Je permets de présenter ici le compte rendu qu'a fait Francis Combes, éditeur, écrivain et poète, de mon récent livre sur le féminisme . C'est un sujet délicat à traiter, car j'oppose un féminisme classique de l'égalité femme-homme dans la différence, issu de la tradition marxiste, et un féminisme récent, de l'égalité toujours mais dans l'indifférenciation et au nom duquel certaines femmes veulent être psychologiquement identiques à l'homme (voir un billet précédent) . J'adhère au premier mais je rejette le second qui est trop pris dans un désir de revanche sur l'homme et qui entend posséder les défauts de l'homme, ceux-là même qui ont fait du mal à l'humanité. Merci donc à Combes de partager ce point de vue qui, lui, ne peut faire de mal à personne et qui devrait inspirer une gauche digne de ce nom et susciter un débat. Ce qui n'est pas le cas dans mon camp politique, hélas, puisque je n'ai pu l'y publier, alors qu'il aurait dû inspirer une réflexion non politicienne. Que les hommes accèdent donc aux qualités des femmes et que celles-ci les incitent à se "féminiser" devrait au contraire susciter l'intérêt, fût-il critique... et nous nous en porterons tous mieux! Même S. de Beauvoir aurait été d'accord avec ce point de vue.
L’homme, avenir de la femme ?
Dans Pour que l’homme ne soit pas l’avenir de la femme* Yvon Quiniou s’attaque à un sujet actuel et plutôt tabou : le « nouveau féminisme ». Il met en lumière l’apport historique d’un féminisme bourgeois (centré sur l’égalité juridique et politique) et celui du féminisme lié au mouvement ouvrier, pour qui l’émancipation de la femme a partie liée avec la transformation des conditions sociales. Il rappelle ainsi le rôle de Clara Zetkin, Alexandra Kollontaï ou Rosa Luxemburg, et leurs réserves à l’égard du féminisme bourgeois qui sous-estime la question sociale. Mais ces deux féminismes prennent racine dans le XVIIIe siècle des Lumières et les idéaux universalistes. Ce sont des féminismes égalitaristes et non identitaristes.
Au XXe siècle, diverses tentatives sont faites pour penser « l’égalité dans la différence ». Il traite ainsi des écrits de Simone de Beauvoir, leur intérêt et leurs contradictions, ou de ceux de Françoise Héritier, qui s’appuient sur une démarche moins spéculative.
Puis il aborde le « nouveau féminisme », qui, souvent en rupture avec une analyse de classe, s’oppose aux hommes, par nature dominateurs, égoïstes, violents voire violeurs. Il n’ignore pas les thèses de Judith Butler, la théorie du genre, ou la pensée « queer » mais s’arrête notamment sur les écrits de Virginie Despentes, révélateurs d’une tendance qui vise à inverser la domination des hommes sur les femmes en une domination des femmes sur les hommes. Lui ne souhaite pas que l’avenir de la femme soit l’imitation de l’homme et de ses travers. Il voit dans l’évolution actuelle un danger de déshumanisation qu’il pointe à l’occasion de plusieurs questions, comme le transgenre, la PMA ou le « droit à l’enfant », qu’il récuse. Certaines de ses prises de position pourront parfois heurter, mais cela montre l’intérêt qu’il y aurait à ouvrir un vrai débat entre marxistes sur ces thèmes. Yvon Quiniou plaide pour un humanisme qui fasse droit à l’apport positif de la féminité qui tient selon lui à une moindre « volonté de puissance » et une plus grande capacité d’aimer, laquelle, débordant les rapports amoureux, peut irriguer la politique et la société. En ce sens, il rejoint Aragon, qui, dans le Fou d’Elsa écrivait : « L’avenir de l’homme est la femme / Elle est la couleur de son âme »… Cela le conduit aussi à penser qu’il faudrait « revoir un peu la base » sur laquelle Marx et Engels avaient critiqué la devise de la Ligue des Justes, «Tous les hommes sont frères », et l’engagement moral des premiers socialistes utopiques.
Francis Combes
Yvon Quiniou, Pour que l’homme ne soit pas l’avenir de la femme, (quelle égalité femme-homme ?),
L’Harmattan 2021.