Pepe Escobar, affabulateur respecté au Brésil

Découverte de Pepe Escobar

Dans une interview en français au moment des "nuits debout" en mai 2016, le cercle des Volontaires publie une interview d'un journaliste brésilien parlant très bien français sur la destitution en cours de Dilma Rousseff. Dans ce moment d'incertitude, il donne une vue claire du rôle des USA, de la NSA et du juge Sergio Moro. Il y décrit l'intérêt des USA pour le Brésil et son pétrole sous-marin, et l’espionnage de la société Petrobras par la NSA, l'utilisation par les américains du juge Moro pour évincer le PT (Parti de Lula et Dilma Rousseff) du pouvoir, et la stratégie de l'ambassadrice US Liliana Ayalde, déjà liée à d'autres coups d’État en Amérique Latine. Il annonce par avance la destitution pour des motifs futiles de la présidente élue, et la condamnation de Lula dans un procès fabriqué. Tout sera confirmé par les enquêtes de la justice et de la presse, comme en France celle du Monde cinq ans plus tard.

Pepe Escobar, est invité régulier de la TV247 (supposée liée au PT), et publie régulièrement dans son journal, que j'ai confondus par la suite par commodité. Il dispose d'informations, et décrit les stratégies de politique internationale.

Son thème de prédilection est l'Eurasie, centrée sur la Russie, dont l'irruption entérine le déclin de l'occident. Cette Eurasie sera alliée de l'Amérique Latine, et du Brésil en particulier : L’Eurasie prend forme. (The Saker, traduit dans Le Saker Francophone). En portugais, "nova ordem mundial está sendo formada na Eurásia" (2018) entre autres.

 Affirmations douteuses.

Ses articles, publiés dans de nombreux organes, sont répercutés d'un site à l'autre, souvent traduits de l'anglais.

C'est lors de la crise du Covid que l'on voit apparaître des textes qui éclairent sa position.

Il sera contre le confinement pendant la crise du Covid19 :

"un débat acharné fait rage dans le monde entier sur le bien-fondé d’une quarantaine de masse appliquée à des villes, des États et des nations entières", ouvrant "une prise de contrôle totale des médias corporatifs [...] le confinement de la Planète – un euphémisme pour dire « assignation à résidence » – sera maintenu, indéfiniment". Il s'agit d'une gigantesque opération de désinformation : "Les médias corporatifs occidentaux, en masse, ont pratiquement ignoré la myriade de conséquences économiques dévastatrices du confinement de la planète. " (source)

Il défend l'hydroxychloroquine et le Pr Raoult dans Brasil247  :

"Raoult a participé à un essai clinique dans lequel l'hydroxychloroquine et l'azithromycine ont guéri 90% des cas de Covid-19 identifiés à des stades très précoces."

A ce point, on a l'impression d'entendre le discours officiel de Bolsonaro, que les brésiliens ont pu comprendre plus tard au moment de la Commission Parlementaire d'Investigation sur la gestion du pandémie ("CPI da Covid"). Au cours des longs débats d'avril à juin 2021, ils ont pu découvrir que cette désinformation était la base d'un vaste système de corruption et d'enrichissement.

Le discours de Pepe Escobar n'est pas gratuit non plus :

Sur le vaccin, il accuse l'OMS et son directeur d'obéir à des motifs politiques, qui lient l'UE, Wall Street, la FED, la CIA et l'investisseur BlackRock, le vaccin contenant des micropuces pilotées par intelligence artificielle (Tour de Contrôle à Planète en Confinement : Ce n’est qu’un test ):

"Ce sont là les marques sans équivoque d’un projet massif de restructuration sociale, avec une surveillance complète, un contrôle de la population et une distanciation sociale promue comme la nouvelle norme. […] Le scénario le plus plausible pour notre avenir immédiat se lit comme des regroupements de villes intelligentes reliées par IA, avec des personnes contrôlées en permanence et dûment micro-pucées faisant ce dont elles ont besoin avec une monnaie numérique unifiée, dans une atmosphère de Panopticum de Bentham et Foucault en surrégime." (ibid)

Un vaccin qui implantait des puces électroniques, pour permettre le pilotage de la population par de l'Intelligence Artificielle via des villes intelligentes, au service de l'UE, de la FED et de la CIA  ! Diantre ! Ce n'est plus de l'erreur, c'est de la paranoïa.

