Jeux Olympiques : la catastrophe du sport
La célébration de futurs Jeux Olympiques à travers le transport de sa flamme en France, est l’occasion d’une lamentable mystification idéologique à propos du sport, qui a pour seul intérêt, si l’on peut dire, de susciter un divertissement de masse, lequel fait oublier au peuple français sa situation sociale catastrophique, qui va en s’aggravant. Il faut donc absolument dissoudre le mythe dont le sport (les sports) est l’objet aujourd’hui dans une société dominée par le narcissisme, la violence et, enfin l’argent - et ce par opposition à ce qu’il devrait ou pourrait être.
Le narcissisme, d’abord. C’est fou de voir à quel point une victoire, individuelle ou collective, engendre, chez ceux qui en bénéficient, un sentiment de fierté, plus de gloire, au-delà du seul plaisir de gagner… qui oublie la tristesse des vaincus, laquelle est elle-même un narcissisme frustré ! Il y aurait pourtant d’autres occasions, plus nobles j’ose le dire, d’être satisfait de soi en dehors d’une victoire sportive, mais sans orgueil déplacé, comme des actions militantes en faveur de plus de justice sociale ou en faveur de la paix, quand elles réussissent, qui ne font pas souvent l’actualité médiatique. Cela peut expliquer les détresses ou les états dépressifs de champions quand la gloire vivante est passée, surtout s’ils ne savent pas survivre à celle-ci.
La violence, ensuite. Chez les sportifs eux-mêmes on voit certains d’entre eux être violents entre eux quand ils s’affrontent - songeons à Mc Enroe capable d’être d’une violence, au moins verbale mais inexcusable, sur un court de tennis contre son adversaire. Mais elle peut être aussi être collective comme dans le monde du football où elle va croissant : bagarres sur le terrain entre deux équipes mais, tout autant, bagarres entre les supporters des équipes dans le stade ou hors de lui, qui prennent un dimension effrayante ces temps-ci. A quoi s’ajoute souvent chez un vainqueur l’exaltation d’une volonté de puissance ou de pulsions agressives que la victoire exacerberait : le simple plaisir de gagner ne suffit pas, la victoire sur l’autre devient sadique ! Et tous ces phénomènes, il faut hélas l’indiquer, se retrouvent dans le monde entier surtout les stades ou lieux sportifs. J’ajoute seulement que étant un amoureux et un pratiquant de sport depuis ma jeunesse, je n’ai jamais éprouvé de pareils sentiments !
Enfin et hélas surtout, peut-être, parce que en rapport avec ce qu’est devenue notre société, il y la domination de l’argent sur le sport, qui est proprement ahurissante et à plusieurs faces. En premier lieu il y a la recherche du gain à travers les succès : il faut voir les sommes d’argent que reçoivent certains sportifs, le cas le plus spectaculaire étant celui du footballeur Mbappé avec un transfert de 300 000 euros et un salaire ahurissant. A quoi s’ajoutent des contrats publicitaires scandaleux pour des marques commerciales, qui font du sport un moyen mercantile et non une fin en lui-même, à savoir le plaisir d’une activité corporelle, celui d’un jeu avec autrui, ou même celui de gagner, mais sans ostentation spéciale. Allons plus loin, sans parler des « entraîneurs » : on voit des sportifs connus accepter, contre argent, de favoriser des marques de produits commerciaux divers (comme des parfums ou des vêtements) en échange de leurs photos dans les journaux ou à la télévision, lors des mi-temps de matchs par exemple : ici le goût du gain s’ajoute au narcissisme. Et pour terminer, ce qui est pour moi un comble, on assiste à la présentation sur les enceintes de lieux sportifs, dans le cas du football en particulier, de publicités commerciales à nouveau : cela est proprement indigne.
Indigne donc, si l’on estime que l’on doit respecter des exigences éthiques ou morales (comme l’on veut ici) dans les activités humaines, quelles qu’elles soient. Mais ce qui est terrible, dans ce cas, c’est que le sport est ici la victime, quoique non passive, de la domination de l’argent sur quasiment toute les activités dans notre société capitaliste, dominée aussi par le commerce au service du profit. En ce sens, cette activité humaine particulière, sur laquelle on pourrait dès lors me reprocher d’insister, est le révélateur d’une réalité sociale d’ensemble qui emprisonne une grande majorité d’êtres humains dans leur vie et les aliène au sens que je donne à ce terme : elle les rend moindres ou pires que ce qu’ils pourraient être dans d’autres conditions sociales. Et cela est même vrai, sinon surtout, pour les activités des hommes politiques, avec ce triste exemple, qu’on m’excusera de citer pour finir : notre président Macron vient de la finance, il est encore à son service et il y retournera ! Comment, par les tristes temps qui courent sur un plan plus général (voir la violence guerrière mondiale) rester confiant dans l’humanité (hors de toute grandiloquence d’expression) comme je m’efforce de l’être en tant que philosophe progressiste, même si c’est difficile ?
Yvon Quiniou