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Billet de blog 2 mars 2022

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Ukraine: "Il faut penser avant de s'indigner"

Edgar Morin vient de nous rappeler magnifiquement, à propos de l'Ukraine et de la Russie, qu'il faut penser avant de s'indigner. Je reprends à ma manière ses idées ; le rôle scandaleux de l'Occident dans ce conflit, à travers l'Otan; le jeu des influences internationales à visée politique et d'abord économique. Cela n'empêche de condamner, mais lucidement.

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                                       Ukraine : « Il faut penser avant de s’indigner » 

J’ai eu l’occasion de présenter ici ma position sur ce qui se passe en Ukraine, à la fois intransigeante et nuancée, quitte à être minoritaire sur ce média et au-delà. Mais je viens de lire une remarquable interview d’Edgar Morin dans un journal de province, qui rejoint totalement ce que je pense et je voudrais en faire profiter les acteurs de Mediapart à ma manière, pour contribuer en plus, aidé par sa notoriété, à éclairer un débat important (pour le moins) dans un sens progressiste.

1 D’abord, il y a la question du respect de l’indépendance des peuples et des nations dont on oublie scandaleusement à quel point elle a été bafouée par l’Occident (capitaliste) dans le passé sans qu’on s’en indigne beaucoup : la guerre de (et contre) la Yougoslavie de 1991-1995 (avec ses milliers de victimes), celle du Kosovo en 1998-1999, suivies du démantèlement d’un Etat souverain. Et on ajoutera que la France, qui s’indigne aujourd’hui, y est intervenue ainsi que l’Otan, d’une manière meurtrière ! Il faudrait tout de même s’en souvenir et cesser d’avoir l’indignation unilatérale, c’est-à- dire tournée exclusivement vers l’Est !

2 Par ailleurs, ce conflit s’explique aussi par le fait que la Russie post-soviétique se sent menacée par l’élargissement de l’Otan dans la région, contrairement à la promesse faite à Gorbatchev en 1991, rappelle justement Morin. Et si on laisse de côté le souvenir des méfaits du stalinisme en Ukraine, qui divise en partie ce pays, il y a aussi son passé trouble avec le nazisme durant la seconde guerre mondiale, que Poutine exploite facilement, sinon cyniquement, pour se justifier.

3 Enfin, et surtout, il y a ce que j’ai signalé dans mon précédent billet, un jeu d’influences internationales, grâce à l’Otan, à nouveau, qui est sous la coupe des américains… même si Biden semble se faire plus modeste. Ce « jeu » a un enjeu : l’hégémonie au plan mondial et il faut, ici encore, se souvenir des exactions des Etats-Unis à propos de Cuba autrefois (et encore aujourd’hui) et, bien entendu, en Amérique latine (voir le dramatique épisode chilien). Mais il y a aussi ou parallèlement un enjeu directement économique : l’exploitation des ressources naturelles d’un pays qu’on veut dominer et c’est spécialement le cas s’agissant de l’Ukraine en matière de richesses agricoles. La guerre tout court est donc l’instrument d’une guerre économique qui est fondamentale et constante. Marx, cité avec des nuances par Morin, aurait été d’accord avec tout cela pour une raison simple : son analyse de l’expansion mondiale du capitalisme avait mis déjà l’accent sur les dangers divers de son impérialisme économique. On devrai lire ou relire ce grand penseur, si on l’a déjà lu mais oublié !

Tout cela, j’y insiste ne revient pas à donner quitus à l’action guerrière de Poutine : il faut la condamner et trouver une solution pacifique à ce conflit.d’une rare gravité, alors que l’on croyait que la fin de la « guerre froide », avec la chute du Mur, allait pacifier le monde. Et bien non. Nous sommes à l’heure de la montée des nationalismes dans un monde dominé par l’argent et au sein d’une forme de société, mieux de civilisation qui « machinise la vie » et nous fait oublier les impératifs de la morale en politique. Continuons donc à condamner l’action irresponsable et inhumaine de la Russie, proposons une solution qui pourrait être celle de faire de l’Ukraine une nation « neutre » hors de l’Otan et, surtout, songeons à un « post-capitalisme ».seul à même de pacifier la planète et d’y installer un vivre-ensemble profitable à tous. C’est cela « penser avant de s’indigner » !

                                                                    Yvon Quiniou

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