Le Pentagone et la CIA savaient ce qui allait se produire (en anglais) :

[…] la seule conclusion possible et logique est que le Pentagone - et la CIA - savaient à l'avance qu'une pandémie serait inévitable. C'est la preuve tangible. Et maintenant, tout le poids du gouvernement des États-Unis couvre toutes les bases en blâmant la Chine […].(source)

Finalement, il accusera dans un article de Asia Time et dans Brasil247 les USA

d'être à l'origine du virus COVID-19, qui aurait quitté l'Institut de recherche médicale sur les maladies infectieuses de l'armée américaine à Fort Detrick, dans le Maryland, et aurait ensuite été emmené en Chine au Jeux mondiaux militaires de Wuhan 2019.

Toutes les recherches scientifiques sur le Covid dans les laboratoires occidentaux seraient donc manipulées par la CIA, l'UE, Wall Street, la FED, la CIA et l'investisseur BlackRock. Les chercheurs apprécieront.

Ces discours répétés devraient définitivement disqualifier ses commentaires sur tous les autres sujets.

Ses affirmations, toujours catégoriques, peuvent évoluer au cours du temps :

sur la Syrie, où Hafez el Assad, installé par coup d'Etat en 1970, un pouvoir dictatorial et extrêmement corrompu, transmis à son fils Bachar en 2000.

• en 2012 : "Il est juste d’affirmer qu’une majorité de Syriens veut autre chose que le régime d’Assad" [...]. (La Voix de la Syrie,)

• en 2022 : L'ambassadeur adjoint de Russie à l'ONU, Vladimir Safronkov, a réduit en poussière « l'obsession occidentale du changement de régime » en Syrie [...]. (The Saker, 13 mai 2022, repris dans Brasil247)

 Quelle ligne générale ?

Pepe Escobar est un journaliste informé. Il égrène régulièrement des idées mêlant évidences, vérités, demi-vérités, affabulations et mensonges.

Ses présentations racontent d'une part les plans machiavéliques des dirigeants occidentaux et d'autre part les accords entre pays formant l'Eurasie, composée autour des pays formant l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui réunit la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, le Pakistan et l'Iran, auxquels il associe les BRICS, groupe formé du Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (rejoints éventuellement par l'Argentine, de la Turquie et l'Algérie). Il nomme sa vision des événements "géopolitique". Elle est constituée de révélations sur des accords, publics ou secrets, de dirigeants politiques ou de grandes entreprises.

Sa vision de l'Histoire rappelle celle des rois, des mariages, et des batailles, qui composait la trame des anciens manuels scolaires. Cette vue est heureusement abandonnée par les historiens actuels, qui attribuent les mouvements de l'histoire au développement de l'économie, à l'évolution des cultures, des mœurs et des religions (Il est curieux de voir que sa vision fondamentalement anti-marxiste de l'histoire est suivie par une partie de la gauche brésilienne). Les peuples sont totalement absents de la "géopolitique" de Pepe.

Pourquoi l'Eurasie ?

L'idée date du XIXe siècle, mais dans son sens actuel, ou néo-eurasisme vient du théoricien d'extrême-droite Alexandre Douguine, considéré comme un des inspirateurs de Vladimir Poutine (Wikipedia), et qui n'a (comme Poutine) n'a que mépris pour l'Europe déclinante.

Le néo-eurasisme est décrit par le politologue Andreas Umland comme « une forme particulièrement extrême d'impérialisme russe » et comme anti-démocratique. Membre permanent du Club d'Izborsk, Douguine aspire à la fondation du « Cinquième Empire », — « après la Rus' de Kiev (du IXe au XIIIe siècle), le royaume moscovite, l’empire pétersbourgeois des Romanov et l’URSS » […] À l'universalisme atomisant de l'Occident, Douguine oppose un autre universalisme qui s'exprime dans l'idée politique d'empire, qui est pour lui une valeur suprême et sacrée : « Pas une nation, mais un empire. Pas le monde bourgeois westphalien, mais l'ordre sacré de la grande étendue. » Il rejette l'idée que la démocratie et les droits humains sont des valeurs universelles.(Wikipedia, Alexandre Douguine)

Reprenons l'Histoire : La Russie s'est forgée principalement à partir de la colonisation venue l'Europe, depuis les vikings au IXe siècle au Rus de Kiev. Sa religion, sa science, sa littérature, sa musique sont issus d'échanges occidentaux et n'ont pas grand-chose en commun avec ceux de la Chine ou de l'Inde. (Ses seules racines asiatiques viennent des mongols, mais la Mongolie est absente de l'OCS, comme un trou dans sa carte.)

