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Billet de blog 10 mai 2024

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L'erreur d'analyse de J. Fourquet sur l'Europe

Un long article d'un journal local, Ouest-France, a donné la parole à J; Fourquet pour analyser un sondage commandé à l'Ifop sur l'Europe et les Français. Or celui se permet d'en occulter le point de vue largement critique de ceux-ci, faillissant ainsi au devoir d'incitation à l'esprit critique qui doit être celui d'un journaliste! Démonstration!

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                                               L’erreur d’analyse de J. Fourquet sur l’Europe 

L’idée que je me fais de mon rôle d’intellectuel en politique m’oblige à intervenir concernant l’analyse que Jérôme Fouquet, essayiste politique connu, vient de livrer sur l’Europe, hier jeudi 9 mai, dans le journal Ouest-France de ma région - journal de qualité respectable d’habitude, mais d’un parti-pris idéologique difficilement acceptable dans ce cas. Je précise que ce n’est pas son orientation pro-européenne qui est ici en cause (c’est un autre débat), mais l’analyse qui y est faite d’un vaste sondage demandé à l’Ifop sur l’attitude des Français à l’égard de cette même Europe (trois pages !) : elle contredit et trahit ce que ce même sondage révèle !

En effet le titre même de l’interview de Fourquet témoigne de cette trahison intellectuellement malhonnête : « Les Français, dans leur ensemble, ne sont pas anti-européens ».  Or ce que dit l’enquête c’est que ces mêmes français manifestent un scepticisme très important à ce sujet. Je laisse de côté le « sentiment de fierté européenne » qu’ils éprouvent et qui n’est pas en jeu ici, selon moi, mais qui cependant se révèle en baisse depuis 2022 (je passe sur les chiffres). Ce qui importe, c’est leur « état d’esprit » à l’égard de cette Europe. Or dans ce cas, on s’aperçoit que la somme des avis qui manifestent une « colère », une « inquiétude » ou une « indifférence » monte à 75/100 ! Il faut donc être clair et, précisément, honnête, qu’on partage ou pas ces sentiments (que Fourquet désapprouve manifestement) : ce résultat ne traduit en rien une faveur pour l’Europe actuelle telle que nous la vivons et la subissons majoritairement depuis quelque temps et dont je vais rappeler des traits négatifs évidents, que nombre d’ intellectuels de gauche, lucides et intransigeants, rebelles à l’idéologie dominante véhiculée de plus en plus par les médias sous Macron, dénoncent publiquement

 1 Une perte d’autonomie politique dans de nombreux domaines, avec le risque accru d’un pouvoir carrément supra-national, entraînant une dépendance économique masquée, sous couvert de l’Otan, vis-à-vis des USA.

2 Une stratégie de libre-échange au sein de l’Europe, qui permet d’investir dans les pays les plus défavorisés, à l’Est, où le coût du travail est moindre et les profits des entreprises capitalistes favorisés, au détriment de l’emploi en France (ce dont même Macron a conscience !).

3 Du coup, une dégradation de la situation sociale des Français (classes populaires et classes moyennes), dont cette même Europe n’est pas la seule responsable, bien entendu, mais qui se traduit par des menaces sur les services publics en particulier (Ecole, Santé, Transports), dont la France était au contraire, depuis le CNL de 1946, un lieu d’existence privilégié.

4 Un traitement de l’immigration qui peut faire problème à la fois sur le terrain social et sur le plan culturel… alors que ce qui devrait être prioritaire ce devrait être l’aide réelle aux pays sous-développés en termes de soutien financier et, surtout, d’aide à la formation de leurs élites économiques.

5 Une politique internationale déplaisante, qui soutient en partie l’Ukraine, avec en tête les velléités guerrières de Macron et qui a du mal à condamner la politique coloniale d’Israël en Palestine.

6 Enfin, une politique écologique largement insuffisante face à la catastrophe que nous connaissons, avec un soutien à des agriculteurs productivistes qui n’en ont cure.

Quand on a bien compris cela, ce qui m’est profondément désagréable ce n’est pas tant le parti pris sous-jacent de cet article (qui n’est pas le mien) car on peut le discuter, mais non seulement qu’il ne s’assume pas et, surtout, qu’il brouille intellectuellement le sens d’un sondage, empêchant le lecteur de penser par lui-même d’une manière qui implique l’esprit critique, à distinguer de l’esprit de critique ! Or c’est bien l’incitation à l’esprit critique qui devrait faire l’honneur du journalisme dans une démocratie !

                                                           Yvon Quiniou

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