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Billet de blog 11 juin 2024

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Quelle avancée sociale pour contrer Macron et Le Pen?

La situation politique terrible que nous connaissons avec la progression de l'extrême-droite aux Européennes et la décision par Macron d'organiser de nouvelles élections législatives, implique que la gauche s'unisse dans un nouveau "Front populaire" dès le premier tour. Mais elle doit le faire sur une base socialiste claire, qui rompe avec une vision "social-démocrate" molle. Démonstration.

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                                                    Quelle avancée sociale pour contrer Macron et Le Pen?

 La terrible progression de l’extrême-droite aux Européennes, suivie par la décision curieuse prise par Macron d’organiser de nouvelles élections législatives toutes proches, met la gauche au pied du mur pour éviter un succès du Rassemblement national, qui serait catastrophique pour notre peuple. D’où la nécessité impérative d’une union de cette gauche, pour l’instant divisée, avec un seul candidat dans chaque circonscription permettant de gagner en remportant au moins une majorité relative. Cela suppose le refus d’une volonté d’hégémonie de l’une de ses composantes (qui tente la FIS de Mélenchon) et surtout l’entente sur le contenu d’un projet commun. Je laisse de côté le premier point pour traiter brièvement du second en considérant la tentation d’un Glucksmann animé par une visée social-démocrate clairement affichée, appuyée sur son succès relatif aux Européennes. Car rien n’est clair, malheureusement, s’agissant précisément de cette visée et je voudrais l’éclaircir contre les tentations politiques, très modestes et intellectuellement inexactes, j’ose le dire, de cette gauche.

Qu’est-ce donc que cette « social-démocratie » dont la gauche « socialiste » se réclame depuis  longtemps. Il faut ici faire l’histoire de cette idée depuis son émergence au 19ème siècle. Je rappelle d’abord, car ce point est incontournable, que cette idée, avec son incarnation dans des partis, est contemporaine du projet politique de Marx dès cette époque. C’est sa réflexion issue de son analyse scientifique et incontestable du capitalisme qui l’a fait discuter dans ses écrits (dont la Critique du programme de Gotha) avec la social-démocratie allemande de son temps, dont il faisait partie, et qui, en réalité (on ne le rappelle pas assez), se réclamait d’un projet socialiste dans lequel Marx pouvait retrouver certaines de ses idées, en l’occurrence la critique du capitalisme avec sa propriété privée de la production et le projet de son dépassement pour satisfaire les intérêts vitaux de la grande majorité du peuple travailleur. Et l’on se souvient peut-être que cela suscita vite des débats au sein du parti allemand, qui se nomma un temps « socialiste », de la part de Kautsky contre son aile droite incarnée en particulier par Bernstein ou Alfred de Man : le premier, réformiste seulement, affirmant que « le but n’est rien, le mouvement est tout » et le second abandonnant le projet socialiste pour une orientation bien plus modeste. A l’inverse et dans le sillage de Marx auquel il a pu s’identifier, Jean Jaurès reprit le flambeau du socialisme ou du communisme (il ne distinguait pas les deux) d’une manière remarquable avec la création de la SFIO, et ce choix se retrouva au 20ème siècle dans le Front populaire de Léon Blum, soutenu par les communistes, puis d’une manière tout aussi remarquable dans le programme du CNR à la Libération, entériné par le général De Gaulle avec les communistes qui le proposaient. Programme incluant les nationalisations, donc le rôle de l’Etat dans l’économie, des salaires favorables pour les travailleurs, la création des services publics dont celui des  transports, échappant au souci du profit, la durée des congés payés augmentée, la protection sociale, le statut définitif de l’Ecole publique soustraite pleinement au privé, etc. Autant d’acquis humains, aussi bien que sociaux, formidables qui ont duré longtemps jusqu’à ce que les prétendus « socialistes » commencent à les remettre en cause dès Mitterrand à partir de 1983 au nom de l’Europe. Ensuite il y eut Jospin et ses privatisations, puis Hollande, suivi par Macron qui accentua ses dérives à un point rare, tournant le dos à la moindre orientation « socialiste » alors qu’il donna pourtant l’impression de vouloir l’assumer, au moins en partie. Abandon donc aussi de toute référence au marxisme, abandon que le SPD allemand avait inauguré officiellement en 1959.

Conséquence politique et idéologique importante : ce mouvement a abandonné le projet socialiste, en raison aussi de la vague libérale qui a suivi la disparition de l’URSS. Or c’est ce qui menace le Parti socialiste actuel tel que Glucksmann l’incarne aujourd’hui après son succès relatif aux élections qui viennent d’avoir lieu, sauf que son dirigeant actuel, Faure, ne paraît pas vraiment le soutenir dans cette orientation. On voit alors le problème qui se pose dans les négociations de la gauche entière pour les futures élections législatives. Il faut : 1 S’unir tout de suite pour un candidat unique dès le premier tour dans le cadre de ce qui doit bien être une nouvelle Union populaire et, 2, le faire sur un contenu transformateur et non faiblement réformiste par rapport à notre société capitaliste. Fabien Roussel l’a bien défini d’emblée dimanche soir en parlant d’un « pacte sur les salaires, la répartitions des richesses et les services publics ».

C’est seulement ainsi, en y ajoutant la cause écologique injustement affaiblie lors de ces élections européennes, qu’une gauche offensive incluant pleinement les communistes dont le poids politique national reste fort (on l’oublie souvent aussi) retrouvera un projet anti-capitaliste absolument indispensable humainement quand on voit les dégâts de tout nature que la capitalisme provoque dans le monde entier. Et c’est ainsi aussi que la « tentation social-démocrate » faible retrouvera, pour ceux qui s’en réclament, sa dimension socialiste originelle qui a fait son honneur.

                                                          Yvon Quiniou                               

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