Qu’il faut refuser le capitalisme, y compris à l’Ecole !
Le mot d’ordre que le titre de ce billet indique dans son début pourrait paraître banal à ceux qui me lisent et qui sont engagés à gauche, et l’on en connaît les motifs. Je les rappelle seulement avant d’aborder le nouveau thème d’actualité qu’il comporte et qui m’a littéralement scandalisé. Les thèmes classiques, donc : un capitalisme néo-libéral transnational qui envahit la planète et poursuit son travail d’exploitation du travail humain partout, tout en enlevant leur autonomie ou souveraineté politique aux nations ; le même qui approfondit les inégalités au profit de milliardaires voraces et sans scrupules ; une économie mondialisée qui abîme notre planète naturelle par le moyen d’échanges dépensant une énergie démente, qui sont la source première de la crise écologique, avec sa menace sur la vie humaine : de ce point de vue, le seul appel à la sobriété dans la consommation et sans la critique du système capitaliste relève, comme je l’ai lu, du « jardinage » ; le poids d’un commerce qui médiocrise et aliène nos vies dans la consommation ; enfin une idéologie libérale qui envahit les esprits à un point rare, y compris ceux qui étaient ou se disaient « de gauche » jusqu’à présent et chez qui l’ambition du pouvoir a remplacé la moindre éthique ou le moindre souci des valeurs morales universelles inhérent au projet socialiste.
Je viens de parler des « esprits » et de l’idéologie lamentable qui les envahit. Cela me permet précisément d’aborder ce nouveau scandale qui arrive cette fois-ci en Suède, ex-régime « social-démocrate » (l’est-il encore ?) et qui touche l’enseignement On vient d’apprendre l’autorisation donnée par l’Etat à des particuliers d’acheter des écoles, y compris publiques, pour en faire des écoles privées ou « libres » (sic) disons « haut de gamme », à l’initiative parfois d’enseignants issus du public ! Celles-ci sont très sélectives, visant une clientèle (c’est le cas de le dire) très aisée capable de payer des études très chères à ses enfants, et elles vont renforcer les inégalités sociales dans ce domaine, pourtant déjà grandes. Pour quel motif ? Le profit financier, tout simplement, capable de s’élever à des milliards de « couronnes », lesquels seront ensuite investis ailleurs, dans le commerce ou la production, y compris dans des multinationales (voir Le Monde du 8 septembre, p. 7) où ils seront augmentés. Les règles d’entrée dans ces écoles ne sont guères transparentes et l’on imagine, évidemment, que l’honnêteté idéologique de l’enseignement ne doit pas y briller dans certains domaines ! Enfin scandale des scandales, ce type d’enseignement non seulement est validé par l’Etat (avec ses responsables « sociaux-démocrates » désormais !) au même titre que l’enseignement public, mais il bénéficie de subventions de sa part à travers des « chèques éducation » qu’il autorise les communes à leur verser.
Le « succès » de ce modèle peut nous faire craindre sa diffusion ailleurs qu’en Suède (sachant que de toute façon l’enseignement privé existe dans bien d’autres pays) et doit nous rappeler les inégalités sociales qui pèsent de plus en plus sur l’Ecole ailleurs et y compris en France. Mais il traduit aussi une perte des idéaux qui ont fait la gloire et le succès du progressisme en politique. C’est bien pourquoi il faut rappeler la nécessité morale et politique de dépasser un système capitaliste qui abîme les hommes à ce point, en l’occurrence ici les enseignants qui se lancent dans cette aventure mercantile, en transformant leurs « cœurs » en « portefeuilles » ! Ils ont ainsi intériorisé la loi de fonctionnement du capitalisme !
Yvon Quiniou. Dernier ouvrage paru (avec N. Foufas), La possibilité du communisme, L’Harmattan.