La crise de la laïcité
Je me permets d’intervenir brièvement sur la laïcité et la crise qu’elle connaît ces temps-ci, à lire des journaux qui sont mes seules sources d’information dans ce domaine, comme pour beaucoup d’entre nous, sauf à me référer aussi à des organes engagés en sa faveur comme La raison ou les Cahiers rationalistes. J’interviens légitimement car au début de son quinquennat, en décembre 2017, notre président Macron s’était permis de réunir officiellement les quatre confessions religieuses de France pour saluer les religions en affirmant, sans sourciller, qu’elles « contribuaient à l’union de la Nation », tel quel. Or ce propos est tellement absurde quand on pense aux guerres qu’elles se sont livrées historiquement et qu’on y ajoute leurs soutiens aux pires régimes politiques facteurs de division sociale, que je lui avais répondu dans Le Monde (c’est le dernier article que ce journal ait accepté de moi) et cela me valut une semaine plus tard, une réponse injurieuse et d’une violence inouïe du représentant de la « laïcité molle », Jean Bauberot, proche du gouvernement et envoyé par lui, qui choqua bien de mes amis !
Ce n’est là qu’un point de départ pour ce qui suit, mais il traduisait bien une dérive idéologique, à visée électoraliste, dans ce domaine pourtant important depuis l’institution par Jaurès en 1905 de la loi de séparation de l’Etat et des Eglises, qui n’a jamais été remise en en cause, sauf sous Pétain ! Ce qui implique : 1 que l’Etat n’a pas à financer les écoles privées, de quelque obédience qu’elles soient et, 2, que la laïcité, c’est-à-dire en ce sens la neutralité religieuse y est obligatoire sous différentes formes : contenu de l’enseignement et signes visibles ou ostentatoires d’appartenance à une confession. Des accommodements ont pu avoir lieu concernant les écoles privées sous contrat, mais le principe a été maintenu jusqu’à ce que diverses entorses ou, carrément, scandales soient survenus, sous la pression fanatique de l’Islam, la pire des religions selon moi (j’en ai palé dans un livre) : le désagréable souhait du port du « voile » dans les sorties péri-scolaires, qui relèvent pourtant d’un registre d’activité de l’enseignement public – souhait refusé, mais avec difficulté ; et le drame abominable de l’assassinat de Samuel Paty perpétré sans raison valable par des musulmans « une fois de plus », fanatisés par des croyances irrationnelles et déraisonnables, et même franchement immorales.
Or on assiste ces temps-ci et alors que l’on pourrait s’attendre à une reviviscence de l’idéal laïque républicain en raison de ces faits et d’autres, reviviscence qui aurait pour objectif de nous mettre à l’abri de ces « dérapages » comme d’une crise possible de cet idéal républicain.. Or c’est malheureusement ce qui se passe et qu’un hebdomadaire courageux dans ce domaine a signalé. Dans le cadre d’une dégradation de l’enseignement public et des conditions de travail de ses professeurs (dont le gouvernement de Macron est responsable), on assiste d’abord à une fuite vers l’enseignement privé sur une double base : un désir d’ascension sociale – car ce sont les plus riches qui, globalement y placent leurs enfants – et, bien sûr, l’assurance d’un bon fonctionnement de leur établissement pour les élèves, leurs enfants chéris. Mais il y a plus grave pour notre sujet et qui m’a paru incroyable car je ne le soupçonnais pas : dans ces établissements la neutralité religieuse n‘est pas de droit, non seulement s’agissant de la foi chrétienne – ce qui va de soi – mais aussi s’agissant des autres croyances religieuse avec leurs signes publics d’appartenance, y compris la musulmane, ce qui est difficilement compréhensible tant les diverses religions se sont opposées et même haïes ! Or on assiste dans certaines villes à une ruée des musulmans dans des lycées pourtant catholiques (comme à Marseille ou en Seine-Saint-Denis) pour la simple raison que le multiculturalisme y est autorisé, sinon même favorisé matériellement.
Or, et c’est encore plus grave, ce même multiculturalisme est bien accueilli et même valorisé dans les classes de l’enseignement public au nom de la différence et d’une conception abstraite, irréaliste et dangereuse s’agissant de sa conséquence concrète : la difficulté de faire accéder tous les élèves à la libre pensée, à l’examen critique des excès religieux de tous ordres à l’aide de la raison et donc à la paix intellectuelle qu’elle procure. Or il faut aller encore plus loin dans ce bref examen de cette triste situation : il y a bel et bien une montée sociale de ce même multiculturalisme, qui affecte certains intellectuels défaillants, ignorants et irresponsables, y compris à l’extrême-gauche, mais tout autant certains de nos .responsables politiques, dont notre ministre de l’éducation Ndiaye. C’est ainsi que le Conseil des sages de la laïcité a accueilli, avant de l’évincer pour ses excès idéologiques, un certain Policar prétendant que la laïcité se confond avec « l’hostilité aux religions » (citation du journal Marianne), oubliant que n’est pas le cas et que, par ailleurs, la critique des religions est de droit depuis la philosophie des Lumières, Kant avec son soutien à une religion « dans les limites de la simple raison », et tous les grands penseurs qui l’ont suivi : Feuerbach, Marx, Freud puis, plus tard Russell, par exemple. Enfin, dernier scandale à l’initiative de Ndiaye, déjà cité : la décision de supprimer l’autonomie ou, en tout cas, l’initiative d’avis public, dans ce domaine, du nouveau Conseil des sages : il ne doit plus agir que « sur saisine du ministre » ! Décidément Jaurès doit se réveiller dans sa tombe !
On voit donc à quel point l’idéologie politique actuelle régresse intellectuellement et moralement, rejoignant les pires défauts du libéralisme économique en pleine expansion !
Yvon Quiniou