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Billet de blog 7 mars 2025

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Macron, le faux prophète de malheur

Dans la situation internationale terrible que nous connaissons, notre président vient de livrer une "prophétie de malheur" imaginaire, totalement irréaliste. Cela pour redorer son image internationale abîmée ces temps-ci et devenir le dirigeant d'une Europe unie grâce à l'arme nucléaire que nous posédons. Il est ainsi en train d'enflammer le monde, en renonçant au pacifisme dont nous avons besoin.

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                                                   Macron, le faux prophète de malheur 

Décidément nous n’en avons pas fini avec Macron, président qui n’en a rien à faire avec la justice sociale et les intérêts de la grande majorité du peuple (voir son ancien livre- programme « Révolution », d’un amoralisme rare). Abasourdi.par l’échec politique de ce qu’il a fait en excluant une gauche qui avait pourtant une majorité relative au parlement (je n’y reviens pas), il s’est réfugié dans ses fonctions internationales où son narcissisme et sa prétention  jouent à plein, mais dans le vide en quelque sorte ou à contre-courant du moindre progressisme : on ne l’a pas vu critiquer Israël, défendu par les USA, dans sa politique meurtrière contre le malheureux peuple palestinien !

Or voici que son pro-américanisme insolent et indigne, sur fond d’adhésion au libéralisme économique à vocation mondiale, est pris de court par le retournement de Trump qui incarne d’une manière folle ce courant. Celui-ci rompt ses liens avec l’Europe (OTAN comprise) et se tourne vers la Russie, pourtant son ennemie déclarée jusque là, pour des raisons purement économiques ou de prétention à l’hégémonie mondiale avec les Russes, vilipendés jusque là sur fond d’un fantasme haineux et persistant à l’égard de l’ex-URSS, projeté sur la nation russe actuelle. Macron est tellement désarçonné par cette situation et pris à rebours qu’il change totalement d’attitude et, sans critiquer Trump avec pourtant ses prétentions impérialistes au nord de l’Europe, il se fait non seulement le chantre d’une Europe unifiée en tant qu’entité politique mondiale - ce qui n’est pas d’ailleurs aberrant -  mais pour deux raisons dont la seconde est la plus forte et la plus mensongère autant qu’irréaliste.

D’abord il y a le soutien à une économie de l’Ukraine d’inspiration « libertarienne », c’est-à-dire clairement capitaliste et même libérale « à la Trump », censée renforcer alors l’économie européenne si on l’intègre. Mais surtout il y a l’appel délirant à se prémunir contre une menace de guerre venant de la Russie et visant l’intégrité territoriale de l’Europe, appel validé curieusement par la plupart des pays européens. Or l’indication de cette menace est, selon moi et en me fiant à des spécialiste politiques honnêtes, est proprement délirante : il ne s’agit pas de justifier le régime socio-politique de Poutine, même s’il n’est pas ce qu’on en dit (la science politique récuse le concept de « dictature » à son sujet, je me suis renseigné) mais de refuser l’existence de cette « menace » et de révéler d’abord le motif de ce qui est bien est une prophétie de malheur, tout simplement intéressée chez Macron. Avant tout, même s’ils sont peu à oser le dire en France, il s’agit pour lui de restaurer son image internationale affaiblie ces temps-ci par son échec gouvernemental et de profiter de cette crise pour ambitionner d’être le leader d’une Europe en raison de notre possession de l’arme nucléaire dont, à aucun moment, il n’a indiqué qu’il ne l’utiliserait pas. Il est vrai que posséder une telle arme ne peut exclure son utilisation possible, par définition. Mais en préciser l’actualité ou la plausibilité est l’indice que Macron se pose en dirigeant et animateur d’un monde international en folie qui rompt avec les valeurs d’un humanisme pacifique et universaliste dont l’ONU était jusqu’à présent la porteuse et la garante : j’en ai honte pour notre France qui a connu l’époque des Lumières et la Révolution de 1789, et qui pourrait se souvenir du pacifisme d’un Kant (soutien de cette révolution), puis de Marx et de Jaurès ! Mais j’en ai honte aussi pour notre Occident quand je pense à la position de la Chine d’inspiration socialiste aujourd’hui, dont un  spécialiste Bruno Guigue vient, dans un excellent livre,  d’insister sur son pacifisme constant : la Chine est le seul pays qui, en dehors d’un incident avec le Vietnam, n’ait pas livré la moindre guerre dans le monde depuis son existence (plus de soixante-dix ans) et elle pratique des échanges économiques avec des pays moins développés sur la base du « gagnant-gagnant » et non sur une base d’exploitation financière qui fait souffrir les peuples.

