Décidément, on aura tout vu en matière de scandales que sucite l'islam aujourd'hui. De grandes marques de vêtements viennent de lancer des tenues inspirées par la religion musulmane à destination des femmes, spécialement celles qui couvrent le corps de la tête aux pieds, ne laissant voir (tout de même) que le visage.Il y a là un double motif à se scandaliser, que j'entends vigoureusement signaler.
Le premier consiste à oublier ce que signifie le port du voile: non une marque innocente de pudeur, non le choix libre d'afficher une appartenance religieuse, mais une aliénation de la femme au sein d'une tradition qui l'infériorise par rapport à l'homme, la soumet à lui, celui-ci ne supportant pas qu'elle puisse un tant soit peu montrer son corps. Car c'est bien d'un enfermement du corps qu'il s'agit ici, issu de croyances religieuses rétrogrades et obscurantistes (que le christianisme a longtemps connues lui ausssi) et, plus spécialement, d'une négation de la féminité doublée d'une jalousie maladive chez l'homme musulman. Les féministes (E. Badinter en tête) ont totalement raison de dénoncer cela. On me répondra (et certains recourent naïvement à cet argumentaire) que la femme musulmane choisit librement cette attitude. Cela est faux, pour l'essentiel, car cela revient à oublier ce qu'est l'aliénation (terme désuet pour beaucoup, ou ignoré!): non la décision d'être ceci ou cela, de se comporter de telle ou telle manière, mais l'adhésion à des valeurs qui mutilent votre être et qui est issue d'un conditionnement idéologique très ancien et profond, lié à votre milieu d'origine. Au point que vous n'en avez pas conscience, que vous vous croyez libre alors que vous êtes esclave - sans compter les cas réels où cette adhésion est tout simplement contrainte. La conséquence est qu'un être aliéné est autre que ce qu'il pourrait être dans d'autres conditions sociales ou culturelles, en l'occurrence moindre, privé d'une partie de ses potentialités de vie, et qu'il ne le sait pas, bien entendu...pouvant même le désirer! C'est le cas de la femme musulmane qui ne peut épanouir ses aspirations ou capacités qui sommeillent en elle. Et elle ne s'en apercevra, très logiquement et comme dans tous les cas d'aliénation, que lorsqu'elle en sera sortie, rétrospectivement, donc. Entre-temps elle aura souffert. Je félicite donc notre ministre, Laurence Rossignol, d'avoir abordé cette situation de ce point de vue critique et sans complaisance, les concepts en moins.
Le deuxième motif de scandale, qui suppose que l'on soit d'accord avec ce qui précède, est en un sens pire, mais plus simple à comprendre. C'est la décision de grandes marques internationales de vêtements féminins de s'emparer de cette situation pour en faire un marché juteux, source de profit, à destination des femmes musulmanes (dotées d'un certain revenu!) ou d'autres même (!), dans une démarche mercantile ahurissante de cynisme, célébrant comme l'a dit justement l'un de nos reponsables politiques, "les noces barbares du cynisme marchand et de la bigoterie" - j'ajoute seulement: et de l'aliénation religieuse. Redoubler donc l'aliénation de la femme musulmane d'une exploitation économique de son statut, voilà un scandale à la puissance deux, qui témoigne à quel point l'amoralisme capitaliste, qui "noie tout dans les eaux glacées du calcul égoïste", est en train de polluer nos consciences et les réaction indignées à la position du gouvernement en sont une preuve supplémentaire.
Oui, il nous faut retrouver le vrai sens moral de l'indignation, hors de tout moralisme, qui s'inscrit dans la volonte d'émanciper l'humanité, sans distinction de genre, du règne délétère des religions et de la domination du Dieu "argent" sur nos existences, qui vont souvent de pair, hélas!
Yvon Quiniou. A paraître: "Pour une approche critique de l'islam" chez H§O.