaza,
a soulevé une question que personne en Israël n'ose poser :
Israël commet-il des crimes contre l'humanité à Gaza ?
Carolina Landsmann, Haaretz, vendredi 11 juillet 2025
Israel Frey leaving the police station after his questioning in 2022.
Credit: Tomer Appelbaum
« Comment la mort de jeunes soldats tués dans l'exercice de leurs fonctions de protection de la patrie peut-elle être une bonne chose ? » a demandé la juge Ravit Peleg Bar Dayan lors de l'audience, au cours de laquelle elle a refusé la libération sous caution du journaliste Israel Frey.
Frey avait été arrêté had been arrested pour suspicion d'incitation et de soutien au terrorisme suite à une publication sur X en réaction à l'annonce de la mort de cinq soldats five soldiers had been killed dans la bande de Gaza.
« Le monde est meilleur ce matin sans cinq jeunes qui ont participé à l'un des crimes les plus cruels contre l'humanité », a-t-il écrit.
Mais la question du juge ignore les propos de Frey. Elle a parfaitement raison de dire que la mort de jeunes hommes tombés pour protéger la patrie ne saurait être une bonne chose. Frey serait sans doute d'accord avec cela.
Mais il remettait en question le fait même que ces soldats soient bel et bien tombés pour défendre la patrie. Selon lui, et contrairement à l’opinion de la grande majorité des Israéliens, ils ont été tués alors qu’ils participaient à de vils crimes contre l’humanité.
Frey est un provocateur.
Il est très difficile de lire ce qu’il a écrit, car le monde ne se porte pas mieux lorsque cinq jeunes Israéliens sont tués. La mort de soldats pendant une guerre qui a depuis longtemps perdu toute justification lost any justification fait partie de la tragédie que tous ceux qui appellent à la fin de la guerre cherchent à arrêter.
Mais sa provocation est efficace, car elle nous oblige à repenser les mots qui ont souvent été lancés contre Israël, mais qui nous ont glissé doucement dans notre gorge sans difficulté : des crimes contre l’humanité.
Les Israéliens ne sont pas capables de concevoir la possibilité que nous soyons ceux qui commettent ces crimes, surtout après le massacre du Hamas le 7 octobre 2023.
Smoke rises to the sky following an Israeli bombardment
in the northern Gaza Strip on Thursday.
Credit: Leo Correa/AP
Si la schadenfreude de Frey est si difficile à avaler, même pour moi, c'est qu'il prend ses paroles avec le plus grand sérieux.
Pourtant, par cette tactique violente qui pousse les choses à l'extrême, Frey nous force à réfléchir – à garder ces mots dans nos esprits, au lieu de les laisser entrer par une oreille et ressortir par l'autre, comme c'est souvent le cas lorsque « le monde » porte de telles accusations. Cette tactique douloureuse nous fait certes bouillir le sang, mais elle nous oblige à nous demander sérieusement si nous ne collaborons pas tous à des crimes contre l'humanité.
Si la juge avait vu la réalité comme Frey, elle n'aurait peut-être pas été bouleversée par son message. Si elle avait également pensé que les Forces de défense israéliennes tuaient des civils innocents killing innocent civilians, dont des femmes et des enfants, sans discrimination à Gaza, qu'Israël affamait la population starving the population dans le cadre d'une tactique de guerre (le soi-disant « plan des généraux »), et qu'il prévoyait un transfert de population de Gaza (la « ville humanitaire » "humanitarian city" de Rafah), alors peut-être aurait-elle partagé la colère de Frey, même si elle n'aurait pas partagé sa joie face à la mort des soldats.
Frey n'a ni incité ni soutenu le terrorisme. Il a été arrêté parce qu'il pense que les soldats opérant à Gaza commettent des crimes contre l'humanité.
Samah Al-Nouri, une mère palestinienne
dont la fille Sama a été tuée jeudi dans une frappe israélienne,
réconforte son fils tandis que les victimes de la frappe
sont transportées dans un hôpital de la bande de Gaza.
Crédit : Ramadan Abed/Reuters
Il n'est donc pas surprenant que le commissaire de la prison ait ordonné son classement comme « détenu de sécurité » "security detainee", un statut normalement réservé aux Palestiniens condamnés ou soupçonnés de terrorisme.
L'État a ainsi rendu illégal un point de vue tout entier : le fait de dire qu'Israël commette des crimes contre l'humanité à Gaza est du « terrorisme ».
Et la question fondamentale qui n'est jamais posée, car elle a été réduite au silence avec la coopération de la plupart des Israéliens, est la suivante : Israël commet-il réellement des crimes contre l'humanité dans la bande de Gaza ?
Un tel silence n'est pas inhabituel dans les pays qui commettent de tels crimes. Mais il n'est pas inconcevable qu'à l'avenir, ce débat ait lieu.
Alors, peut-être, lorsque les gens évoqueront le consensus qui dominait Israël à l'époque et la façon dont les médias et le système judiciaire y ont collaboré, se souviendront-ils aussi de ceux qui ont refusé de s'y plier.
Et parce que l’histoire nous a appris que les sociétés se laissent parfois entraîner dans des crimes collectifs et se réveillent trop tard, nous avons le devoir de maintenir une place dans notre société pour ceux qui remettent en question le consensus là même où cela est devenu tabou.
Carolina Landsmann, Haaretz, vendredi 11 juillet 2025 (Traduction Google) https://www.haaretz.com/opinion/2025-07-11/ty-article-opinion/.premium/an-israeli-journalist-is-behind-bars-for-challenging-the-consensus/00000197-f5f0-de3f-abf7-fffcce060000