Pourquoi voter pour Macron, candidat président de droite?
Bien entendu il va falloir voter pour Macron contre M. Le Pen au second tour de cette présidentielle. Mais il faut savoir à quoi, hélas, nous nous engageons, en éclairant l’homme politique qu’il est et qu’il va continuer à être.
Au positif il y a son brillant de parole, sinon sa rhétorique, sa capacité à décider et une forme de stature d’homme d’Etat que même Chevènement lui a reconnue (en contredisant ses convictions de fond). Mais derrière cela il n’y a pas grand-chose ou, plutôt, il y a un homme politique mû par l’ambition et dont le projet est fondamentalement réactionnaire. D’abord il faut savoir ce qu’il en est de sa philosophie politique, que je connais bien pour l’avoir analysée dans un livre à l‘occasion de la sortie de son programme Révolution en 2016. En quelques mots c’est une philosophie libérale ou néo-libérale, comme on voudra, inspirée sans qu’il le dise par le théoricien de ce courant, Hayek : la société repose sur l’individu, considéré comme une entité soustraite aux déterminismes sociaux des rapports de classe, il s’agit donc de favoriser son initiative au travail et dans l’activité économique, en oubliant qu’elle n’est pas du tout la même selon l’appartenance sociale, ce qui rend les individus fondamentalement inégaux au départ et donc à l’arrivée. La seule solution à cette injustice objective (mais Macron ne prononce pas ce terme à connotation morale d’« injustice » : c’est un amoraliste) c’est, selon lui, l’augmentation globale de la richesse produite, suivie d’un « ruissellement » du haut vers le bas… qui n’a jamais lieu, pourtant, d’une manière automatique, cette richesse étant monopolisée par le haut – les riches, précisément, à qui on fait en plus des cadeaux fiscaux!
Tout cela avait été amorcé sous la gouvernance lamentable de Hollande et réalisé ensuite pleinement par le même Macron quand il fut élu président, achevant ainsi la trahison de l’idéal socialiste déjà commencée : on a vu les inégalités sociales s’accroître au profit des riches, cependant que les classes moyennes se paupérisaient un peu et, surtout, que la pauvreté des plus pauvres augmentait ! Or que va-t-il se passer lorsqu’il sera élu, et non seulement il le sera mais il faut qu’il le soit contre son adversaire d’extrême-droite ? Il suffit d’examiner son programme annoncé, en trois ou quatre points : 1 Le maintien, voire l’augmentation des réductions d’impôts pour la haute bourgeoisie. 2 L’augmentation de l’âge de la retraite de 62 à 65 ans, soit même un an de plus que ce qu’il avait jusqu’ici programmé ! Il oublie ce faisant tout ce qu’il peut y avoir de pénible dans certains métiers après 60 ans (y compris dans l’enseignement) et que ce faisant, il va accroître le nombre de chômeurs jeunes. Sans compter qu’il y a travail et travail et qu’on peut mener une vie gratifiante et reposante hors du travail, quand on a une culture suffisante pour l’occuper, ce qui n’est pas le cas de tous ! 3 Des conditions nouvelles exigeantes concernant l’accès au RSA pour les chômeurs, avec une critique « moralisante » de ceux-ci et de leur hésitation face aux obligations de travail. 5 Un projet de réforme de l’enseignement proprement désastreux, d’orientation clairement libérale, qui met à mal notre service public d’éducation nationale : autonomie des établissements, recrutement des enseignants par les chefs d’établissement… c’est-à-dire, en un sens, « à la tête du client » et non sur des critères objectifs nationaux et égaux pour tous, initiatives de formation locales, etc. 5 Enfin, et plus largement à la suite de ce point, continuation de l’atteinte aux services publics, non seulement dans l’enseignement, mais dans la santé, la poste, les transports, etc. – ces services publics au service de tous, issus du programme du CNR à la Libération et qui sont uniques dans le monde.
Tout cela est bien entendu terrible. Alors, me dira-t-on, pour quoi appeler à voter pour lui malgré tout ? Tout simplement parce que en face il y a pire, eh oui ! Une candidate d’extrême-droite qui va jouer, avec Zemmour qui s’y rallie, sur la tragique fibre du nationalisme qui augmente les crispations, sinon les conflits éventuels entre les nations, au lieu de se contenter de défendre la souveraineté économique et citoyenne de celles-ci, mise à mal par le capitalisme mondialisé et européen. Mais une candidate, aussi, qui va s’en prendre d’une manière irresponsable et haineuse aux immigrés (même si l’immigration non contrôlée est un problème), flirtant alors avec le racisme, qui risque aussi de s’en prendre aux libertés publiques comme on le voit en Pologne et en Hongrie, et, enfin, j’en passe, une candidate qui ment aux français en prétendant défendre les intérêts du peuple : c’est là un populisme mensonger car Le Pen est une partisane du pire capitalisme qui soit, y compris quand elle s’adresse démagogiquement aux petits patrons. Je laisse de côté les menaces qui pèseraient sur les programmes d’enseignement et sur la liberté de l’esprit critique que l’Ecole doit développer !
Le choix de voter Macron consiste donc, hélas, à voter pour le moins pire des deux candidats. Mais il le faut absolument. Quelle époque politique, décidément !
Yvon Quiniou
NB: On aura compris que , par-delà cet épisode dramatique, il va falloir reconstruire la gauche!