Ajoutons un point connexe, tout aussi désolant selon moi : le prix que nous allons devoir payer, nous mais aussi tous les pays européens, pour financer cette Europe militaire au nom d’un danger infiniment improbable. Sans insister sur les chiffres, variables selon les nations, c’est à une dépense générale de 800 milliards d’euros que l’Europe va procéder, avec une part importante pour la France alors qu’elle doit déjà faire face à un déficit grave des finances publiques (toujours Macron, précédé par Hollande !) qui entraîne une baisse considérable de l’aide à tout ce qui aide notre peuple à bien vivre : les services publics multiples, les salaires, le temps de travail, l’âge de la retraite, etc., autant de « choses » qui connaissent une crise terrible  - je ne développe pas !

Je conclurai en revenant un peu en arrière, et trop brièvement. Quand on réfléchit philosophiquement et depuis longtemps sur la société et ses maux à la lumière d’une histoire comprise scientifiquement mais tout autant éclairée critiquement par la morale, on ne peut éviter de se poser la question, à nouveau aujourd’hui : d’où vient cette nouvelle barbarie, que j’ai appelée aussi « démesure »  dans un de mes livres ?  Je ne peux ici développer, mais j’indique qu’on peut faire et qu’on a fait intellectuellement et depuis longtemps de nombreuses hypothèses, et d’abord anthropologiques : sauvagerie humaine de l’homme considéré comme un  « loup pour l’homme » (Hobbes ), « volonté de puissance » aspirant à la domination (Nietzsche), agressivité meurtrière innée (Freud), etc. Mais on peut leur faire des objections et se tourner vers l’histoire et ses conflits économiques d’intérêts de classe tels que Marx les a admirablement analysés en montrant que l’homme est fait par l’histoire qu’il fait, à savoir abîmé par ce qu’elle est de fait et qui n’est pas lié à une  prétendue « nature » humaine mauvaise. Sans pouvoir détailler davantage, c’est cette optique que je défends principalement et malgré ce qu’a pu en dire Raymond Aron dans « Paix et guerre entre les nations » où il conclut quasiment à la fatalité des conflits internationaux (à l’opposé aussi de Kant). Or malgré tout ce qui se passe aujourd’hui et qui pourrait nous faire revenir à une hypothèse anthropologique pessimiste vouant l’humanité à la catastrophe, avec en plus des armes nouvelles pour cela, c’est au parti-pris marxien qu’il faut revenir : tout ce qui se passe présentement, y compris les exactions de Trump, nous montre et même nous prouve à quel point la conflictualité humaine s’enracine dans les oppositions de classe liés à la propriété prive de l’économie, qui n’en a rien à faire de l’intérêt général. Et la Chine, on m’excusera d’y revenir aussi, malgré la complexité de sa situation interne, nous montre ce qu’une direction socialiste de la société (au minimum) peut faire pour apaiser la vie collective. Sans compter que, de tout façon, la morale existe, qui nous oblige ! Mais la culture philosophique et morale de nos politiques est très insuffisante, obsédés qu’ils sont par la seule efficacité, la gestion financière et leur ambition personnelle

                                                      Yvon Quiniou, philosophe.

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