France 2 a cru bon de consacrer, jeudi 6 août, une émission à BHL, pour l’essentiel élogieuse, hormis le commentaire final de J.-F. Kahn, critique et honnête comme à son habitude. Or, je voudrais rectifier l’image qui en est donnée, sur le fond.
L’ombre, c’est le rôle qu’il aura joué depuis plusieurs années dans la politique étrangère de la France, en catimini en quelque sorte, que ce soit auprès de Mitterrand, de Chirac, de Sarkozy et, enfin, de Hollande. Quelle pléiade d’influences, contradictoires en un sens, mais cohérentes si l’on comprend le jeu international qu’il aura soutenu en permanence : intervenir dans des causes contestables, humanitaires en apparence comme la défense de la paix dans divers conflits, mais orientées politiquement par une haine de la cause politique du Tiers-Monde, pour autant que celui-ci entend combattre l’impérialisme capitaliste occidental, omniprésent dans cette région du monde et que la France, droite et gauche confondues, a toujours, malheureusement et sous différentes formes, soutenu. De l’intervention en Yougoslavie à la guerre en Libye, totalement improductive, voire contre-productive, en passant par celle en Irak ou l’appui apporté au régime afghan, BHL aura été de toutes les mauvaises causes politiques… sans qu’à aucun moment, comme l’a souligné justement Kahn, il ait manifesté, tout en se déclarant de gauche, le moindre souci pour la question sociale en France, avec ce qu’elle implique de prise en considération de la pauvreté, des inégalités sociales, de l’exploitation du monde du travail, etc.
La lumière, c’est la façon dont il aura exploité tout cela dans le monde des médias, en se donnant une allure de nouveau Malraux, alors qu’il ne lui arrive pas à ses chevilles, à tous points de vue. Et cela grâce à ses appuis en tous genres, y compris financiers. Il aura ainsi fondé des revues éphémères ou collaboré à des journaux qui ne sont pas spécialement de gauche, comme Le Point, y donnant des leçons péremptoires aux véritables intellectuels de gauche (il en reste) comme moi-même ou Bourdieu : je me souviens d’une tribune de lui dans laquelle ils nous associait dans la même opprobre de « marxisants ». Sa problématique permanente des Droits de l’homme, qui aura initié sa célébrité à l’époque des « nouveaux philosophes » à la fin des années 1970, avec Glucksmann et d’autres, n’aura ainsi, j’y insiste à nouveau, jamais pris en compte les droits concrets, à savoir sociaux et économiques des hommes, tels qu’ils sont bafoués par le capitalisme. Je n’ose pas y voir une influence idéologique de son milieu social et de ses fréquentations économiques. Par contre, je signalerai la contradiction qu’il y a à prétendre défendre les droits de l’homme un peu partout dans le monde et à ne pas s’en soucier au Maroc, où il a une résidence et dont il fréquente sans scrupule le chef de l’Etat – j’entends : le chef d’un Etat qui ne se soucie guère de ces mêmes droits. C’est là une ombre politique à la lumière qu’il entend diffuser par ses actions internationales spectaculaires, souvent mises en scène d’une manière scandaleuse, sinon mensongère (je n’insiste pas).
Enfin, il y a le soi-disant philosophe. Or, il faut oser le dire quitte à se faire injurier : BHL n’est pas un philosophe, si l’on entend par là un penseur dont on retiendra une quelconque idée. Ses ouvrages sont vides intellectuellement – je les ai lus malgré tout, mais je suis incapable d’en retenir le moindre concept dont je pourrais faire usage dans mon propre travail, qu’il s’agisse de l’éthique, de la morale, de la démocratie, du matérialisme, du marxisme, etc. Ce n’est qu’un idéologue, de talent il est vrai, répondant aux attentes libérales du temps, amoureux du capitalisme et n’y voyant pas la moindre alternative. C’est peut-être faute d’intelligence, ou faute d’une volonté politique orientée véritablement vers le bien du peuple, ou encore en raison d’un mode de vie trop tourné vers les ors d’une vie superficielle et spectaculaire. Je laisse au lecteur le soin de choisir la bonne explication.
Yvon Quiniou
Voir mon bref commentaire final! Y. Q.