Opinion
Europe, Israël, Gaza :
le triangle de culpabilité qui mène au génocide
Carolina Landsmann, Haaretz, jeudi 29 mai 2025

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Pro-Israel demonstration in Berlin 2023.
Credit: Michael Kuenne/PRESSCOV/Sipa USA
Je voudrais mettre en évidence un triangle d'intérêts subconscients qui agissent sous la surface de la politique apparente, et qui mènent au génocide de Gaza : la culpabilité européenne, l'aspiration des Palestiniens à un événement créateur d'État et le désir sioniste d'être une nation comme toutes les nations.
Ce tryptique inconscient ne saurait se substituer à la lecture de la carte des intérêts et des forces manifestes et reconnus qui dictent les actions d'Israël, des Palestiniens et du monde. Et il ne remplace certainement pas le contexte le plus important – le conflit israélo-palestinien, dont l'occupation est au cœur et les crimes de guerre entre ses mains – mais le complète.
Premier point du tryptique : l'Europe. Depuis 80 ans, l'Europe – et l'Allemagne en particulier – porte la blessure de l'Holocauste comme une culpabilité the Holocaust wound as a guilt qui ne guérit pas. Cette culpabilité a été transmise comme en héritage. La troisième génération, qui a les mains propres, cherche à en sortir. Mais pas dans le déni. Si la victime est perçue comme celle qui commet aussi des crimes odieux, le bourreau pourrait être absous de l'exclusivité de sa culpabilité. Ce n'est pas seulement nous ; cela leur arrive aussi.
D'où la position profonde, presque inconsciente, qui explique la clémence de l'Europe face aux crimes israéliens à Gaza. Non seulement elle ne se hâte pas de les dénoncer, non seulement elle n'agit pas pour les arrêter, mais ce silence lui-même découle d'un désir caché : qu'Israël commette effectivement l'impardonnable afin qu'il soit possible de pardonner.

Les gens se sont regroupés devant la porte de Brandebourg
pour le rassemblement final de la « Marche de la vie »
contre la haine des Juifs et l'antisémitisme et pour Israël en 2022.
Credit: Christoph Soeder / DPA / dpa Picture-Alliance via AFP
Le deuxième point concerne les Palestiniens. À ce chaudron d'intérêts cachés s'ajoute la compréhension historique des Palestiniens selon laquelle les Juifs ont reçu un État après l'Holocauste. En tant que nation aspirant à un État, ils ont donc un intérêt caché à subir leur propre Holocauste.
Dans un article précédent, j'ai mis en garde contre le « piège génocidaire » warned of the "genocide trap" tendu par le Hamas à Israël. Malheureusement, je n'ai pas explicitement écrit ce qui me semblait évident : qu'Israël ne doit pas tomber dans ce piège, et que ce piège ne l'exonère pas de sa responsabilité dans le contexte historico-politique qui a conduit au 7 octobre ou à ses représailles à Gaza.
Le troisième point concerne l'intérêt caché des sionistes à être une « nation comme toutes les nations ». Si nous sommes dans la position d'agresseur ultime, nous serons libérés du rôle de victime ultime, et alors, peut-être, pourrons-nous vraiment être comme toutes les nations, normaux pour le meilleur et pour le pire, et repartir à zéro avec l'histoire.

Un groupe d'extrême droite israélien brandit une banderole
sur laquelle on peut lire « Pas de victoire sans Nakba »
à Jérusalem, lundi.
Crédit : REUTERS/Ammar Awad
Encore une fois, je ne parle pas d'intérêts conscients, dont l'un est d'occuper le plus de territoire possible avec le moins d'Arabes as much territory as possible with as few Arabs possible, comme le prétend sans vergogne l'extrême droite. Je parle des intérêts inconscients des Israéliens, à un niveau dont nous sommes si loin d'en avoir conscience que nous sommes dans un déni total, comme en témoigne la conviction que « Tsahal est l'armée la plus morale du monde ».
Je souhaite proposer un cadre analytique, et non conspirationniste. À mes yeux, la jonction de ces trois points – un triangle d'intérêts inconscients – crée un champ de forces tendues qui tire dans une direction opposée à celle des mots, dans lequel le monde entier regarde Gaza sans pouvoir se décider. Les horreurs ne sont pas commises pour apaiser ce triangle, mais sont perpétrées en son sein.
Ce triangle, dans sa forme déformée, donne aux horreurs une justification, une explication et aussi une récompense. Il atténue les freins de l'intérieur et les protestations de l'extérieur. Force est de constater que personne n'arrête réellement Israël, ni de l'extérieur ni de l'intérieur.
Israël doit reconnaître la possibilité qu'il ait franchi les limites, non pas en dépit de son passé juif, mais à cause de lui. Nous avons donc une double responsabilité : envers nous-mêmes et envers tous ceux qui observent depuis la ligne de touche, espérant régler leur compte à leur place.
Carolina Landsmann, Haaretz, jeudi 29 mai 2025 (Traduction Google) https://www.haaretz.com/opinion/2025-05-29/ty-article-opinion/.premium/europe-israel-gaza-the-guilt-triangle-that-leads-to-genocide/00000197-1d88-d57f-a7d7-3fead9750000