L'idée d'Eurasie s'est cristallisée dans l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Elle regroupe des pays majoritairement de culture orthodoxe pour la Russie, musulmane pour le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, le Pakistan et l'Iran, athée (ou confucéenne) pour la Chine. L'OCS a pour but affiché : "assurer la sécurité collective de ses adhérents face aux menaces « du terrorisme, de l'extrémisme et du séparatisme" (OCS dans Wikipedia). On est loin de la formation d'un empire.

Si on veut trouver un point commun entre ces pays, il faut regarder la carte des des inégalités. Dans un des derniers articles de Pepe Escobar dans AlJazira, Pepe disait "Le nom du jeu est l'inégalité." :

• Au vu de l'histoire et de la culture de ces pays, il n'est pas envisageable dans les prochaines dizaines d'années que l'OCS ne soit autre chose qu'une alliance économique, voire militaire pour des actions spécifiques. Poutine vient d'en faire l'amère découverte lors de la réunion plénière de l'ONU, où les représentants chinois et indien ont pris leur distance avec les surenchères de Moscou lors de la 77e Assemblée générale des Nations unies (Le Monde, 23/09/2022).

• Quant aux BRICS, Paulo Nogueira Batista, premier directeur de la banque des BRICS le précise clairement : "Les BRICS n'ont jamais été, ni prétendu être, une alliance politique".

Qui est Pepe Escobar ?

Cet affabulateur est "Le meilleur correspondant international de l'Histoire", dit de lui Leonardo Attuch (TV247). Pourtant, ce journaliste international n'a jamais été publié ni mentionné dans les grands journaux du domaine : Foreign Affairs (américain, qui a publié une défense de Lula), ni Le Monde Diplomatique, et n'est cité accessoirement qu'une fois dans Le Monde Diplomatique/ Brasil.

Né en 1954, il a travaillé pour la Folha de S. Paulo, O Estado de S. Paulo e Gazeta Mercantil, Carta Capital, Al Jazira et The Real News.

"Le passage de Pepe Escobar dans les médias brésiliens en tant que critique culturel s'est terminé de manière tumultueuse en raison d'une « polémique qui a miné sa crédibilité en tant que critique et plus tard en tant que journaliste musical » : accusations de plagiat et fabrication d'articles. […]

Pepe Escobar a été licencié de l'Ilustrada da Folha de S. Paulo après la publication d'une critique d'un disque de David Bowie (Let's Dance), entièrement plagié d'un livre sur le rock publié par le magazine Rolling Stone. […] Dans le magazine Bizz, le plagiat a été identifié dans une interview avec Bryan Ferry, ancien dirigeant de Roxy Music. Dans O Estado de S. Paulo, Escobar aurait inventé de toutes pièces une interview du cinéaste franco-polonais Roman Polanski, provoquant également son licenciement et l'amenant à continuer sa carrière à l'étranger. […]

Depuis 1985, il travaille comme correspondant étranger et analyste géopolitique. Il a vécu à Londres, Paris, Milan, Los Angeles, Washington D.C., Bangkok et Hong Kong." (Wikipedia Br Pepe Escobar).

"Il concentre son travail sur l'Asie centrale et le Moyen-Orient, et couvre l'Iran de façon continue depuis la fin des années 1990" (Wikipedia Fr).

[…] En tant que correspondant itinérant du site Asia Times Online (basé à Hong Kong), il a tenu la chronique The Roving Eye de 2000 à 2014, période durant laquelle il a réalisé quelques-uns des travaux qui ont marqué sa carrière. […] À deux reprises, le journaliste a été nommé dans des documents internes du département d'État américain qui le lient à un écosystème de fausses nouvelles du gouvernement russe de Vladimir Poutine, avec des liens étroits avec l'extrême droite mondiale. […]. L'écosystème de désinformation et de propagande de la Russie est un ensemble de canaux de communication (officiels, par procuration et non attribués) et de plates-formes que la Russie utilise pour créer et amplifier de faux récits'. L'idée derrière un tel réseau serait d'influencer la scène internationale avec des opinions pro-russes et anti-occidentales, en utilisant des techniques dites de post-vérité telles que les fake news et l'infiltration massive de robots sur les réseaux sociaux. Pour cela, le réseau ferait appel à des étrangers (non russes) qui ont une pénétration dans les médias internationaux, notamment ceux qui publient en anglais. Une étude de cas spécifique citée dans le document montre qu'un tel réseau était responsable, à grande échelle, de la diffusion de fausses nouvelles liées à la pandémie de COVID." (Wikipedia Br Pepe Escobar).

