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Billet de blog 3 juillet 2024

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Législatives, 2ème tour: une information médiatique malhonnête

A quelques jours du second tour des législatives, nombre de médias trahissent leur mission d'information : vocabulaire des extrêmes,dénigrement de LFI, non respect de la pluralité du Front populaire, tout cela au risque de favoriser électoralement un RN d'extrême-droite et proprement épouvantable. Sans compter un souhait implicite d'une union des centres droit et gauche. Scandaleux!

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                        Législatives, 2ème tour : une information médiatique malhonnête 

La manière dont les médias dominants, y compris la télévision publique, commentent les élections législatives est d’une malhonnêteté rare et d’une dangerosité grave, du même coup. Je m’explique en détaillant.

On est tout près, du second tour de ces élections où va se jouer un moment très grave de notre histoire politique, avec un « jamais vu » depuis disons cinquante ans : la possibilité d’une arrivée au pouvoir d’un parti d’extrême-droite qui, s’il a « oublié » son passé pro-nazi, est d’un nationalisme exacerbé et irresponsable, libéral en économie et donc hostile au peuple (même si celui-ci ne s’en rend pas compte), mais aussi d’un racisme très fort, anti-immigrés en général, qui masque ainsi son anti-sémitisme particulier : il est par conséquent à la fois antimusulman et antisémite ! Or j’assiste à des dérapages de vocabulaire un peu partout dans les médias, en faisant exception pour L’Humanité avec un éditorial du mardi 2, impeccable sur le fond et la forme quand on se veut de gauche, et j’en excepte aussi Le Monde, Libération et La Croix ; mais je condamne, à l’inverse, la régression politique actuelle de Marianne, hebdomadaire que j’estimais jusqu’à présent et qui dérive vers un centrisme sans ambition humaine. Comment pointer ces dérapages ?

D’abord il y a le langage des « extrêmes » qui s’opposeraient comme si, dans les deux cas, le vocabulaire de l’extrémisme était valable au sein d’une opposition binaire qui revient à discréditer globalement le Front populaire en faisant fi de tout ce que son programme comporte de progressiste et de généreux, et qui est parfaitement raisonnable ou réaliste, contrairement à celui, aberrant quoique masqué, du RN.

A quoi il faut ajouter des appellations mensongères. D’abord  il y a le discrédit totalement injuste visant LFI quand on lui attribue, via Mélenchon (j’en ai déjà parlé ici), un antisémitisme sans aucun fondement : Mélenchon est critique à l’égard de la politique colonisatrice et meurtrière de l’Etat israélien vis-à-vis des Palestiniens, ce qui constitue un antisionisme justifié, tout simplement, et que l’Occident a du mal à reconnaître car il soutient le régime économique pleinement capitaliste d’Israël. Le dirigeant de LFI n’est donc en rien anti-sémite comme on le prétend mensongèrement et d’une manière politicienne. Par contre il a l’honneur de défendre les musulmans vivant en France, dont la situation sociale est souvent lamentable et même s’il sous-estime l’aspect fondamentalement négatif de leur religion, ce qui est une tout autre question. Car si ceux-ci ont des droits dès lors qu’ils vivent et sont acceptés normalement en France, ils ont aussi des devoirs, celui d’accepter les lois du vivre-ensemble d’une République laïque, sans prosélytisme anti-laïque.

Or il y a une deuxième assimilation tout aussi partiale et mensongère, celle qui est faite entre le Front populaire et LFI : celle-ci vise à discréditer le Front de gauche, sur la base de ce préjugé indiqué, alors qu’il est une union de diverses organisations aux orientations politiques particulières - LFI, certes, mais aussi le PS, les Ecologiques et le PCF, lequel n’est pas rien à différents points de vue et qui est rarement mis en avant.

Enfin, et c’est un problème d’une tout autre nature, il y a l’option politiquement partisane de bien des médias comme, j’en ai ici parlé, celle du journal Ouest-France. Celui-ci non seulement a pris parti officiellement la semaine dernière contre le Front de gauche et son programme (voir mon précédent billet), mais il a trahi, ce faisant, son orientation « sociale-chrétienne » originelle et, tout autant, il est devenu un journal de « patrons » visant le profit commercial et oubliant sa vocation journalistique et informative, comme l’a indiqué l’un de ses employés en grève récemment (je n’invente rien). Et il continue sur cette base en prenant parti aujourd’hui pour une alliance du centre droit et du centre gauche, hors du Front de gauche !

On voit alors la question de fond qui est ainsi posée par cette dérive médiatique, à condition d’être soi-même honnête. Il est clair qu’un média, quel qu’il soit et spécialement lorsqu’il est le porte- parole d’une organisation politique et donc un organe d’opinion, a parfaitement le droit, en démocratie, d’avoir un parti-pris ou, si l’on préfère, de prendre parti publiquement. Mais il y a une déontologie de l’information en tant que telle qui veut que celle-ci, à son niveau propre, soit objective ou exacte et donc vraie : c’est seulement ainsi que l’on aide les citoyens à être intellectuellement éclairés et donc libres dans leur prise de position. Ensuite, c’est le choix de la majorité ainsi éclairée qui doit être accepté légitimement au final d’une élection. La dérive que je viens de dénoncer n’y contribue pas !

                                                              Yvon Quiniou

NB : Autre exemple particulier, mais important : on peut accepter qu’un média affirme la possibilité théorique que, après le second tour des législatives, une union des centres ait lieu, en dehors du Front populaire. Mais celle-ci n’a pas à être pronostiquée comme une probabilité évidente, ainsi je l’ai entendu hier dans une émission télévisée de la 5, pourtant animée par des spécialistes compétents : ce pronostic n’est pas informatif mais performatif et, sous l’apparence d’une information neutre et distancée, il engage un choix partisan que l’on désire voir se réaliser et auquel on tente ainsi, subtilement, d’inciter l’auditeur… ou le lecteur.

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