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Billet de blog 22 décembre 2025

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La haine contre les Arabes en Israël: «une pratique néonazie et fasciste». Ahmad Tibi

En Israël les agressions contre les Arabes sont encouragées au plus haut niveau. Les médias omettent le contexte. Que ce soit à Jérusalem ou en Cisjordanie «c’est la même idéologie, les mêmes auteurs et le même système qui ferme les yeux.» Le silence de Ben Gvir, et ses déclarations «encouragent la violence.» Les agresseurs sont des «soldats d’assaut de la droite fasciste israélienne». Ahmad Tibi.

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Opinion
La vague de violence anti-arabe en Israël est une caractéristique,
pas un dysfonctionnement.

Ahmad Tibi, Haaretz, dimanche 21 décembre 2025

Illustration 1

Des supporters du Beitar Jérusalem
ont attaqué un chauffeur de bus arabe, en septembre.

L'Israël de 2025 n'est pas confronté à une « série d'incidents anormaux » ni à des « violences marginales ». Il vit dans un contexte généralisé et systématique de violence raciste et ultranationaliste à l'encontre des citoyens arabes, soutenu par le silence politique, l'impuissance de la police et parfois même l'encouragement direct ou indirect des autorités.

Le silence du Premier ministre Benjamin Netanyahu n'est pas fortuit. Il encourage les voyous qui commettent ces agressions. Une conspiration du silence. Cette vague de violence a un contexte clair, des racines profondes et une cible évidente. Les agressions contre des chauffeurs de bus arabes dans le Grand Jérusalem, dont les vidéos sont devenues virales sur les réseaux sociaux, ne sont pas spontanées. Elles sont le résultat d'une incitation prolongée et de la normalisation de la violence contre les Arabes. Le message venant d'en haut est clair : leur sang ne vaut pas cher et leur dignité est sacrifiable.

Ce fut le cas lors de l'attaque à Tel-Aviv contre Mohammed Abu Hamed, de Jaljulya, qui a dû être hospitalisé, et lors de l'attaque à Jérusalem contre Khalil al-Rishq, employé des services d'hygiène publique, dont les côtes et les dents ont été brisées par des agresseurs juifs. Ces mêmes agresseurs avaient déjà attaqué et blessé un chauffeur de bus arabe. Une impressionnante campagne de financement participatif menée par des Israéliens juifs a permis de redonner un peu de dignité à la victime, mais cela ne garantit pas que justice soit faite.

Le système judiciaire fait preuve d'une indulgence marquée (et particulièrement scandaleuse) The legal system shows marked (and particularly outrageous) leniency envers les agresseurs juifs lorsque la victime est arabe. Il suffit de lire les verdicts dans lesquels l'attention a été détournée des conséquences de la violence pour se concentrer sur les conditions de détention des suspects. Ce message, même s'il n'est pas exprimé explicitement, s'est répandu et contribue au sentiment d'impunité des agresseurs.

La liste des incidents survenus au cours des deux dernières semaines est longue et douloureuse. Mahmoud Agbariya et son ami Jalal Mahmoud ont été agressés dans la rue Shabazi à Tel-Aviv ; Agbariya a été admis à l'hôpital dans un état grave. L'incident le plus récent (à l'heure où nous écrivons ces lignes) est une attaque contre une famille arabe à Jaffa was an attack on an Arab family in Jaffa ; l'une des victimes était une femme enceinte. Puis, lorsque les habitants de Jaffa ont organisé une manifestation, la police a réagi en arrêtant le cheikh qui y avait pris la parole police responded by arresting the sheikh who spoke at it.

Illustration 2

Yinon Levi, un colon juif filmé en train de tirer sur le camp palestinien
d'Awdah Hathaleen en Cisjordanie, a comparu devant le tribunal en juillet.
Levi a été placé en résidence surveillée presque immédiatement, puis innocenté.
Crédit : Yahel Gazit

La même tactique est employée dans les territoires occupés. Lorsqu'un colon agresse un Palestinien, c'est ce dernier qui est arrêté. Et il y a clairement de nombreuses agressions dont nous n'avons même pas connaissance, car elles ne sont jamais signalées, que ce soit par peur, par méfiance ou par sentiment d'inutilité.