Pepe Escobar est cité quatre fois dans le document du Département d’État américain "Pillars of Russia’s Disinformation and Propaganda Ecosystem" (en français, "Les piliers de l’écosystème de désinformation et de propagande de la Russie"). Il publie dans six des sept canaux de désinformation dénoncés. Selon cette étude, de faux récits seraient produits par le gouvernement russe, développés par des analystes et des journalistes dans des publications financées par eux et ensuite diffusés par un écosystème médiatique composé des moyens les plus populaires tels que RT, Sputnik, des publications locales dans le pays et avec de faux profils sur les réseaux sociaux. (Wikipedia Br Pepe Escobar).

Une étude du Centre d'analyse de la droite radicale, basé au Royaume-Uni, pour l'étude et la lutte contre l'extrémisme de droite et les phénomènes croisés (par exemple, le populisme, le genre, l'antisémitisme et l'islamophobie)… confirme ces données Comment les théories du complot sur la COVID et la Syrie introduisent le fascisme à gauche. "Ce tel réseau aurait une grande influence sur les récits développés dans le champ politique de l'extrême droite mondiale. Reflétant ce lien, Escobar devient un ami personnel du philosophe d'extrême droite Aleksandr Dugin, conseiller du président russe Vladimir Poutine."

Selon le Global Engagement Center (GEC) du Département d'État, 'Pepe Escobar a commencé à écrire des articles pour Global Research en 2005 et dix ans plus tard est devenu un auteur du Strategic Culture Foundation (SCF). Selon le GEC, Strategic Culture Foundation (SCF) et Global Research agissent comme des sites de propagande pro-russes. Quant à Russian Times, RT, il "n'a pas peur de donner la parole à des intellectuels anti-occidentaux tels que Pepe Escobar qui suggère de diviser l'Ukraine entre la Pologne et la Russie." (Conseil européen des relations étrangères (ECFR), premier groupe de réflexion pan-européen : "WHAT DOES UKRAINE THINK?"

Conclusion

Faut-il faire confiance au Département d’État ? On sait qu'il a menti dans plusieurs situations. Aux think-tanks européens ? A personne, en fait.

Mais il est clair que Pepe Escobar a affabulé au moment de la crise du Covid en adoptant le même discours que Bolsonaro, et en lui ajoutant des éléments fantasmagoriques comme les puces pilotées par intelligence artificielle au service de l'UE, de la CIA et de la FED (j’oublie les villes intelligentes).

Ses causeries régulières sur les accords en train de se nouer, donnent à la poignée de main de Sotchi à la fin des jeux olympiques entre Xi Jing Ping et Poutine, le titre d'"événement le plus important du millénaire". Elles racontent une Histoire faite par les chefs, dans laquelle les peuples n'ont pas à se manifester.

C'est parfaitement cohérent avec son thème central de "l'Eurasie qui va dominer le monde", et qu'il oppose aux "occidentaux". Il est clair que ce groupe de pays, qui regroupe 40 % de la population mondiale, va devenir dominant. Mais quelle cohérence représente-t-il ? Dès le premier conflit, Poutine reçoit des appuis verbaux, mais est obligé de brader ses ressources pour que l'Inde et la Chine les achètent. Ils ne lui fournissent ni appui militaire ni même politique.

L'Eurasie rêvée par le politicien d'extrême-droite Alexandre Douguine, et dont Pepe Escobar est le porte-parole, est un accord de défense, l'OCS, sans projet politique, et les BRICS un accord économique et financier.

Comme les autres, les pays de l'OCS et le BRICS, Russie en tête, assistent à l'ascension de la Chine. Quels profit en tireront-ils ? Pepe Escobar a réponse à tout, il faut lui demander.