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Billet de blog 11 novembre 2023

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Antisionisme, antisémitisme et religion

Le dramatique conflit qui a lieu en Israël entre celui-ci et le Hamas, et au-delà de celui-ci avec la Palestine, est surdéterminé par un conflit religieux intolérable qui masque sa réalité politique et la renforce. Il faut donc distinguer l'antisionisme, légitime, et l'antisémitisme qui ne devrait pas avoir de place ici, malgré ce qu'on en dit dans les médias.

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             Antisionisme, antisémitisme, religion

Texte corrigé

 Le drame qui se passe au Moyen-Orient, quelle que soit la responsabilité meurtrière initiale du Hamas à partir de Gaza contre Israël, est qu’il fait d’abord oublier deux choses. D’abord la politique coloniale d’Israël, que cet Etat pratique à l’égard d’une partie de la Palestine depuis longtemps, à savoir sa naissance pratiquement, qui a été condamnée par l’ONU, mais que l’Occident, sous la domination américaine, accepte cyniquement et scandaleusement pour des raisons d' intérêts d’abord économiques. Ce qui fait de ce conflit un conflit guerrier entre deux nations. A quoi s’ajoute, ensuite, la greffe insupportable d’une dimension religieuse sur lui, où chaque camp se réclame d’une identité religieuse sectaire et rivale de l’autre, ce qui montre à quel point les religions sont « un facteur de mal » comme l’a affirmé le philosophe B. Russell en résumant tout un courant anti-religieux progressiste et humaniste qui remonte à l’époque des Lumières. Cette greffe attise cette conflictualité en lui ajoutant une dimension irrationnelle et fanatique, déplorable de part et d’autre, qui aveugle les esprits et l’intensifie.

C’est dans ce contexte que surgit la confusion générale de l’antisionisme et de l’antisémitisme. Car l’hostilité première des Palestiniens à l’égard d’Israël est bien d’abord politique à cause de cette domination coloniale que j’ai indiquée, non seulement à l’égard de Gaza mais en Cisjordanie, à l’initiative du gouvernement israélien, franchement d’extrême droite aujourd’hui et qui s’enflamme à l’abri de sa référence ou identité religieuse, judaïque en l’occurrence, pour mobiliser ses fidèles. Et du coup, il a beau jeu de croire pouvoir déceler dans la politique du Hamas une hostilité de nature antisémite visant une identité juive et qui justifierait sa propre réaction : l’antisionisme serait alors (ou aussi ?) le masque d’un antisémitisme lointain qui reviendrait au premier plan et dont l’opinion publique se ferait le relais un peu partout, quitte à susciter et à justifier la marche de dimanche en France.

Or je dois le dire et il faut le dire, cette confusion ou assimilation est aberrante pour moi qui ai, en particulier, réfléchi et publié sur la religion et ses travers intrinsèques. L’antisémitisme est une haine des juifs érigés en « race », ce qu’ils ne sont pas pour cette raison simple qu’il n’y a pas de « races », au sens fort que la science a invalidé depuis longtemps (voir en France l’appui de cette position dans la loi édictée par le député communiste Gayssot en 1990) et encore moins de « races religieuses » dotées d’une identité propre à ce titre : il y a seulement des ethnies ou des peuples qui s’en attribuent une, illusoire, sous la forme ici d’un sémitisme judaïque ! De même, d’ailleurs, il n’y a pas de « race musulmane » mais des peuples nationaux qui s’affirment « musulmans » d’une manière également illégitime sur le plan racial. Dans les deux cas cette auto-identification « raciale-religieuse » n’a pas de sens et on doit la critiquer intellectuellement et politiquement, tout en la respectant de fait - c‘est ce qu’on appelle la tolérance dans une République laïque - à condition que l’identité religieuse proclamée ne porte pas atteinte au vivre ensemble de tous et au respect mutuel des différences « spirituelles », athéisme compris, ce qui n’est pas souvent le cas, à notre époque encore.  Voir ici le magnifique film tout récent de Bellochio, L’enlèvement, pour le passé.

D’où la signification tactique et hypocrite de l’accusation d’antisémitisme ces temps-ci: elle cache la critique, politique et a-religieuse, de la politique d’Israël par rapport aux Palestiniens, de façon à l’occulter ou à invalider l’antisionisme qui est au cœur de cette attitude critique, laquelle est de droit, parfaitement légitime pour la raison que j’ai dite et le nombre de victimes qu’elle entraîne, plutôt hallucinant et quatre fois supérieur à celui de l’intervention, inexcusable cependant, du Hamas.

On comprendra alors la position qui est la mienne et que je préconise sur la base aussi de ma critique de fond des religions et de l’aliénation qu’elles induisent : pas seulement celle du « racisme religieux », quel qu’il soit, mais la critique publique et impérative des religions dans le respect ou la tolérance de fait de leur existence, dès lors qu’elles sont elles-mêmes tolérantes entre elles (ce qui rare) et qu’on interdit absolument leurs abus inhumains sur l’existence humaine. A quoi s’ajoute le refus d’identifier les conflits politiques nationaux à de seuls conflits religieux, refus de principe de ces conflits, ainsi conçus, entraînant l’examen de leur base socio-économique, pour promouvoir  réellement la paix.  Il faut donc à la fois être antisioniste et refuser l’antisémitisme…comme le sémitisme ! Même chose pour l’islam : il faut à la fois le respecter « critiquement » en tant que religion et refuser sa traduction politique intolérante.

                                                             Yvon Quiniou, philosophe.

NB : Pour ceux que je ne convaincrais pas, qu’ils se renseignent sur la philosophie politique de Kant qui entendait contribuer, par la morale, à la pacification des rapports interhumains dans les nations et entre elles. Et en  plus, il dénonçait les religions d’église fondées sur le culte et des croyances déraisonnables, porteuses de haine, au profit d’une religion fondée, selon lui, sur la seule raison morale et la foi subjective qu'elle entraîne intellectuellement.

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