Opinion
Un féminisme qui ne peut dire Gaza n'est pas du féminisme
À Gaza, les femmes ne réclament pas de places dans des conférences
ni de missions sur Mars. Elles réclament du pain,
de l'eau, du savon, une serviette hygiénique.
Que leurs enfants se réveillent le matin.
Mais trop souvent, le féminisme, partout dans le monde,
détourne son regard du sang sur le sol.
Nadine Quomsieh, Haaretz, dimanche 27 avril 2025
(Traduction Google)

Agrandissement : Illustration 1

Une Palestinienne pleure près des corps de ses proches,
tués dans une frappe israélienne,
à l'hôpital indonésien de Beit Lahia au début du mois.
Credit: AFP/BASHAR TALEB
Le féminisme célèbre depuis longtemps les victoires des « premières » – la première femme à diriger, à faire atterrir un vaisseau spatial, à briser les barrières érigées par le patriarcat. Ce ne sont pas de minces exploits. Mais que se passe-t-il lorsque le féminisme devient silencieux dans ses souffrances ? Que se passe-t-il lorsqu'il ne trouve pas le langage pour parler des femmes qui accouchent à même le sol, pleurent les fosses communes, font bouillir de l'herbe pour nourrir leurs enfants – simplement parce qu'elles sont palestiniennes ? Je suis féministe. Je crois profondément au pouvoir, au courage et à la nécessité de la libération des femmes. Mais j'écris aussi en tant que Palestinienne, observant un mouvement féministe mondial qui, souvent, s'élève vers les étoiles tout en marchant sur les décombres sous ses pieds.

Des filles palestiniennes se tiennent près d'une femme
en train de cuire du pain dans un four dans un refuge scolaire
pour personnes déplacées dans un camp temporaire
sur la plage de la ville de Gaza au début du mois.
Credit: Mahmoud Issa/ REUTERS
À Gaza, les femmes ne réclament pas de sièges dans les conseil d'administration ou de missions sur Mars. Elles réclament du pain. De l'eau. Du savon. Une serviette hygiénique. Que leurs enfants se réveillent le matin. Si notre féminisme ne peut pas faire place à cette réalité, s'il ne s'arrête pas pour entendre les voix sous les décombres, alors que construisons-nous, et à qui est-ce vraiment destiné ?
Dans un refuge, une mère a déchiré des pans de la robe de sa fille pour en faire des serviettes hygiéniques. Une autre a doublé ses chaussures de carton, saignant en silence, pour ne pas tacher le sol. Ce ne sont pas des métaphores ; ce sont les mardis matins à Gaza. Et pourtant, trop souvent, ces histoires restent muettes dans les salons de solidarité féministe internationale.
Les Palestiniennes n'attendent pas d'être sauvées. Elles sont enseignantes, médecins, journalistes, poètes, soignantes et protectrices de la vie. Alors même que leurs maisons s'effondrent, elles organisent des files d'attente pour la nourriture, racontent des histoires et renouent avec les bribes de normalité qu'elles peuvent trouver. Leur résistance n'est pas toujours bruyante, mais elle est implacable. Être témoin de cela et continuer à parler d'« autonomisation des femmes » sans les inclure – ce n'est pas de l'autonomisation. C'est de l'effacement.
On nous dit que le féminisme est une question de choix. Mais pour de nombreuses femmes en Palestine, ce choix leur a été ôté : non seulement par le patriarcat, mais aussi par l'occupation, la guerre et le refus du monde de nous voir. Qu'est-ce que la liberté de choix quand on ne peut pas choisir de donner le bain à son enfant, d'aller à l'école ou de vivre sans peur ?

Une femme porte un enfant alors qu'elle marche à travers les décombres
à l'extérieur de la maison de la famille Sabah qui a été touchée
par des frappes aériennes israéliennes à Deir el-Balah,
dans le centre de la bande de Gaza, le 8 avril 2025.
Credit: AFP/EYAD BABA
Ceci n'est pas une simple intervention. C'est un appel. Un appel à un féminisme qui n'a pas peur de l'inconfort. Qui ne détourne pas son regard du sang sur le sol parce qu'il ne peut s'intégrer dans une campagne aseptisée. Un féminisme qui se souvient de ses racines – résistance, solidarité, justice – et pas seulement de la représentation.
Car un féminisme qui ne parle pas lorsque des femmes meurent de faim sous le siège n'est pas du féminisme. Un féminisme qui ne pleure pas lorsque des filles sont retirées des décombres n'est pas du féminisme. Et un féminisme qui ne peut pas dire Gaza n'est pas du féminisme. C'est une performance.
Je demande donc, avec amour et non avec reproche : notre mouvement mondial peut-il s'étendre suffisamment pour accueillir la douleur, la force et la vérité des Palestiniennes ? Peut-il s'agenouiller à nos côtés, nous écouter, se tenir à nos côtés, non pas parce que nous sommes parfaites, mais parce que nous sommes humaines ?
Car c'est là aussi que réside le combat. C'est là aussi que commence la libération.
Nadine Quomsieh, féministe et conteuse palestinienne, est codirectrice du Cercle des parents – Forum des familles Parents Circle – Families Forum. Elle vit à Bethléem.
Nadine Quomsieh, Haaretz, dimanche 27 avril 2025 https://www.haaretz.com/opinion/2025-04-27/ty-article-opinion/.premium/a-feminism-that-cannot-name-gaza-is-not-feminism/00000196-7748-d41c-a7ff-ff6fc7b60000