Opinion
Netanyahou a même déformé la perception de la réalité
de ses adversaires en ce qui concerne la guerre entre Israël et l'Iran
Carolina Landsmann, Haaretz, vendredi 20 juin 2025

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'exprime
dans la nuit de vendredi à samedi.
Tout comme l'attaque surprise du Hamas contre Israël visait à faire dérailler la normalisation israélo-saoudienne qui ignorait la question palestinienne, l'attaque surprise d'Israël contre l'Iran visait à torpiller une autre initiative diplomatique américaine. Cette fois, sous la présidence de Donald Trump, elle visait à stopper la nucléarisation de l'Iran sans guerre. En ce sens, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le Hamas – surtout après la mort annoncée de Yahya Sinwar – ressemblent à des jumeaux stratégiques, chacun ayant développé son propre axe de résistance.
Il existe un vieux dicton : les gens ne voient pas le monde tel qu'il est, mais tel qu'ils sont. Netanyahou voit le monde à travers le prisme des accords de Munich de 1938 entre l’Angleterre, la France et l'Allemagne nazie, et il se voit dans le rôle de Winston Churchill sees himself in the role of Winston Churchill, [Voir : Gideon Levy, Haaretz, 15 juin : Les trompettes de la victoire retentissent, mais leur mélodie séduisante mystifie les Israéliens, https://blogs.mediapart.fr/yves-romain/blog/150625/apres-l-euphorie-viendront-les-larmes-et-la-depression] celui qui a bien compris Hitler avant qu'il ne soit trop tard.
C'est un état d'esprit formateur qui agit à la fois contre le temps et contre la diplomatie. Cette dernière est toujours perçue comme une dangereuse tromperie. Pour Netanyahou, il ne doit pas ressembler à Neville Chamberlain signataire des accords de Munich ; il doit régler le problème avant que la catastrophe ne survienne. Pour lui, la diplomatie est comparable à la drogue du viol.
Mais cet état d'esprit ne laisse aucune place aux ennemis pour devenir partenaires et faire la paix. Et de fait, Netanyahou n'a jamais fait la paix avec un ennemi. Les accords d'Abraham n'ont pas été signés avec des États ennemis ; ils n'ont été possibles que grâce aux traités de paix antérieurs avec l'Égypte et la Jordanie – qui n'auraient pu voir le jour sans les accords d'Oslo.
Il n'a jamais fait l'acte de foi nécessaire pour transformer un ennemi en allié et instaurer la paix. Et Netanyahou, emprisonné à Munich, est incapable de foi.
La diplomatie, selon lui, est un piège. Seul le terrorisme correspond à sa vision de la réalité. Toute autre situation est perçue comme une illusion vouée à l'échec – et ses actions sont conçues pour qu'elle le soit. Et ce qui est tout aussi troublant, c'est qu'il a réussi à nous inculquer cet état d'esprit.
Cette guerre est l'explication la plus fondamentale de son règne sans fin. Netanyahou a beaucoup de gens qui le détestent, mais il n'a pas de véritables adversaires no real opponents, pas de personnalités politiques qui rejettent sa vision du monde sous-jacente. Nous sommes tous coincés à Munich avec lui. Le seul débat porte sur l'heure à laquelle régler le réveil pour pouvoir nous lever tôt et tuer ceux qui planifient de nous tuer.
En Israël, il existe actuellement une coalition stable regroupant la quasi-totalité des membres juifs de la Knesset. Le fait que les manifestants anti-Netanyahou se soient précipités vers leurs postes de pilotage dès le début de la guerre est la vérité condensée de la politique israélienne.
Ils ne se seraient pas précipités vers ces postes de pilotage s'ils avaient vraiment cru ce qu'ils disent de Netanyahou. Leurs jambes auraient refusé d'obéir à leur cerveau. Mais ils n'ont pas refusé. Car même s'ils le détestent et le considèrent comme un instigateur menteur et corrompu, un ennemi de la démocratie qui abandonne les otages abandoning the hostages, ils ne pensent pas qu'il ait tort. Ils croient ce qu'il dit au monde.

Manifestation contre la prise d'otages à Tel Aviv.
Credit: Itai Ron
Peut-être ne croient-ils pas ses paroles, mais ils voient la réalité à travers ses yeux. Et sa survie politique repose sur cette foi intime qui sous-tend la haine.
Satisfaire son obsession pour l'Iran le calmerait-il ? L'assassinat du guide suprême iranien Ali Khamenei Supreme Leader Ali Khamenei apaiserait-il son esprit ? Ou un nouvel « Hitler des temps modernes » surgirait-il immédiatement ? Ce n'est pas un hasard si l'expression ultime de la défense israélienne consiste à détruire « la tête du serpent », qui ne cesse de se régénérer comme la peau d'un véritable serpent : Sinwar, l'ancien chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, Khamenei.
Netanyahou ne réagit pas aux événements, il façonne la réalité. C'est un ingénieur prisonnier d'un état d'esprit qui dicte chacun de ses pas. Il ne s'agit pas d'une interprétation psychologique, mais d'une thèse fondamentale qui explique ses actions et le consensus qu'il a imposé.
C'est là toute la puissance de Netanyahou : il a réussi à façonner la conscience politique de toute une génération. Même ses rivaux adhèrent à sa vision du monde conceptuelle – aux peurs qu'il a exprimées, au langage qu'il a créé. Ils le détestent, mais ne se sont pas libérés de sa façon de penser. Et c'est peut-être là sa plus grande réussite, bien plus grande que n'importe quelle victoire électorale.
Carolina Landsmann, Haaretz, vendredi 20 juin 2025 (Traduction Google) https://www.haaretz.com/opinion/2025-06-20/ty-article-opinion/.premium/netanyahu-has-even-warped-even-his-opponents-grasp-of-reality-in-the-israel-iran-war/00000197-89b9-d6c0-a1b7-e9b974b10000