Macron et Depardieu : double indignité !
La manière dont Macron s’est comporté dans « l’affaire Depardieu » est indigne du président qu’il est censé être (et pour qui j’ai voté pour battre Le Pen), et je voudrais décomposer cette indignité.
1 Il n’est pas question d’empêcher quiconque, fût-ce un acteur célèbre, d’avoir la vie sexuelle qu’il désire dès lors que celle-ci respecte les lois de la conduite dans ce domaine, à savoir s’interdit le viol, les violences sur la personne et les agressions verbales d’une vulgarité crasse. Or ce n’est pas le cas de Depardieu en toute hypothèse : il est accusé de viol même si la présomption d’innocence interdit juridiquement de valider cette accusation. Par ailleurs, il est attesté par de nombreux témoins que ses comportements à l’égard des femmes d’un statut professionnel « inférieur » lors du tournage de ses films, sont, au minimum, d’une indélicatesse et d’une vulgarité énormes qui font souffrir celles qui en sont victimes. C’est du machisme à l’état pur, que rien n’excuse mais en dit beaucoup sur sa personnalité profonde. Enfin, la vulgarité de ses paroles publiques à l’égard d’une fille de 10 ans à cheval et dont l’authenticité a été vérifiée (contrairement à ses démentis) en est la dernière marque.
2 Ensuite, il y a ses comportements politiques depuis plusieurs années à l’égard de dictateurs ou de chefs d’Etat d’un autoritarisme absolu : il les fréquente et va les honorer pour satisfaire sa gloriole personnelle. Et quand on le lui reproche à propos de Poutine, il dit s’en ficher de sa politique et se vante d’aimer l’homme : indigne à nouveau.
3 Mais surtout il y a la réaction solennelle de notre chef de l’Etat qui dirige tout de même une République avec ses valeurs propres, dont Paul Ricœur, philosophe chrétien et socialiste, avec qui il a travaillé, a dû le mettre au courant. Or, pourtant au courant de ce qui précède, il a non seulement déclaré son admiration pour l’acteur - c’est son droit mais en quoi cela nous importe-t-il ? - mais ajouté qu’il était « la fierté de la France », ce qui est inadmissible étant donné qu’il savait tout à son propos et même s’il a précisé qu’il respectait la présomption d’innocence. Pas donc l’once d’une réaction morale à l’égard de « l’ogre Depardieu », connu comme tel ! Il est vrai que par ailleurs et dans un tout autre domaine, sa politique économique libérale n’en a que faire de la morale en politique, ni de l’impératif de justice et d’égalité (voir son livre- programme, Révolution, sur lequel j’ai écrit un ouvrage détaillé). Bref c’est le même homme qui s’exprime alors dans une conjoncture personnelle, sur sa jambe droite !
4 Enfin et dans un ordre d’idée proche, il s’est félicité que l’on ait donné la légion d’honneur à l’acteur, il y a déjà longtemps il est vrai. Or en s’exprimant ainsi, il a parlé de cette légion d’honneur en des termes relatifs à la morale qui sont inexacts et inadmissibles. Il a refusé d’admettre que décerner la légion d’honneur à quelqu’un impliquait une forme de dignité morale qui est reconnue officiellement à la personne distinguée, même si c’est pour d’autres raisons. Or Depardieu n’entre pas ou plus dans ce cadre, ce qui fait que celle-ci devrait lui être retirée
On aura donc compris que, d’accord ou pas avec la politique économique et sociale de Macron ( la France va mal !), on ne peut que constater, avec désolation, que nous avons été les témoins d’une double indignité, celle de Depardieu étant répercutée, en quelque sorte, sur notre Président et transmise à lui quand il l’occulte et rend même hommage au premier : le talent artistique ne justifie ni n’excuse rien dans ce domaine et c’est bien la première fois qu’on voit un chef d’Etat se tromper à ce point dans un hommage personnel public ! Qu’il y ait en plus dans cet événement un calcul politicien, en l’occurrence populiste, par rapport à l’extrême-droite menaçante (je ne développe pas), ne l’excuse en rien.
Ajoutons seulement que le soutien de nombre d’artistes de sa génération à Depardieu est tout aussi décevant par son amoralisme, qui se transforme aussitôt pour qui « croit » en la morale, en immoralisme objectif, que l’amoralisme permet d’ignorer et de soulager la conscience. D’autant qu’il y a en plus dans cette réaction de soutien (avec de dignes défections cependant), une évidente complicité, voire des calculs d’intérêts de carrière entre professionnels du cinéma. Heureusement des féministes bien inspirées ont su réagir et témoigner, elles, d’une forme incontestable de dignité !
Yvon Quiniou