La violence à l'intérieur d'Israël est étroitement liée, tant sur le plan idéologique que pratique, au terrorisme juif contre les Palestiniens Jewish terrorism against Palestinians dans les territoires occupés. Une réalité violente qui a normalisé les meurtres, les fusillades, les agressions, les incendies criminels, empêchant les Palestiniens de récolter leurs olives et les expulsant de leurs terres – en particulier dans la région de Masafer Yatta et la vallée de Jéricho – a donné naissance à une génération de voyous qui ne reconnaissent aucune limite.

Illustration 3

Un Palestinien inspecte un véhicule incendié lors d'une attaque perpétrée par
des colons israéliens tôt le matin la semaine dernière à Ein Yabrud, en Cisjordanie.
Crédit : Nasser Nasser/AP

Et cela ne s'arrête pas à la Ligne verte entre la Cisjordanie et Israël. Quiconque passe à tabac un Palestinien en Cisjordanie en sachant qu'il ne sera pas puni se sentira également libre de passer à tabac un éboueur ou un chauffeur de bus à Jérusalem, ou une famille à Jaffa. C'est la même idéologie, les mêmes auteurs et le même système qui ferme les yeux. Les agresseurs ont également des représentants au sein du cabinet et de la Knesset qui légitiment leurs actions.

Sous la direction du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, la police n'est pas la solution, mais une partie du problème part of the problem. L'attitude empathique, parfois même protectrice, envers les hooligans et les terroristes juifs contraste fortement avec la rapidité et la détermination avec lesquelles la police agit contre les citoyens arabes pour une publication sur X ou Facebook, ou même simplement pour un « j'aime ».

Illustration 4

Manifestation à Jérusalem contre le taux d'homicides
dans la société arabe, en novembre.
Crédit : Olivier Fitoussi

Cette application sélective de la loi n'est pas un échec technique, mais une position politique. Le silence complice de Ben-Gvir, et parfois ses déclarations sans détour, encouragent la violence.

Les médias grand public ne sont pas non plus exempts de tout reproche. Soit ils ignorent les incidents de violence raciste, s'inscrivant dans une tendance plus large à occulter la souffrance des Palestiniens, soit ils les présentent comme des crimes isolés, hors de leur contexte. Cela contribue à perpétuer le problème. Le silence est un consentement, et le consentement est une implication. L'exception qui confirme la règle est Yossi Eli, de Channel 13 News, le seul journaliste juif à avoir diffusé à la télévision l'agression contre l'éboueur Khalil al-Rishq

Illustration 5

Hanan Khimel, agressée samedi à Jaffa, manifestait dimanche.
Crédit : Moti Milrod

Ne vous y trompez pas : ces agresseurs ne sont ni des « loups solitaires » ni des jeunes désorientés. Ce sont les soldats d'assaut de la droite fasciste israélienne, qui bénéficient du soutien idéologique et parfois même spirituel des rabbins. Ce ne sont pas des marginaux These are not marginal figures; mais les membres d'une infrastructure idéologique qui glorifie la suprématie juive et légitime la violence.

L'Israël d'aujourd'hui ne veut pas éradiquer ce phénomène, car certains en tirent un capital politique. L'incitation à la haine contre les Arabes est devenue un instrument central du gouvernement. Peu importe que la victime soit un chauffeur de bus, un éboueur, un médecin, une infirmière ou une famille ordinaire. La violence envoie toujours le même message : vous êtes des citoyens invisibles, de seconde zone, et votre sang ne vaut pas cher.

C'est l'heure de vérité pour les personnes sensées qui restent en Israël. Ceux qui croient aux valeurs démocratiques, à l'égalité et à l'État de droit ne peuvent continuer à rester silencieux face à la violence raciste qui détruit tout ce qui est bon dans ce pays.

La violence qui n'est pas stoppée aujourd'hui deviendra la norme demain, et cette norme s'enracinera et se propagera bien au-delà de ses victimes initiales. Il ne s'agit plus de « processus » ; il s'agit d'une pratique néonazie et fasciste à part entière, conforme au manuel. Il est grand temps de se réveiller.

Ahmad Tibi est membre de la Knesset et président du parti Ta'al.

Ahmad Tibi, Haaretz, dimanche 21 décembre 2025 (Traduction DeepL)

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