Savoir que je vais pouvoir recevoir mon journal, l'Humanité, en 2020 me fait un immense plaisir. Ce n'était pas gagné. Ce journal a toujours été menacé, depuis sa naissance, parce qu'il a toujours représenté, quelles que soient les viscissitudes et valses hésitations de l'histoire française, la résistance face aux dictatures, aux occupations, la résistance sociale ainsi que l'expression de la remise en cause du capitalisme pour instaurer une société juste et humaine. On l'appelait hier le socialisme. Le mot a été tellement secoué, dévoyé et ridiculisé que beaucoup n'osent plus l'exprimer. Et pourtant...
La question est d'actualité. Il faut redonner à ce mot ses lettres de noblesse. Nos amis cubains et bien d'autres s'en inspirent pour avancer, dans des conditions bien différentes des nôtres. A tourner autour du pot en cherchant des mots de substitution ou en accolant le mot à des luttes dans le vent du moment, nous prendrions le risque de nous enrouler dans une corde que nous aurions tissée nous même à ne plus pouvoir nous faire comprendre par les citoyens qui, et c'est bien normal par les temps qui courent, cherchent une issue pour sortir des impasses répétées de notre histoire. Il ne s'agit pas bien sûr de répéter un mot à toutes les phrases comme un bréviaire religieux. Mais il faut que le mot soit remis en confiance dans le vocabulaire des communistes, en n'oubliant pas Jaurès et en donnant un contenu concret à sa signification.
L'élargissement du lectorat de l'Humanité dépend à la fois d'une écoute de la société telle qu'elle est aujourd'hui, avec ses questionnements et ses urgences, et le maintien de ces valeurs socialistes et communistes qui font son originalité.
C'est un défi qui concerne la rédaction et TOUS les lecteurs du journal, qu'ils soient communistes ou non. Il est d'autant plus important que la presse indépendante a été dramatiquement réduite à la faveur des concentrations et des liquidations qui se sont opérées dans le monde médiatique essentiellement sous le contrôle des champions de la finance. L'Humanité n'est pas seule bien sûr. Il y a d'autres médias tels que Mediapart que je salue aujourd'hui pour me permettre d'exprimer mon opinion sans aucune censure et dans le respect de sa charte.
Il ne doit pas y avoir dans la presse progressiste de concurrence malsaine mais une vraie complémentarité qu'il faut savoir utiliser dans un cadre qui soit le plus large possible, en favorisant toutes les initiatives d'expression, notamment dans le cadre territorial mais aussi dans les entreprises où la communication patronale est devenue l'unique voix d'expression. En effet, sans le débat des idées au sein d'une presse dégagée de la dictature financière, les valeurs qu'on défend risquent de se rabougrir et de finir dans les errements qui nous ont tant fait souffrir hier.