Quand Finkielkraut déraisonne
Décidément, on n’en finira pas avec Alain Finkielkraut qualifié de « plus grand de nos métacontemporains » dans une interview regrettable que lui a consacrée le journal Marianne, que j’estime pourtant mais qui là se trompe complètement de cible et de positionnement. Je voudrais en rappeler quelques idées à ne pas défendre.
1 Sur l’école, il a un point de vue totalement rétrograde, n’y voyant qu’un lieu de transmission de la (haute) culture et excluant qu’elle soit aussi le moyen de diffusion d’un message éthique et même moral contemporain, au service de normes universelles et d’intérêts eux-mêmes universels comme le refus du racisme ou du sexisme.
2 Du coup, il est inenvisageable pour lui que la question écologique, avec celle de développement durable, soit intégrée comme elle doit l’être dans l’enseignement : ce serait porter atteinte à une vision purement « désintéressée » de la culture qu’il préconise avec son élitisme personnel. Il oublie simplement, et c’est énorme, que cette question primordiale peut être intégrée à différentes matières scientifiques comme la physique ou les sciences naturelles puisque sa solution est également liée aux connaissances que celles-ci nous apportent, tous les scientifiques nous le disent désormais.
3 Mais il y a pire dans cette interview, et qui est purement politique. Comparant l’extrême droite du Rassemblement national et la France insoumise il ose affirmer que celle-ci « est plus que la première toxique » (sic) dont il dénie les tentations fascisantes (potentiellement) et factieuses ! Et il voit même dans le succès du RN la manifestation d’« angoisses existentielles » au sein du peuple… sans se demander si elles n’auraient des sources dans le libéralisme économique contemporain, que le RN soutient sans vergogne, au même titre que Macron.
4 Enfin il en rajoute une couche, si je puis me permettre cette formule, en élargissant son attaque contre la gauche à la NUPE – qui ne se réduit pas, heureusement, à la FI – pour y voir « un plus grand danger pour la république » (sic à nouveau), sous-entendu : par comparaison avec le RN. C’est oublier qu’elle est fondamentalement républicaine et étrangère à tout antisémitisme, qu’elle prend en charge les intérêts réels du peuple souffrant du capitalisme… même si, s’agissant de la FI, certains calcul électoralistes l’empêchent d’être vigilante à l’égard de l’islam.
Je m’arrête-là, car cela fait déjà beaucoup en termes d’indignité politique. Et je m’étonne à nouveau que la directrice de Marianne se soit plue à cet entretien. Il est vrai que, tout récemment, elle s’est déclarée, dans une espèce de profession de foi pour son journal, favorable pleinement à une économie libérale, « régulée » malgré tout. Mais quand même !
Yvon Quiniou
NB : Je précise pour le lecteur que j’avais eu l’occasion de m’affronter avec Finkielkraut dans une excellente émission de télévision de D. Taddéï, en 2007, avec Bensaîd et Gauchet, et qu’il avait été déplaisant avec moi sur la question religieuse et celle des banlieues. Il n’a pas changé de convictions de profil intellectuel et idéologique